Au bureau, il y a ceux qui sont toujours les premiers à parler, il y a aussi ceux qui écoutent plus qui ne parlent, il y a encore ceux qui ne parlent jamais, et n’écoutent pas plus. Bref, il y a toutes sortes de gens. Le hic, c’est qu’il faut que tout ce beau monde réussisse à s’entendre pour œuvrer en équipe, mieux, pour faire des étincelles. Ce qui, nous le savons tous, n’est pas chose aisée.
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Comment établir une saine communication entre chacun des membres d’une équipe aux personnalités aussi disparates ? C’est-à-dire – on s’entend – au sein de n’importe quelle équipe, à commencer par celle dans laquelle vous évoluez vous-même. Éternelle interrogation, me direz-vous. Ce à quoi je rétorquerai que ce n’est pas si sûr que ça. Car il existe un angle intéressant pour commencer à y répondre. Un angle d’attaque que j’ai déniché dans un livre passionnant, Laissez courir les éléphants (Québec Amérique, 2015), signé par David Usher.
David Usher ? Il s’agit d’un artiste de pop rock britannique qui vit actuellement à Montréal (Canada), connu dans les années 1990 pour avoir été le chanteur du groupe canadien Moist. Il est également un homme d’affaires passionné de technologie, à la tête aujourd’hui de la firme CouldID Creativity Labs, qui offre des services allant de la conception de sites Web à la consultation. Enfin, humaniste dans l’âme, il est le directeur fondateur de l’initiative Artists for Amnesty d’Amnistie Internationale. Sa passion : la créativité sous toutes ses formes, un thème au cœur de son ouvrage, dont le but affiché est d’être «l’étincelle qui aidera chacun à attiser la créativité qui sommeille en nous».
L’un des passages de son livre m’a particulièrement séduit. Celui où il parle des monstres et des souris. Et où, en vérité, il permet au lecteur de mieux se connaître lorsqu’il interagit avec les autres au sein d’un groupe, que ce soit à l’occasion d’une simple discussion ou encore d’un brainstorming crucial pour l’avenir de l’entreprise. Vous me connaissez, je ne résiste pas à la tentation de partager avec vous ce passage-là. Vous allez vite saisir pourquoi…
Ëtes-vous un monstre ?
«Monstre, n. m.: Énorme bête imaginaire dont l’aspect affreux ou repoussant suffit à effrayer les gens.
«Dans un processus créatif, une collaboration de groupe, ou encore lorsqu’on vous expose de nouvelles idées, êtes-vous toujours le premier à faire des commentaires ? Pendant qu’on parle ou démontre quelque chose, êtes-vous penché comme un sprinteur sur la ligne de départ, vous retenant avec peine de faire connaître votre opinion contraire ?
«[Si tel est le cas], vous êtes probablement un monstre. C’est-à-dire que vous n’écoutez pas vraiment et ne laissez pas aux idées des autres la chance d’être entendues. Vous injectez du «non» dans la [discussion] et vous instaurez une atmosphère qui ne permet pas aux gens d’exprimer librement leurs idées sans crainte de se faire écraser. Vous êtes toujours en train de tuer l’imagination [commune].
«[Comment identifier le ou les monstres au bureau ? Et comment corriger le tir ?] Peut-être en jouant à un jeu tout bête, [qui se joue idéalement entre collègues, si possible à l’occasion d’une sortie, autour de quelques verres]. Le principe est simple… Rassemblez les joueurs en un cercle. Brandissez l’index et levez le pouce comme si vous aviez un revolver en main, puis braquez-le vers différentes personnes du cercle, en disant «Bang, bang, clic, bang !».
«À chaque mot, pointez votre arme au hasard vers une personne différente. Puis, demandez au groupe : «Qui est mort ?».
«Maintenant, attendez quelques instants. Laissez le temps aux gens d’émettre toutes les théories qui leur passent par la tête et de deviner pourquoi telle ou telle personne est morte. En fait, laissez aux gens le temps d’oublier… qui a parlé en premier. Puis, une fois que chacun a dit ce qu’il avait à dire, pointez du doigt cette personne-là, en disant : «C’est toi qui es mort !».
«Répétez le processus jusqu’à ce qu’un petit malin finisse par découvrir le pot aux roses. (Les gens mettent souvent un temps assez long avant de mettre au jour le truc.)
«Lorsque mon ami Stephen O’Connell m’a fait découvrir ce jeu, nous y avons joué pendant une dizaine de minutes. Tour après tout, j’étais toujours le mort. Chaque fois, je croyais avoir deviné, et chaque fois, je déboulais le premier avec mon opinion.
«Ce soir-là, j’ai découvert quelque chose de très intéressant sur moi-même : j’aimais vraiment parler le premier. Et je passais très peu de temps à écouter. J’ai été bouleversé de découvrir que j’étais… un monstre !
«Mon comportement – le pied sur la ligne de départ, toujours prêt à y aller de mon commentaire, et à avoir raison – m’empêchait d’écouter. Je ratais ce qui se passait [autour de moi]. J’étais plutôt absorbé par mes propres idées et par ce que j’avais à dire. Depuis, j’ai consacré beaucoup de temps à apprendre à écouter et à surtout entendre.
«J’ai ainsi appris une grande leçon. À savoir que les meilleures idées ne viennent pas toujours des coins les plus bruyants, ni des voix les plus fortes. Ce n’est pas parce que je crie le premier ou le plus fort que mes idées sont meilleures, et mon imagination plus vaste. Il est précieux d’écouter et de donner aux idées une chance d’exister et de germer.
«L’extraverti parle et pompe tout l’oxygène de la pièce, c’est dans sa nature. Essayez donc de retenir votre langue pendant une minute, et d’écouter. Dans mon cas, c’est quelque chose qui me demande encore aujourd’hui un effort, mais j’y arrive de mieux en mieux.»
Êtes-vous une souris ?
«Dans son livre Quiet : The power of introverts in a world that can’t stop talking, Susan Cain évoque la force et le pouvoir que donne le silence. Les introvertis ont besoin d’un ensemble de circonstances différentes pour être à l’aise et productifs dans le monde de l’extraversion qui les entoure.
«Selon [l’ex-avocate américaine], les introvertis sont «des personnes qui peuvent avoir une grande aisance sociale et apprécier les dîners ainsi que les réunions professionnelles, mais qui assez vite n’ont qu’une envie, rentrer chez eux. Elles préfèrent réserver leur énergie à leurs proches, à leurs amis et à leurs collègues. Elles écoutent plus qu’elles ne parlent, réfléchissent avant d’intervenir, et ont souvent l’impression de s’exprimer plus librement par écrit. Elles n’aiment généralement pas le conflit. Et fort souvent, elles détestent les conversations futiles et recherchent les discussions profondes».
«Or, dans bien des disciplines créatives, le pouvoir de l’écoute donne aux introvertis un avantage concurrentiel indéniable. Car ceux-ci savent intuitivement écouter et observer, ce qui leur donne l’occasion de déceler et de rassembler les idées de leur entourage. De fait, vous voyez davantage ce qui se passe sous vos yeux lorsque vous n’essayez pas d’être le centre de l’attention. Susan Cain enchaîne : «Ne croyez pas que l’introversion est une maladie à guérir. Restez fidèle à votre nature, [si vous êtes vous-même quelqu’un d’introverti]. Si vous aimez faire les choses de façon lente et régulière, ne vous laissez pas déstabiliser par l’impression qu’il vous faut absolument courir. Idem, si vous aimez la profondeur, ne vous obligez pas à chercher de l’ampleur. Et si vous préférez accomplir tâcha après tâche, continuez de résister au multitâche si en vogue de nos jours. Le fait d’être relativement indifférent aux pressions en tous genres vous donne l’incalculable pouvoir de procéder à votre guise.»
«L’envers de la médaille, c’est que lorsque les bonnes conditions ne sont pas réunies, l’introverti risque de sombrer dans une timidité douloureuse et pétrifiante. Ce qui se produit fort souvent lorsqu’il s’agit de brasser des idées neuves, la créativité n’ayant rien à fiche des «conditions parfaites». L’introverti devient dès lors une petite souris, effarouchée d’un rien.
«Dans ce monde d’idées précipitées qui est le nôtre, tout comme le monstre a besoin d’apprendre à se taire, la souris a parfois besoin, elle, de crier. (…) De se battre contre sa nature pour se faire entendre, et gagner. Il lui faut apprendre à vivre dans un monde de monstres ; non pas à en devenir un, mais à réussir à faire passer ses idées. (…) Comment cela ? Par exemple, en sortant à l’occasion des paramètres étroitement définis de leur zone de confort, poussées par la curiosité.
«Croyez-vous encore qu’il est possible d’être un auteur qui vit et écrit retiré dans sa maison de campagne et qui laisse son éditeur s’occuper de tout le reste ? Si tel est le cas, détrompez-vous vite fait. De nos jours, les maisons d’édition exigent que vous alliez vendre votre livre. Tout tourne autour d’une plateforme, la vôtre. Si bien qu’il vous faut être en conversation constante avec les abonnés à votre blogue, tout comme à vos comptes Twitter et Facebook. Rencontrer les médias le plus souvent possible. Aller à la rencontre du public, signer des livres et même embrasser des bébés.»
Voilà. Que retenir à présent de tout cela ? Ça me paraît évident :
➢ Qui entend améliorer l’échange d’idées au sein de son équipe se doit d’identifier les monstres et les souris qui y évoluent, et de favoriser l’épanouissement des uns comme des autres. Et ce, en jouant, à la première occasion venue, au jeu du «Bang, bang, clic, bang !». Ou bien, en observant soigneusement la dynamique du groupe lorsqu’il est en réunion : Qui écrase les idées ? Qui les stimule ? Quelle influence a-t-il lui-même dans cette dynamique-là ? Puis, en invitant chacun à changer sa nature dans l’optique de favoriser l’émergence des idées de tous.
En passant, le moine bouddhiste japonais Yasutani Roshi aimait à dire : «Plus vous devenez silencieux, plus vous êtes capable d’entendre».
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