Savez-vous ce qu'on trouve sur le mur d'entrée du siège social de Facebook, en plein cœur de la Silicon Valley? Une inscription : «Fonce et casse tout». Maintenant, j'ai une petite question pour vous : cela vous étonne-t-il? J'imagine que non.
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Cette invitation à tout casser sur son passage est, en vérité, loin d'être puérile. Elle fait référence à la vision de l'innovation qu'avait l'économiste autrichien Joseph Schumpeter, le père de la "destruction créatrice", pour qui ceux qui innovaient vraiment étaient uniquement ceux qui évoluaient dans «un ouragan perpétuel». Elle résume son idée selon laquelle pour innover il faut être plus que «libre mentalement», il convient d'être «un rebelle dans l'âme».
D'où cette nouvelle interrogation : pensez-vous être assez rebelle pour vraiment innover? Et de manière plus générale, évoluez-vous dans une équipe ou une entreprise où ce genre de rébellion est possible, voire encouragée? Je vois d'ici votre petite moue dépitée, qui trahit votre pensée. Je sais, vous êtes en train de vous dire : «Si c'était le cas, ça se saurait». Mais voilà, en êtes-vous si sûr que ça?
J'ai mis la main sur une étude fascinante, intitulée Young, restless and creative: Openness to disruption and creative innovations. Celle-ci est signée par : Daron Acemoglu, professeur d'économie au MIT à Cambridge (États-Unis); et Ufuk Akcigit, professeur d'économie à l'Université de Pennsylvanie à Philadelphie (États-Unis), assisté de son étudiant Murat Alp Celik. Elle montre que certains milieux de travail sont plus propices que d'autres aux innovations radicales – ce qui est une surprise pour personne –, mais surtout, indique les signes révélateurs du fort potentiel des organisations en mesure d'innover radicalement. Des signes qui ne trompent pas, comme vous allez le voir…
Les trois chercheurs d'origine turque ont commencé par se demander ce qu'était, concrètement, innover radicalement. Quelques données statistiques leur ont permis d'y voir plus clair. Ils ont regardé le nombre de brevets scientifiques qui avaient été déposés aux États-Unis, entre 1975 et 2001, en médecine. Le total : 223 452 exactement. Puis, ils ont cherché ceux dont on parlait encore dans les revues scientifiques, cinq années après leur dépôt.
Résultat : accrochez-vous bien, seulement une poignée d'entre eux font alors l'objet de plus de quatre mentions dans la presse scientifique! Oui, quand on considère les dizaines de milliers d'inventions faites en médecine durant une année aux États-Unis, on découvre que, cinq années plus tard, on ne parle plus que de très peu d'entre elles : ce sont elles, les innovations radicales, les seules à avoir eu un impact majeur dans leur domaine.
Les trois chercheurs ont alors voulu traquer ces innovations radicales, dans l'optique d'en savoir plus à leur sujet. Ils se sont plongé dans différentes bases de données, comme celles de l'United States Patent and Trademark Office (UPSTO) et de Compustat, en quête d'éventuelles corrélations entre le profil des entreprises et de leurs dirigeants et les innovations radicales. L'idée était simple, répondre à l'interrogation suivante : les entreprises qui innovent furieusement ont-elles des caractéristiques particulières?
Ce travail de moines leur a permis d'identifier certains traits a priori pertinents. Pour s'en assurer, ils ont alors adopté une approche économétrique de la question. Ça signifie qu'ils ont concocté un modèle de calcul permettant de vérifier si une organisation qui entend innover radicalement a bel et bien intérêt, ou pas, à user des caractéristiques identifiées.
Voici ce qu'ils ont ainsi mis au jour :
> Jeune et créatif. Plus le manager est jeune, plus les innovations faites par l'équipe sont créatives. Et inversement.
> Jeune et entreprenant. Plus le manager est jeune, plus il a tendance à s'entourer de jeunes à l'esprit d'entreprise. Et inversement.
> Jeune et rêveur. Plus le manager est jeune, moins les ventes enregistrées par l'équipe sont bonnes. Et inversement.
Des trouvailles qu'on peut résumer comme suit :
> Jeune et rebelle. Pour qu'une équipe puisse innover radicalement, il faut qu'elle soit ouverte à l'innovation radicale, et donc qu'elle soit jeune et dynamique, en particulier son leader. Il faut aussi qu'elle ne soit pas trop soucieuse de rentabilité à court terme, car cela représente un frein majeur à toute vraie innovation. Bref, il faut qu'elle soit jeune et rebelle.
Voilà. Vous êtes maintenant en mesure de savoir si vous évoluez, ou pas, dans une équipe susceptible d'innover furieusement. C'est somme toute assez simple : si vos collègues sont jeunes et frondeurs, alors vous avez tout pour briller comme jamais. Oui, pour carrément changer la donne dans votre domaine.
En passant, le penseur britannique John Stuart Mill a dit dans De la liberté : «Toutes les bonnes choses qui existent sont les fruits de l'originalité».
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