Soyons honnêtes, nous nous sommes tous déjà dit que nous étions destinés à faire, un beau jour, quelque chose de grandiose. Quelque chose, disons-le carrément, de génial. Mais voilà, nous attendons toujours ce jour-là…
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Va-t-il enfin venir? Bientôt? Dans quelques mois? L'année prochaine? Ou… jamais? Avons-nous, en effet, déjà laissé sottement passer notre chance? Impossible à dire, croyez-vous peut-être. Pourtant, une étude permet d'y voir plus clair, intitulée Age and scientific genius. Une étude signée par : Benjamin Jones, professeur de management et de stratégie à l'École de management Kellogg (États-Unis); EJ Reedy, directeur de recherche à la Fondation Kauffman (États-Unis); et Bruce Weinberg, professeur d'économie à l'Université d'État de l'Ohio à Columbus (États-Unis).
Les trois chercheurs ont noté que nous avions tous, ou presque, une même croyance quant à la précocité des génies. Faisons d'ailleurs le test : à votre avis, à quel âge en moyenne la plupart des les génies font-ils leur grande trouvaille, c'est-à-dire celle qui les a fait entrer dans l'Histoire? Prenez-le temps d'y réfléchir…
Bon, ça y est, vous avez votre réponse? Eh bien, je suis prêt à parier que vous avez dit que les génies ont dans la trentaine quand ils font leur découverte révolutionnaire. Car les sondages à ce sujet indiquent que c'est la réponse la plus souvent donnée.
Maintenant, cette réponse est-elle la bonne? Les trois chercheurs ont regardé ce qu'il en était pour différents scientifiques de renom, et ont ainsi relevé un détail curieux…
Einstein a connu son année la plus fructueuse en 1905, soit à l'âge de 26 ans : il a alors expliqué l'effet photoélectrique, donné une description quantitative du mouvement brownien et concocté la théorie de la relativité. Newtown, lui, a brillé en 1666, à l'âge de 23 ans, avec sa théorie de la gravitation (le fameux épisode de la pomme qui lui est tombée sur la tête) qu'il explicita dans les décennies suivantes. Ou encore, Steve Jobs a cofondé Apple à l'âge de 21 ans.
Que retenir de ces exemples? A priori, que les génies font des étincelles jeunes, et même très jeunes. Mais il ne s'agit là que d'un leurre, en dépit d'Einstein qui disait : «Quelqu'un qui n'a pas apporté sa grande contribution à la science avant d'avoir 30 ans ne le fera jamais».
En effet, comme le relèvent les trois chercheurs, ce n'est pas si simple que ça. Prenons l'exemple de Steve Jobs : il n'a fait ses vraies grandes trouvailles qu'à 40-50 ans (iPhone, iPad, etc.). Mozart, que tout le monde perçoit comme un gamin surdoué qui suçait encore son pouce en composant ses opéras : il avait la trentaine – et était en fin de vie – quand il a réalisé ses plus belles œuvres. Et Copernic! Il avait la soixantaine lorsqu'il a proposé sa théorie de l'héliocentrisme.
Alors? Alors MM. Jones, Reedy et Weinberg ont décidé de se plonger dans tout ce qui avait déjà été publié sur l'âge et le génie scientifique, histoire de voir s'il y avait quoi que ce soit à en tirer. Un travail de moine, tant il y a de matière. Puis, ils ont compilé le tout.
Résultats? Fort instructifs, comme vous allez le voir :
> Juste avant 40 ans. Les Prix Nobel et les grands innovateurs technologiques du 20e siècle frôlaient en général l'âge de 40 ans lorsqu'ils ont fait leur grande trouvaille. On peut même dire qu'ils avaient, dans la très grande majorité, entre 35 et 40 ans. Ce qui signifie que ceux qui ont brillé, disons, avant 30 ans ou après 50 ans n'étaient que des exceptions. De rares exceptions.
> Croissance galopante. Quand on regarde les données à travers la loupe du temps, on note quelque chose d'intéressant. Ainsi, avant 1935, l'âge optimal était d'environ 34 ans; de 1935 à 1965, il est passé à environ 37 ans; et après 1965, il est quasiment devenu 40 ans. Autrement dit, l'âge optimal pour faire une percée scientifique va en croissant, au fur et à mesure des décennies. Et ce, de manière galopante : si la tendance se maintient, l'âge optimal devrait dépasser les 40 ans pour le début du 21e siècle.
> Fluctuations. Quand on regarde les données à travers la loupe des domaines scientifiques, on note aussi quelque chose d'intéressant. Quand ils lancent leur «Eurêka!», les génies de science physique sont de nos jours plus âgés que ceux de chimie, lesquels sont, à leur tour, plus âgés que ceux de médecine, lesquels sont, enfin, plus âgés que ceux d'économie. Bref, l'âge optimal fluctue en fonction du domaine scientifique considéré.
Bien entendu, les trois chercheurs ont tenu à expliquer cette croissance galopante et ces fluctuations. La raison est, comme toute, évidente : ces deux phénomènes découlent en grande partie du poids grandissant des connaissances à acquérir avant de pouvoir prétendre faire une percée révolutionnaire. Ce qui, nécessairement, prend du temps, de plus en plus de temps, même.
Maintenant, revenons à notre interrogation de départ : est-il encore temps, pour vous, d'innover furieusement? Une réponse simple est de dire que si vous frôlez l'âge de 40 ans, il est plus que temps de vous y mettre enfin, une bonne fois pour toutes. Car sinon, vous risquez bel et bien de laisser passer votre chance. À jamais. Et d'en avoir d'éternels regrets.
Le hic, c'est qu'il ne s'agit que d'une réponse "simple". Trop générique pour être exacte. Mais tout de même intéressante d'un point de vue indicatif.
En vérité, tout dépend du bagage de connaissances que vous avez. Pas de trouvaille géniale possible à 40 ans si vous ne maîtrisez pas à la perfection votre sujet. Tout dépend également du domaine dans lequel vous évoluez : certains encouragent la créativité des jeunes employés (publicité, jeux vidéo, etc.), d'autres moins (non, non, je ne donnerai pas d'exemple…).
Que retenir de tout cela? Ceci, à mon avis :
> Vous rêvez d'innover furieusement? Mettez tout en œuvre en ce sens si vous approchez de la quarantaine. Et mettez les bouchées doubles si vous l'avez tout juste atteint. Mais surtout, ne lâchez pas! On ne sait jamais…
En passant, l'homme politique français Marie-Jean Hérault de Séchelles a dit dans ses Pensées et anecdotes : «Quel est le père du génie? La gloire. Et sa mère? La solitude».
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