BLOGUE. Vous est-il déjà arrivé de vivre un moment extrêmement embarrassant? Vous savez, le genre de moment où l’on préférerait se transformer en petite souris pour disparaître aux yeux de tous. Quand, en dépit de votre timidité, vous avez dû parler en public. Ou quand vous avez dit une sottise et quand plus vous cherchez à corriger le tir, plus vous vous enfoncez. Ou encore quand la pression sur vos épaules est si forte que vous vous mettez à bafouiller à l’instant critique de votre présentation devant les collègues. Oui, je suis sûr que vous savez…
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Que nous arrive-t-il à ce moment-là? Oui, que se produit-il dans notre cerveau pour nous empêcher ainsi d’agir normalement? Eh bien, nous sommes victimes de «modestie extrême». C’est ce que j’ai appris dans la toute dernière édition du magazine Psychology Today.
Ainsi, la modestie est une qualité nécessaire pour la vie en société. Il s’agit d’une attitude d’auto-effacement nécessaire pour se faire accepter au sein d’un groupe, quel qu’il soit (proches, amis, collègues, etc.). La modestie n’est alors pas perçue comme un manque de confiance en soi ou d’estime de soi, elle est, au contraire, une tactique pour minimiser le risque d’offenser autrui, surtout lorsqu’on ne le connaît pas encore.
Cela étant, nous évoluons, vous comme moi, dans des sociétés occidentales, où l’individualisme est l’une des valeurs dominantes. C’est pourquoi il ne faut surtout pas rester modeste trop longtemps. «Avec les étrangers, il est tout à fait approprié et même souhaitable de se mettre en avant, au bout d’un moment. Sinon, on court le risque de paraître insignifiant, de ne pas attirer l’attention des personnes à qui l’on veut s’adresser», a noté Dianne Tice, professeure de psychologie à la Florida State University, dans un article paru dans le Journal of Personality and Social Psychology.
En revanche, avec ses amis, pas besoin de faire d’esbrouffe : ils nous connaissent bien, du moins suffisamment pour savoir qui l’on est réellement. Si un soir on se montre à eux dans ce qui n’est pas le meilleur de nous-mêmes, cela ne prêtera pas vraiment à conséquence. On peut être «nature», et donc faire preuve d’une certaine forme de réserve, pour ne pas dire de modestie. «Un tel groupe fonctionne bien à condition que chacun de ses membres mette en veilleuse son narcissisme», explique Roy Baumeister, un collègue de Mme Tice, en soulignant que «l’égotisme [la jouissance raffinée de sa propre personne] est socialement perturbateur».
On le voit bien, la modestie est généralement bienvenue, mais elle présente un coût. Oui, un «coût», en ce sens qu’elle peut vite discréditer une personne au regard des autres. Ces derniers peuvent en effet interpréter un comportement effacé de mille et une manières : «S’il est si peu communicatif, c’est qu’il a un problème, peuvent-ils penser, par exemple. Peut-être n’a-t-il rien d’intéressant à dire. Peut-être manque-t-il de confiance en lui-même. Peut-être est-il complètement inintéressant lui-même. Etc.»
Le hic? C’est quand la personne en question prend enfin la parole et commet alors une bévue. C’est là que frappe cette fâcheuse «modestie extrême». Au lieu de sortir du rôle du modeste, on s’y englue, ce qui conforte autrui dans l’image négative qu’il commençait à avoir de nous. Et cela provient souvent du fait que l’on manquait, justement à ce moment précis, un peu de confiance en soi. «Dès lors que l’on sent que nos compétences sont en jeu, que les autres vont nous juger sur ce que l’on va dire ou faire, certains adoptent un comportement auto-destructeur et font ce qu’ils ne devraient surtout pas faire», indique Heidi Grant Halvorson, l’auteure de Succeed : How we can all reach our goals.
Fait intéressant à souligner : il semble que les femmes souffrent davantage de «modestie extrême» que les hommes. C’est du moins ce qu’estime Me Grant Halvorson. «Cela touche nombre de femmes brillantes, car elles sont sans cesse sous pression : elles ont très souvent l’impression qu’il leur faut justifier et prouver qu’elles sont réellement compétentes, si bien qu’elles craignent par-dessus tout de faire un faux-pas et de décevoir. Résultat : il leur arrive alors fort souvent d’être plus que modestes, et même plus que timides, soit d’être extrêmement modestes», dit-elle.
La conséquence? Exactement ce que la personne concernée ne souhaitait pas : elle perd peu à peu confiance en elle, puisqu’elle commet gaffe sur gaffe en public; elle se met à douter de sa capacité réelle à surmonter certaines difficultés ; ces doutes lanscinants minent son travail, et par suite sa performance. Elle sombre dans un cercle vicieux.
Maintenant, y a-t-il moyen de s’en sortir? D’arrêter de se saborder devant les autres? Il semble que oui. Une piste à explorer serait ainsi, d’après l’article du Psychology Today, de commencer par s’accepter tel que nous sommes. Nous sommes indécrottablement modestes? Timides? Et puis? Qu’est-ce que ça peut faire? Les autres vont le voir, ou finir par le voir, et s’ils sont vraiment intelligents, ils vont nous prendre comme nous sommes, avec nos défauts et nos qualités, et finir par prendre le temps d’écouter calmement ce qu’on a à partager avec eux.
«Pour s’enlever de la pression au moment critique, il peut être efficace – pour une femme comme pour un homme – de ralentir le rythme de son phrasé, de s’accorder tout le temps nécessaire pour communiquer son idée», suggère d’ailleurs Regina Barreca, professeure d’anglais à l’University of Connecticut et auteure, entre autres, de It’s not that I’m bitter : How I learned to stop worrying about visible panty lines and conquered the world.
Pour finir, une pensée du chanteur français Jacques Dutronc : «La timidité est une forme de politesse»…
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