Que savons-nous, au juste, d'Hillary Clinton? Tout, ou à peu près, croyez-vous peut-être. Eh bien, détrompez-vous. Saviez-vous, par exemple, qu'elle a des racines québécoises? Que son père était un républicain pur et dur? Ou encore, que Bill Clinton lui a déjà demandé le divorce?
Ah! Vous voyez? Allons maintenant au-delà de l'anecdotique, et demandons-nous ce que nous savons, au juste, du leadership de la vraisemblable future présidente des États-Unis (surtout lorsqu'on pressent quel va être son adversaire républicain!)? Prenez le temps d'y penser. Allez-y.
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Résultat? Hum... Je suis prêt à parier qu'il ne vous est pas venu grand-chose à l'esprit... À tout le moins, pas grand-chose de précis... Pourquoi? Parce qu'on sait finalement peu de choses sur Hillary Clinton. C'est ce que j'ai moi-même découvert à la lecture de Madame America - 100 clés pour comprendre Hillary Clinton (Les éditions La Presse, 2016), signé par les journalistes Richard Hétu et Alexandre Sirois.
Hillary Clinton a en effet un style de leadership qui lui est propre, et surtout, qui est on ne peut plus moderne. Oui, elle a un leadership qui je caractériserais d'intelligent. En voici la preuve, citations de passages du livre à l'appui...
> Une adepte de la "puissance intelligente"
«En tant que secrétaire d'État (2009-2013), la politicienne démocrate a fait comprendre très vite qu'elle était une adepte de la "puissance intelligente".
«Le concept a été développé par Joseph Nye, ex-secrétaire adjoint à la Défense sous Bill Clinton, qui enseigne, depuis plusieurs années, les relations internationales à la John F. Kennedy School of Government de Harvard. Ce spécialiste de la politique étrangère américaine a mis au point le concept de puissance douce (soft power), par opposition à la puissance dure (hard power). La première représente le pouvoir d'attraction qu'un pays peut utiliser pour influencer les autres. La seconde, c'est la coercition. Le recours à la force, par exemple, prisé par l'administration George W. Bush à l'époque de la guerre en Irak. La puissance intelligente, c'est la capacité d'utiliser à la fois la puissance douce et la puissance dure, lorsque l'une ou l'autre sont requises. (...)
««Combiner puissance douce et puissance dure n'a rien de neuf, explique Philip Seib, professeur spécialisé en diplomatie publique à l'Université de Californie du Sud. Ce n'est pas d'hier que le gouvernement américain, comme bien d'autres, préconise cette approche. La difficulté, c'est de trouver un équilibre. C'est ce qu'Hillary a tenté de faire. En misant sur la persuasion au sujet d'enjeux comme les droits des femmes, mais en n'abandonnant pas des tactiques dures comme les sanctions économiques contre l'Iran»
«Et d'ajouter : «Impossible de savoir si plus de puissance douce ou plus de puissance dure aurait été plus efficace, mais je pense qu'Hillary a relativement bien réussi à trouver un juste équilibre».»
> Une femme inspirée
«Jamais, dit-on, une première dame n'avait eu autant d'impact et de pouvoir à la Maison-Blanche qu'Hillary Clinton depuis... Eleanor Roosevelt.
«La femme du président Franklin D. Roosevelt (1933-1945) a été la première, parmi les premières dames, à être véritablement engagée. Elle ne taisait pas ses convictions et prenait la défense des laissés-pour-compte. Même si cela l'exposait à de nombreuses critiques.
«Hillary dit souvent s'être inspirée d'Eleanor Roosevelt lorsqu'elle a touché le fond du baril, en particulier pendant l'affaire Monica Lewinsky. «Les crises se succédant, je me répétais comme un mantra la remarque d'Eleanor Roosevelt selon laquelle toute femme entrant dans la vie politique devait "se faire une peau aussi coriace que celle d'un rhinocéros". Je me suis indiscutablement cuirassée au fil des ans», a-t-elle écrit dans ses mémoires. Ce conseil, elle l'a répété lors de plusieurs discours qu'elle a prononcés - incluant celui de son dernier passage à Montréal, en août 2014. (...)
«Plusieurs des combats menés par Eleanor Roosevelt le sont par Hillary aujourd'hui, rappelle Christopher Brick, éditeur du Eleanor Roosevelt Papers Project, à Washington. «Les droits civiques, les libertés civiques, l'égalité des chances pour les femmes et les minorités ethniques sont des enjeux qui ont tenu une place importante dans leurs carrières», dit-il
«On comprend mieux pourquoi Hillary, à la Maison-Blanche, a tenu à faire installer un buste d'Eleanor Roosevelt dans la Roosevelt Room pour accompagner les portraits de Franklin D. Roosevelt et de Theodore Roosevelt, qui y figuraient déjà.
«L'admiration d'Hillary pour l'ancienne première dame a toutefois soulevé une certaine controverse au milieu des années 1990. Le journaliste du Washington Post Bob Woodward avait alors révélé que la femme de Bill Clinton avait eu des conversations imaginaires avec la femme de Franklin D. Roosevelt. Ces discussions avaient été menées sous l'impulsion de Jean Houston, qui dirigeait la Foundation for Mindd Research. «Nous utilisions des exercices d'imagination pour qu'elle trouve des idées, pour réfléchir à la façon dont Eleanor aurait réagi à un problème en particulier», avait déclaré Jean Houston au New York Times en 1986.
«Cette année-là, Hillary a fait référence à cette polémiques, avec humour, lors du dévoilement d'une statue d'Eleanor Roosevelt dans un parc de New York. «La dernière fois que j'ai parlé à madame Roosevelt, elle m'a dit de vous dire à quel point elle était ravie de cette formidable statue!»»
> Une championne de la résilience
«Le 3 janvier 2008, date de la première étape de la course au leadership du Parti démocrate cette année-là, Hillary a passé une nuit «atroce» en Iowa. Elle y a subi une dégelée. Elle a terminé à la troisième place, avec 29,4% des voix. Barack Obama a fini bon premier (37,6%), suivi du sénateur de la Caroline du Nord John Edwards (29,7%). (...)
«La candidate avait été réticente à faire campagne sans relâche en Iowa. Elle détestait l'État avant même d'y avoir été vaincue, ont affirmé certains journalistes. Notamment parce qu'elle avait appris que jamais on n'y avait voté pour élire une femme au Congrès américain (la disette a pris fin en 2014 lorsque la républicaine Joni Ernst a été élue au Sénat) ou au poste de gouverneur de l'État. Qui plus est, les démocrates en Iowa sont reconnus pour leur pacifisme. Le vote d'Hillary pour la guerre en Irak était donc un sérieux handicapé
«En somme, pour Hillary, faire campagne en Iowa était comme assister à u mauvais, très mauvais film sans pouvoir quitter la salle de cinéma. (...)
«Le dimanche 12 avril 2015, une fourgonnette noire de marque Chevrolet a quitté la luxueuse résidence des Clinton à Chappaqua, dans l'État de New York. Personne ne le savait alors, mais Hillary était à bord et se dirigeait, incognito, vers... l'Iowa! Un road trip de 16 heures qui allait la mener dans l'État dont les caucus donnent le coup d'envoi de la course à la Maison-Blanche tous les quatre ans.
«Objectif, pour cette politicienne aussi riche que célèbre : corriger la perception qu'elle est déconnectée de l'Américain moyen. Elle a d'ailleurs diffusé [sur les médias sociaux], lors de ce trajet, une photo d'elle dans une station-service en Pennsylvanie. Le lendemain, les médias ont publié une photo d'elle en tarin de passer une commande dans un restaurant Chipotle (une chaîne de restauration mexicaine), en Ohio.
«L'image ainsi véhiculée tranchait avec celle projetée [sept] ans plus tôt. Hillary utilisait alors non seulement un jet privé pour se rendre en Iowa, mais elle avait aussi parcouru l'État en hélicoptère, ce qui n'avait pas manqué d'étonner... et de détonner. (...)
«Aucun grand rassemblement. Elle a plutôt organisé quelques rencontres en mode presque informel, notamment avec une poignée d'étudiants et de professeurs dans un collège communautaire ainsi qu'avec des entrepreneurs. Elle a aussi profité de ses arrêts dans les restaurants et les cafés de l'État pour discuter avec des clients.
«Sa stratégie n'était pas un secret. À l'issue de son séjour, Hillary l'a explicitée dans une lettre publiée dans les pages éditoriales du Des Moines Register, le quotidien le plus réputé de l'État. «Lors de mon séjour en Iowa, je voulais faire quelque chose d'un peu différent. Pas de grands discours, ni de rassemblements. Tout simplement parler directement avec des gens ordinaires de l'Iowa. Parce que cette campagne ne sera pas à mon sujet, mais bien au sujet des habitants de l'Iowa et des gens à travers le pays qui sont prêts pour un avenir meilleur».
«De l'avis général, la candidate n'aurait pu mieux faire. Le journal Politico, une référence en matière d'analyse politique aux États-Unis, a recueilli l'avis de 72 responsables et militants démocrates et républicains en Iowa et au New Hampshire. La performance d'Hillary a été louée dans un camp comme dans l'autre.»
> Une pionnière de la transparence
«La candidate démocrate a célébré son 68e anniversaire le 26 octobre 2015. Si elle est élue, elle aura 69 ans lorsqu'elle fera son entrée à la Maison-Blanche en janvier 2017. Seul le républicain Ronald Reagan avait atteint un âge aussi vénérable lorsqu'il est devenu président des États-Unis.
«En juillet 2015, trois mois avant de souffler ses 68 chandelles, elle a rendu public l'avis de son docteur, histoire de dissiper tout doute possible sur sa forme physique. Elle a été la première de tous les candidats - démocrates et républicains confondus - à prendre pareille initiative. «Elle se trouve dans une condition physique excellente et est bonne pour le service en tant que présidente des États-Unis», est-il indiqué dans cette évaluation écrite.
«Rappelons que la santé de la politicienne démocrate était devenu un enjeu depuis sa commotion cérébrale, en décembre 2012. (...) Et que deux semaines après sa commotion cérébrale, elle avait été de nouveau hospitalisée, cette fois pour une thrombose : un caillot de sang s'était formé dans une veine entre le cerveau et le crâne. Elle avait été traitée avec des anticoagulants et avait pu terminer son mandat de secrétaire d'État au début de 2013, avant d'être remplacée comme prévu par John Kerry.»
> Une amatrice d'équipes diversifiées
«Une fois devenue diplomate en chef des États-Unis, Hillary a mis en place une petite équipe de jeunes prodiges dans le but de faire passer ses outils diplomatiques à l'ère numérique.
«L'idée de confier la gestion de sa campagne actuelle à Robby Mook, qui a eu 36 ans en décembre dernier, découle de la même logique. Le jeune homme avait été chargé d'orchestrer la campagne d'Hillary en 2008 dans une poignée d'États (Nevada, Ohio et Indiana). À l'aide de sa maîtrise des bases de données et de ses aptitudes d'organisateur, il a permis à Hillary de vaincre Barack Obama dans chacun de ces trois États.
«Le jeune homme n'est toutefois pas le seul à la tête de l'organisation d'Hillary. Il partage les plus hautes fonctions avec un vieux routier de la politique américaine, John Podesta. Ce sexagénaire était chef de cabinet de Bill Clinton de 2998 à 2001. Il a aussi fait ses preuves au sein de l'administration de Barack Obama. Il a d'abord dirigé l'équipe de transition du politicien démocrate avant son arrivée à la Maison-Blanche, pour ensuite devenir son conseiller en 2014 et en 2015.
«Dans le but de trouver la combinaison gagnante, Hillary a repêché d'autres membres clés de la campagne de son ancien rival, incluant Joel Benenson, son sondeur, et Jim Margolis, que la candidate a embauché comme conseiller aux relations avec les médias.
«Sur papier, Hillary semble avoir fait les choix qui éviteront l'implosion de son équipe de campagne telle que vécue jadis. Mettre sur pied une équipe performante et compétente est un des premiers tests majeurs pour quiconque aspire à la présidence américaine.»
> Une femme authentique
«Pour être élue, Hillary Clinton mise sur son nouveau statut de... grand-mère!
«À la fin de septembre 2014, la fille d'Hillary et de Bill, Chelsea, annonce la naissance de son bébé : Charlotte Clinton Mezvinsky. Hillary est grand-mère! «L'expérience la plus formidable de ma vie», dira la politicienne. Formidable sur le plan personnel, mais aussi sur le plan politique, semblent penser ses stratèges.
«Ainsi, à la suite d'une controverse sur l'utilité des vaccins dans les rangs des candidats républicains à la Maison-Blanche, on a vu apparaître ce tweet sur le fil Twitter d'Hillary : «La science est claire : la Terre est ronde, le ciel est bleu et les vaccins fonctionnent. Protégeons tous nos enfants». Un message accompagné du hashtag #GrandMothersKnowBest (Les grand-mères ont toujours raison).
«Le ton était donné. Pour devenir la première commandante en chef des États-Unis, Hillary n'hésitera pas à l'avenir à rappeler qu'elle serait aussi la première grand-maman en chef du pays, histoire, entre autres, d'avoir l'air plus humaine. (...)
«Lors de son road trip en Iowa, par exemple, cela a pris la forme d'une référence aux jeunes qui, comme sa petite-fille, grandissent en sol américain. «Je veux que tous les enfants dans ce pays aient leur chance, et c'est l'une des principales raisons pour lesquelles j'ai décidé d'être candidate», a-t-elle dit.»
Voilà. Hillary Clinton affiche bel et bien un leadership intelligent. Car empreint de stratégie, d'inspiration, de résilience, de transparence, de diversité ainsi que d'authenticité; et ce, sans renier une seconde sa fondamentale féminité. Bref, la candidate démocrate à la Maison-Blanche bénéficie d'un leadership furieusement moderne, en parfaite adéquation avec ce début de 21e siècle.
Que retenir de tout cela? Ceci, à mon avis :
> Qui entend agir en véritable leader se doit d'afficher un leadership intelligent. Il lui faut s'inspirer de celui d'Hillary Clinton, en faisant preuve à la fois de stratégie, d'inspiration, de résilience, de transparence, de diversité et d'authenticité. Et ce, avec une constante : l'audace, à l'image de celle de nombre de femmes d'aujourd'hui.
En passant, l'écrivain canadien Ronald Wright a dit dans sa Chronique des jours à venir : «Lorsque tu as plusieurs choix devant toit et que tu n'arrives pas à te décider, prends toujours le chemin qui demande le plus d'audace».
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