BLOGUE. Il arrive des moments où nous sommes vraiment sous pression. Sous haute pression. Par exemple, lorsqu'on sent que la mission qui nous a été donnée risque de ne pas être remplie, ou encore lorsqu'on sent que l'avenir de l'entreprise dans laquelle on évolue n'est plus assuré. Que se passe-t-il alors? Notre productivité accuse-t-elle le coup, ou au contraire redouble-t-elle?
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Trois chercheurs américains ont voulu le savoir : Edward Lazear, professeur d'économie et de management des ressources humaines à Stanford (États-Unis); Kathryn Shaw, professeure d'économie à Stanford; et Christopher Stanton, professeur de finance à l'École de commerce David-Eccles à Salt Lake City (États-Unis). Ils ont noté que durant la récession économique, qui a officiellement duré du dernier trimestre de 2007 au troisième trimestre de 2009 aux États-Unis, la productivité globale des Américains avait progressé de 3,16%. Auparavant, du premier trimestre de 2006 au troisième trimestre de 2007, elle n'avait crû que de 2,21%. Et ils se sont naturellement demandé pourquoi s'était produit un tel bond.
Dans le cadre de leur étude intitulée Making do with less: Working harder during recessions, ils se sont dit qu'il pouvait y avoir a priori deux explications possibles :
> Écrémage. La récession a incité les entreprises à licencier. Ce faisant, elles ont remercié les employés les moins productifs et conservé la crème de la crème. D'où une hausse notable de la productivité de l'entreprise dans les trimestres qui ont suivi.
> Peur. La récession a mis les employés sous pression, craignant d'être licenciés ou même de voir leur entreprise fermer ses portes. Les employés se sont alors mis à redoubler d'ardeur au travail. D'où une hausse notable de la productivité de l'entreprise dans les trimestres qui ont suivi.
Pour découvrir laquelle était la bonne, les trois chercheurs américains se sont penché sur la base de données d'une firme établie aux États-Unis, dont l'identité a soigneusement été dissimulée. Tout ce que l'on sait d'elle, c'est qu'elle dispose de succursales dans une douzaine d'États et que ses quelque 23 600 employés travaillent tous avec un ordinateur qui enregistre leurs moindres faits et gestes – c'est d'ailleurs ainsi que la haute-direction évalue la productivité de chacun sur une base quotidienne. On peut imaginer qu'il s'agit là d'une firme œuvrant dans le télémarketing.
Mme Shaw et MM. Lazear et Stanton ont analysé la performance de tous ces employés, entre juin 2006 et mai 2010. Il en est ressorti que durant la récession, leur productivité globale a augmenté de 5,4%, ce qui est nettement plus que la moyenne nationale, qui était de 3,16%. Mais surtout, que 85% de cette progression était due à une chose : le fait que chaque employé a alors redoublé d'ardeur au travail.
Autrement dit, la principale explication du gain en productivité des employés en période de récession est la peur. Oui, la peur de perdre son travail, ou même de voir son entreprise disparaître. Tout le monde met dès lors l'épaule à la roue, en ayant en tête que c'est là le seul moyen de s'en sortir, tant individuellement que collectivement.
La conclusion est donc simple :
> Nous sommes plus productifs quand nous sommes sous pression.
Cela étant, être animé par la peur n'a rien de souhaitable, et on peut même aller jusqu'à dire que cela peut se révéler néfaste pour l'individu : quand on est continuellement sous pression, on devient stressé; et lorsqu'on est stressé trop longtemps, on file droit vers le burnout. Et personne ne dira qu'un burnout va de paire avec la productivité…
Que retenir de tout cela? À mon avis, une chose très simple :
> Être sous pression est bon pour notre productivité. Néanmoins, il faut veiller à ne pas être sous pression trop longtemps, sinon l'on risque de vite connaître de grandes désillusions.
En passant, l'écrivain grec Ésope a dit dans ses Fables : «Le travail est pour les hommes un trésor».
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