BLOGUE. Le poker est un jeu à la mode depuis quelques années. C'est que chacun y trouve son compte : on peut y éprouver le plaisir de se montrer plus malin que les autres, de déjouer le sort qui nous a donné de mauvaises cartes, et pour les meilleurs, d'empocher de l'argent. Mais avez-vous déjà songé, une seconde, que jouer au poker était un excellent exercice… de vie?
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Je m'explique… Quand on joue au poker, on doit faire preuve de certains talents nécessaires sur le plan professionnel, que l'on soit employé, manager ou leader. C'est ce que j'ai compris grâce au livre de Tony Hsieh Moi, mes souliers et les leçons de mon succès – Comment le bonheur a fait de Zappos une entreprise milliardaire (Éditions Transcontinental, 2011).
Le PDG de Zappos, une firme spécialisée dans la vente en ligne de chaussures et d'accessoires de beauté, y raconte qu'avant de se lancer en affaires, il s'est pris de passion pour le poker. Et cela lui a été fort utiles…
«J'avais un peu joué au poker à l'université, mais comme bien des gens, j'y voyais un simple divertissement et je ne m'étais jamais arrêté à étudier la question de plus près. En 1999, le poker n'était pas encore une activité grand public. La plupart des gens n'avaient jamais entendu parler des séries mondiales de poker et les chaînes de télévision comme ESPN ne diffusaient pas de tournois de poker.
«Par une nuit d'insomnie, je tombai par hasard sur un site Web pour les joueurs de poker aguerris. Je fus fasciné par la fabuleuse quantité d'analyses que j'y trouvai et je passai la nuit à lire des articles sur la mathématique de ce jeu.
«Comme beaucoup de gens, j'avais toujours pensé que le poker était surtout une affaire de chance, de bluff et de perspicacité. Je découvrais que dans le cas du Hold'em Limit (qui était alors le type de poker le plus répandu dans les casinos), aucun de ces facteurs n'avait vraiment d'importance à long terme. Pour chaque main et chaque tour d'enchères, il existe une manière de jouer mathématiquement correcte, qui tient compte des cotes du pot (c'est-à-dire des ratios entre le montant de la mise, le nombre de jetons déjà dans le pot et les chances statistiques de gagner). (…)
«Dans un casino, une table de poker se compose de 10 joueurs. Si au moins un joueur ne joue pas selon les règles mathématiques (et il y en a généralement plus qu'un…), ceux qui observent les règles finissent immanquablement par gagner à long terme.
«Il ne me fut pas très difficile d'apprendre ces règles (…), et je me mis à fréquenter des salles de poker californiennes plusieurs fois par semaine pour mettre en pratique ce que j'apprenais. (…) En quelques semaines, j'estimai que je maîtrisais relativement bien les principes mathématiques à la base du Hold'em Limit. (…)
«Une des choses les plus intéressantes que j'ai apprises en jouant au poker, c'est qu'il faut acquérir la discipline nécessaire pour distinguer la bonne décision et l'issue individuelle d'une donne particulière. C'est malheureusement ce qu'omettent de faire de nombreux joueurs de poker. S'ils remportent une main, ils présument qu'ils ont fait le bon pari, et s'ils la perdent, ils présument aussi qu'ils ont fait le mauvais pari. Et cela affecte leur jugement. (…)
«À force de jouer, je remarquai des similitudes entre une bonne stratégie de poker et une bonne stratégie d'affaires, surtout au regard de la dissociation entre le raisonnement à court terme (concentrer toute son attention sur le gain ou la perte d'une mise individuelle) et le raisonnement à long terme (prendre la bonne décision).
«Ces similitudes étaient si nombreuses que je décidai de dresser une liste des enseignements que j'avais tirés du poker et qui pouvaient s'appliquer aux affaires :
> L'évaluation des débouchés du marché
– Le choix de la table est la décision la plus importante à prendre.
– Vous ne devez pas hésiter à changer de table si vous vous apercevez qu'il est trop difficile de gagner à votre table.
– S'il y a trop de concurrents (certains étant irrationnels et inexpérimentés), il vous sera beaucoup plus difficile de gagner, même si vous êtes le meilleur joueur.
> Le marketing et l'image de marque
– Ayez l'air faible quand vous êtes fort ; ayez l'air fort quand vous êtes faible.
– Sachez quand vous devez bluffer.
– Votre image de marque est importante.
– Apprenez à influencer les histoires que les autres racontent à votre propos.
> Les finances
– Prévoyez le pire scénario possible.
– La personne qui montre les meilleures mains n'est pas celle qui ramasse le plus d'argent à long terme.
– La personne qui ne perd jamais une main n'est pas celle qui ramasse le plus d'argent à long terme.
– Privilégiez le résultat positif prévu et non le moindre risque.
– Veillez à ce que vos fonds soient suffisants pour jouer le jeu que vous jouez et prendre les risques que vous prenez.
– Ne jouez qu'avec l'argent que vous avez les moyens de perdre.
– N'oubliez pas qu'il s'agit d'un jeu à long terme. Il importe moins de gagner ou de perdre des mains ou des parties individuelles que d'obtenir un résultat à long terme.
> La stratégie
– Ne jouez pas à des jeux que vous ne comprenez pas, même si vous voyez qu'ils rapportent de l'argent à d'autres.
– Cernez le moment du jeu où les enjeux sont élevés.
– Ne trichez pas. Les tricheurs ne gagnent jamais à long terme.
– Tenez-vous-en à vos principes.
– Rectifiez votre style de jeu durant la soirée pour l'adapter aux changements de dynamique. Soyez souple.
– Soyez patient et raisonnez en fonction du long terme.
– Les gagnants sont généralement les joueurs les plus concentrés et les plus endurants.
– Différenciez-vous des autres. Faites le contraire de ce que font les joueurs de votre table.
– L'espoir n'est pas bon conseil.
– Ne laissez pas vos émotions prendre le dessus. Il est plus rentable de prendre une pause, faire une courte promenade ou quitter la salle pour le reste de la soirée.
> L'apprentissage continu
– Informez-vous. Lisez des livres et tirez des leçons de ce que d'autres ont fait avant vous.
– Apprenez par l'action. La théorie est importante, mais rien ne remplace l'expérience concrète.
– Affinez votre apprentissage en vous entourant de joueurs talentueux.
– Ce n'est pas parce que vous gagnez une main que vous êtes un bon joueur et que vous n'avez plus rien à apprendre. Vous avez peut-être eu tout simplement de la chance.
– N'hésitez pas à demander conseil.
> La culture
– Aimez ce que vois faites. Pour devenir un bon joueur, vous devez vous passionner pour le jeu et lui consacrer du temps.
– Ne soyez pas suffisant. N'en jetez pas. Il y aura toujours quelqu'un qui vous surpassera.
– Soyez aimable et faites-vous des amis. La communauté des joueurs est trop petite pour vous faire des ennemis.
– Partagez votre savoir avec les autres.
– Soyez à l'affût d'occasions autres que celles que présente le jeu immédiat. Vous allez peut-être rencontrer des gens avec lesquels vous nouerez une amitié à vie ou une nouvelle relation d'affaires.
– Amusez-vous. Le jeu est plus agréable quand vous n'avez pas seulement pour but de gagner de l'argent.
«Outre la priorité accordée au meilleur rendement à long terme, la plus grande leçon d'affaires que m'a apprise le poker concerne la décision à prendre pour attaquer le jeu. J'ai fini par saisir que le jeu commence avant même qu'on s'assoit à une table. Tout se joue au moment où l'on choisit sa table. (…)
«En affaires, une des décisions les plus importantes que doit prendre un entrepreneur ou un chef de direction concerne le secteur d'activité à exploiter. Aussi impeccable que soit sa gestion, une entreprise qui choisit un secteur qui ne lui convient pas ou qui est trop restreint s'expose à l'échec.
«Supposez que vous soyez le fabricant de gants le plus performant du monde, pensez-vous que vous irez très loin dans le marché des gants à sept doigts? Supposez encore que vous lanciez une entreprise qui concurrencera directement Walmart, sur son propre terrain, aurez-vous la moindre chance de percer? (…)
«Je compris qu'une entreprise pouvait toujours élargir sa vision pour disposer d'un plus grand champ d'action. Quand Southwest Airlines a fait son entrée dans le secteur des compagnies aériennes, elle n'a pas limité son marché cible aux usagers habituels de lignes aériennes, ce que faisaient tous ses concurrents.
«Elle a conçu un service qui pouvait aussi convenir aux usagers d'autobus ou de train, et elle a organisé ses activités commerciales en fonction de ce service. Elle a offert des trajets courts à bas prix, au lieu d'opter pour le modèle de vol à escales qui prévalait dans les autres compagnies aériennes. Et si elle a réussi, c'est parce qu'elle avait choisi de jouer à une table différente de celle où jouaient les autres compagnies aériennes.»
Brillant, n'est-ce pas?
En passant, rappelez-vous cette phrase de Paul Newman dans le film L'Arnaqueur : «Si vous êtes à une table de poker et que vous n'arrivez pas à savoir lequel de vos adversaires va être le pigeon de la soirée, c'est qu'il y a de fortes chances que ce soit vous».
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