BLOGUE. Quand vous prenez une décision, croyez-vous que le regard des autres sur celle-ci a la moindre influence sur vous? Et quand, de surcroît, vous les voyez par la suite faire le même choix que vous, cela vous conforte-t-il dans votre décision? Et si jamais vous découvrez qu'ils ont fait le même choix que vous, mais pour d'autres raisons que les vôtres, cela vous déstabilise-t-il? Difficile à dire…
Découvrez mes précédents posts
Suivez-moi sur Facebook et sur Twitter
Pourtant, la réponse à toutes ces interrogations existe. Si, si… Il y a bel et bien moyen de savoir dans quelle mesure autrui a une influence sur vos choix, en particulier quand vous occupez une position de leader. Tout cela est indiqué dans une étude intitulée Same destination, different paths: When and how does observing other's choices and reasoning alter confidence in our own choices? Celle-ci est signée par Cait Lamberton, professeure de gestion des affaires à la PittBusiness, Rebecca Naylor, professeure de marketing au Fisher College of Business, et Kelly Haws, professeure de marketing à la Mays Business School. Elle montre que nous sommes beaucoup plus influençables que ce que nous croyons a priori…
Ainsi, Mmes Lamberton, Naylor et Haws ont procédé à trois expériences complémentaires visant à déterminer dans quelle mesure nous nous mettons à douter de la justesse d'un de nos choix. La première d'entre elles est celle qui apporte les principaux enseignements, c'est pourquoi elle mérite toute notre attention.
Les trois chercheuses ont demandé à 200 étudiants d'une université de répondre à une simple question : «Dans quelle université souhaitez-vous obtenir votre diplôme : celle où vous êtes actuellement ou telle autre (note : était alors indiqué le nom d'une université tout aussi prestigieuse, établie dans le même État)?». Puis, chacun devait ranger par ordre d'importance cinq phrases préétablies pouvant justifier leur choix (ex.: «Je sens que c'est là que ma personnalité fitera le plus avec celles des autres étudiants»). Ensuite, chacun devait noter de 1 à 7 le degré de confiance qu'ils avaient dans la justesse de leur choix.
Un détail important : les participants étaient dès le départ répartis en deux groupes. L'un était averti que leur choix et les raisons soutenant celui-ci seraient dévoilés à d'autres participants. L'autre, qu'ils seraient gardés secrets.
Pour finir, chaque participant s'est vu remettre une copie du choix et des raisons d'un autre (en vérité, cette copie était truquée, car l'important était de voir la réaction que pouvait déclencher celle-ci…). Parfois, le choix et les raisons étaient identiques ; parfois, le choix était le même, mais pas l'ordre des raisons ; etc. Chacun devait dès lors indiquer une nouvelle fois le degré de confiance qu'il avait dans son propre choix.
Résultats? Les voici tout de go:
> Ceux qui savaient que leur choix serait tu étaient en général plus confiants dans leur décision que les autres;
> Ceux qui apprenaient qu'autrui avait fait le même choix et pour les mêmes raisons qu'eux se sentaient confortés dans leur décision;
> Ceux qui découvraient qu'autrui avait fait le même choix, mais pour des raisons différentes, perdaient confiance en la justesse de leur décision;
> Ceux qui constataient qu'autrui avait fait un choix différent du leur n'en étaient pas atteint dans leur croyance dans le bien-fondé de leur décision.
«Lorsque nous observons les autres, nous ne pouvons pas nous empêcher de nous interroger sur nous-mêmes. Nous comparons ce qu'ils décident et font avec nos propres décisions et agissements. Et ce, surtout lorsque nous notons que les autres font le même choix que le nôtre, mais pour des raisons complètement différentes. Car nous nous demandons alors fortement si nous avons fait le bon choix par erreur, voire le mauvais choix, puisque les raisons nous y ayant poussé n'auraient pas dû nous mener là», disent Mmes Lamberton, Naylor et Haws dans leur étude.
Subtil, n'est-ce pas? On aurait pu imaginer que le simple fait de constater que les autres font le même choix que nous nous conforterait forcément dans notre décision, alors que ce n'est pas du tout ce qui se produit : quand on creuse un peu sur les motivations des autres, on se met à douter des nôtres.
Cette trouvaille présente de nombreuses implications pour qui est amené à piloter une équipe et à prendre des décisions importantes. Les trois chercheuses en abordent une en particulier qui me semble très intéressante :
> Convaincre autrement. Quand on sait qu'une décision sera discutée par les autres après avoir été annoncée, mieux vaut ne pas présenter de manière «trop précise et rationnelle» les raisons la soutenant. En effet, on risque alors de faire douter des personnes d'accord avec cette décision, mais qui ne partagent pas les mêmes raisons appuyant celle-ci. Et perdre le soutien de ces personnes-là peut être très dommageable pour un leader.
«À vouloir persuader rationnellement les autres, on va, au mieux, rater son coup auprès de la plupart des personnes à qui on s'adresse, et au pire, faire douter ceux qui pourtant nous étaient acquis d'avance. Mieux vaut donc donner des justifications jouant plus sur l'émotion que sur la raison», ajoutent-elles.
En passant, l'écrivain américain Isaac Asimov aimait à dire : «Pour convaincre, la vérité ne peut suffire»…
Découvrez mes précédents posts