BLOGUE. Quand vous pensez au Super Bowl, à quoi pensez-vous au juste? À la performance? À l’esprit de compétition? À l’esprit d’équipe? À – que sais-je encore – la gloire? Quant à moi, je pense à… la créativité.
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Surpris? Il n’y a pourtant pas vraiment de quoi. Certes, le Super Bowl est un match de football. Mais en réalité, c’est bien plus que cela, c’est un gigantesque spectacle, et en particulier l’une des plus grandes vitrines mondiales de la publicité télévisée.
J’espère que je ne vous apprends rien : le Super Bowl, c’est l’occasion pour les annonceurs de se démarquer en rivalisant de créativité, et bien souvent d’humour. Car ce match est l’événement sportif le plus regardé aux Etats-Unis, ses parts de marché oscillant généralement entre 40 et 60% : l’an dernier, pas moins de 111 millions d’Américains – un record – ont regardé les Packers de Green Bay mettre la main sur leur 4e titre. Un record qui pourrait bien être battu dimanche, car le duel entre les Giants de New-York et les Patriots de la Nouvelle-Angleterre promet d’être palpitant : il correspondra au match revanche de la finale de 2008, qui avait vu la victoire des Giants alors que les Patriots étaient largement favoris…
Créativité, donc? Oui, à l’image d’un spot qui circule d’ores et déjà sur le Web, celui du yoghourt grec Oikos, de Danone. On y voit l’acteur américain d’origine grec John Stamos, connu pour ses rôles dans les séries télévisées La Fête à la maison et Urgences, qui déguste un yoghourt avec sa dulcinée, avec une seule cuillère… jusqu’à ce qu’il se produise quelque chose de totalement imprévu! (Je ne vous en dis pas plus, regardez le vidéo ci-dessous pour en savoir plus.)
Ce spot brille de toute évidence par son originalité : on avait cru voir ce genre de spot pour yoghourt mille fois, mais là, une innovation a été trouvée, renouvelant complètement le genre. Il brille doublement quand on sait comment cette idée géniale a été trouvée. Le truc? Le crowdsourcing (que certains traduisent en français par «externalisation ouverte», mais bon…).
Le crowdsourcing? Il s’agit d'utiliser la créativité, l'intelligence et le savoir-faire d'un grand nombre de personnes (souvent des internautes) pour mener à bien un projet spécifique qui, en temps normal, aurait été pris en mains par une équipe interne. L’intérêt de cette démarche réside surtout dans le fait que l’on peut ainsi bénéficier d’idées et de talents dont on ne soupçonnait même pas l’existence. Google et Wikipedia, entre autres, sont de grands utilisateurs du crowdsourcing.
Dans le cas d’Oikos, Danone a décidé de ne pas faire appel à son agence habituelle, Young & Rubicam, pour lancer un appel à une communauté dénommée Poptent, composée d’artistes visuels, et surtout de réalisateurs. Le défi était très simple : «Surprenez-nous pour notre prochain spot, qui sera diffusé à l’occasion du Super Bowl». Deux frères qui ont grandi en banlieue parisienne ont remporté la palme, Remy et Andrew Neymarc, âgés respectivement de 21 et 23 ans. Leur idée a été retenue, et ce sont eux qui l’ont tournée.
Une belle histoire, n’est-ce pas? Une très belle histoire, je trouve, qui me fait penser aux précieux enseignements de Paul Arden dans son petit livre intitulé Vous pouvez être ce que vous voulez être (Phaidon, 2004). Paul Arden était un publicitaire qui a fait l’essentiel de sa carrière chez Saatchi & Saatchi, un réseau d’agences réputé pour sa créativité débridée. À la fin de sa vie, il a rédigé trois ouvrages dont la moindre page ne peut que donner du baume au cœur du lecteur en quête de motivation. Je ne résiste pas au plaisir d’en partager ici quelques extraits avec vous…
Ne gardez pas vos idées pour vous. Partagez tout ce que vous savez, vous en apprendrez d’autant plus.
«Rappelez-vous : à l’école, certains élèves posaient le bras devant leur cahier ou leur copie pour vous empêcher de voir leurs réponses.
«C’est la même chose au travail : les gens gardent jalousement leurs idées. «Ne leur parle pas de ça, sinon ils vont le reprendre à leur compte».
«Quand on garde tout pour soi, on finit par vivre sur ses réserves. Et par se dessécher.
«Si vous donnez tout ce que vous avez, il ne vous reste plus rien. Ce qui vous force à chercher, à vous tenir au courant, de vous renouveler.
«D’une certaines manière, plus on donne, plus on reçoit.
«Les idées sont à tout le monde. N’en revendiquez pas la propriété.
De toute façon, ce ne sont pas vos idées, mais celles de quelqu’un d’autre. Les idées sont dans l’air.
«Il vous suffit de vous mettre dans la bonne disposition pour les cueillir au vol.»
Autre extrait : N’ayez pas peur des idées stupides.
«Nous avons tous des blocages. Nous devons nous débloquer
«Comment? En oubliant nos inhibitions et en cessant de nous demander si nous avons raison.
«John Cleese, l’un des anciens des Monty Python, l’exprime en termes plus éloquents : «La grande créativité, c’est de réagir aux situations sans se servir de la réflexion critique». (Comme un jeu.)
«Deux trucs pour vous aider à sortit d’une impasse :
«1. Faites le contraire de ce qu’exige la logique.
«2. Regardez par la fenêtre. Décidez que ce qui attire votre attention – un oiseau, une antenne de télévision, un vieillard appuyé sur une canne – sera la solution de votre problème.»
Encore un autre extrait : Quand c’est infaisable, faites-le. Si vous ne le faites pas, ça n’existe pas.
«Une idée nouvelle peut paraître bizarre ou idiote, ou les deux.
«Pour en juger, un simple descriptif ne suffit pas. Il faut du concret.
«A priori, personne n’acceptera d’investir dans un projet sans comprendre l’intérêt de telles dépenses. Vous n’avez donc pas d’autre choix que de retrousser vos manches.
«Quoi qu’il vous en coûte.
«Pour y arriver, vous serez peut-être obligé de mendier, de voler, d’emprunter… Mais ça, c’est votre problème.
«C’est stimulant.
«C’est difficile et passionnant.
«Si c’était facile, n’importe qui pourrait le faire.
«Le film Citizen Kane est un très bon exemple. Personne n’y croyait ; on les a forcés à y croire.
«Orson Welles ne trouvait pas d’investisseurs, mais il a tout de même récolté une petite somme pour payer les acteurs.
«À force de quémander et d’emprunter à droite et à gauche, d’attendrir les gens, il a pu construire des décors et tourner des bouts d’essai. À la fin, il avait réalisé un tiers du film.
«Son film existait.
«Les investisseurs ont pu juger sur pièce. Il a obtenu l’argent.
«S’il avait baissé les bras devant son projet soi-disant irréalisable, il n’aurait fait qu’allonger l’interminable liste des idées jamais concrétisées.»
Stimulant, n’est-ce pas? Allez, un dernier, tellement c’est bon…
N’ayez pas peur de travailler avec les meilleurs.
«Les plus grands sont parfois difficiles à gérer. Ils sont déterminés, polarisés sur leur idée. C’est ce qui fait leur talent. Ils évitent les compromis.
«Ils peuvent être intimidants, surtout pour les jeunes, mais si vous les abordez en montrant que vous voulez faire quelque chose de bien, ils réagiront de manière positive.
«Car eux aussi, ils aiment le travail bien fait.
«Et si vous êtes clair et ferme dans vos directives, ils y trouveront peut-être à redire, mais ils vous respecteront – si ce n’est sur le moment, du moins par la suite (je n’ai pas dit que ce serait facile).
«Cette collaboration ne vous garantit pas d’obtenir un chef-d’œuvre, mais c’est plus probable que si vous travaillez avec un sympathique monsieur Tout-le-monde.»
Voilà donc tout ce que m’inspire le Super Bowl. On est bien loin de Tom Brady et de son adversaire de dimanche, Eli Manning, néanmoins cela prouve que l’on peut trouver l’inspiration de n’importe où. Pas vrai?
En passant, Paul Arden s’est amusé à glisser dans son ouvrage quelques citations pétillantes d’intelligence, dont une déstabilisante de Groucho Marx : «Mieux vaut tarte que jamais»…
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