BLOGUE. Quand survient un pépin, nous sommes souvent désemparés et nous avons le réflexe de chercher de l'aide autour de nous, auprès de quelqu'un de solide, fiable et compatissant. Cela peut être un proche, un ami de toujours, ou encore un modèle. Un modèle? Oui, un modèle, c'est-à-dire une personne que l'on admire, pour ne pas dire vénère tant elle nous inspire : quand on est jeune, c'est souvent un sportif ou un héros de série télé, puis ça change, ça devient un homme ou une femme d'affaires pour les entrepreneurs, voire un leader historique. Voici ma suggestion pour en adopter un nouveau : Mahomet.
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Mahomet? Oui, Mahomet, le prophète et message de l'islam. Celui à qui l'archange Gabriel a révélé la parole divine pour en faire le Coran, le livre sacré des musulmans.
Pourquoi Mahomet, et plus précisément le Coran, me direz-vous? Parce que j'ai découvert une étude passionnante sur le sujet, intitulée Managerial ethics in islamic framework, signée par Rana Zamin Abbas, professeur de management à l'Université de management et de technologie (UMT) de Lahore (Pakistan), ainsi que par quatre professeurs de l'Université du Punjab (Pakistan), soit Ishtiaq Ahmad Gondal, Muhammad Rizwan Junaid, Ghulam Ahmad Rana et Tahseen Mahmood Aslam. Celle-ci montre que les préceptes de l'islam dévoilés par le Coran peuvent être on ne peut plus utiles pour devenir un meilleur manager…
Les cinq chercheurs pakistanais se sont penchés sur un livre remarquable de Solomon Nigosian, professeur de religions à l'Université de Toronto (Canada), Islam (Indiana University Press, 2004). Dans ce dernier, il est explicité les principales règles de comportement que se doit de respecter tout bon musulman :
1. Adore un seul Dieu. «Allah dit : “Ne prenez pas deux divinités. Il n’est qu’un Dieu unique. Donc, ne craignez que Moi”», dit la sourate 16-51, dite Les Abeilles (An-Nahl) [traduction de Muhammad Hamidullah].
2. Sois respectueux et humble face à tes parents. «Et Allah vous a fait sortir des ventres de vos mères, dénués de tout savoir, et vous a donné l’ouïe, les yeux et les cœurs [l’intelligence], afin que vous soyez reconnaissants.» (16-78)
3. Ne dépense ni trop ni trop peu. «Et Allah propose en parabole une ville : elle était en sécurité, tranquille ; sa part de nourriture lui venait de partout en abondance. Puis elle se montra ingrate aux bienfaits d’Allah. Allah lui fit alors goûter la violence de la faim et de la peur [en punition] de ce qu’ils faisaient.» (16-112)
4. Ne tue pas par pitié. «Si Allah avait voulu, Il aurait certes fait de vous une seule communauté. Mais Il laisse s’égarer qui Il veut et guide qui Il veut. Et vous serez certes, interrogés sur ce que vous faisiez.» (16-93)
5. Ne commets pas l'adultère. Car seules les personnes fidèles seront récompensées : «Les jardins du séjour (éternel), où ils entreront et sous lesquels coulent les ruisseaux. Ils auront là ce qu’ils voudront ; c’est ainsi qu’Allah récompense les pieux.» (16-31)
6. Ne tue pas injustement. «(Rappelle-toi) le jour où chaque âme viendra, plaidant pour elle-même, et chaque âme sera pleinement rétribuée pour ce qu’elle aura œuvré sans subir la moindre injustice.» (16-111)
7. Soucie-toi de l'orphelin. «Certes, Allah commande l’équité, la bienfaisance et l’assistance aux proches. Et Il interdit la turpitude, l’acte répréhensible et la rébellion. Il vous exhorte afin que vous vous souveniez.» (16-90)
8. Tiens tes promesses. «Et Allah sait ce que vous cachez et ce que vous divulguez.» (16-19)
9. Sois honnête et juste envers les autres. «Et ne faites pas comme celle qui défaisait brin par brin sa quenouille après l’avoir solidement filée, en prenant vos serments comme un moyen pour vous tromper les uns les autres, du fait que (vous avez trouvé) une communauté plus forte et plus nombreuse que l’autre. Allah ne fait, par là, que vous éprouver. Et, certes, Il vous montrera clairement, le Jour de la Résurrection, ce sur quoi vous vous opposiez.» (16-92)
10. Ne sois pas arrogant. «Par la sagesse et la bonne exhortation appelle (les autres) au sentier de ton Seigneur. Et discute avec eux de la meilleure façon. Car c’est ton Seigneur qui connaît le mieux celui qui s’égare de Son sentier et c’est Lui qui connaît le mieux ceux qui sont bien guidés.» (16-125)
Les cinq chercheurs retirent de ce code de conduite un enseignement principal, à savoir qu'il convient – dans la vie, et en particulier dans celle des managers – de respecter une éthique. Mais pas n'importe quelle éthique. Une éthique qui repose sur trois piliers fondamentaux : le Khair (le Vrai), le Sharr (Le Faux) et le Tawheed (la Foi).
> Le Khair. «La force du manager réside dans son caractère et sa moralité. Il est une source d'inspiration pour autrui, il est l'élément déclencheur de la motivation des autres à donner le meilleur d'eux-mêmes. C'est pourquoi il se doit d'être toujours dans le Vrai», indiquent les cinq auteurs de l'étude.
> Le Sharr. Rien de pire que de sombrer dans le Mal. Heureusement, il y a toujours moyen de l'éviter. En entreprise, cela peut prendre différentes formes, comme le suggèrent Rana Zamin Abbas et ses collègues :
– Mettre au point un Code d'Éthique qui devra être appliqué par l'ensemble des employés;
– Créer un comité chargé de vérifier que l'éthique est respectée partout au sein de l'entreprise;
– Nommer un responsable de l'éthique, dont la mission consistera à veiller au grain;
– Inciter les employés à suivre des formations sur l'éthique;
– Récompenser les meilleurs comportements en matière d'éthique;
– Etc.
> Le Tawheed. Pencher du côté du Khair et non de celui du Sharr n'est pas chose aisée, car les tentations sont nombreuses (truquer des résultats de ventes pour obtenir une prime, etc.). D'où la nécessité de bâtir son éthique sur la Foi. «Le Coran est une source inépuisable pour qui entend trouver le courage et la détermination de bien agir en tant que manager», affirment les cinq chercheurs. Un exemple? Il suffit de vagabonder au hasard parmi les sourates pour tomber sur des mots réconfortants, comme celui-ci, lorsque vous sentez que les membres de votre équipe sont de moins en moins soudés : «S’ils se détournent... il ne t’incombe que la communication claire.» (16-82).
Bon, certains me diront qu'il n'est question ici que de beaux principes, de belles paroles, et que leur application sur le terrain est loin d'être évidente. À ceux-là, je propose une illustration, soit la résolution d'un conflit de bureau. Si l'on suit ce que nous disent les cinq chercheurs pakistanais, l'idéal est de procéder en trois étapes :
1. La Shura. La Shura, c'est la consultation. L'idée, ici, est qu'il faut au manager consulter toutes les parties prenantes au conflit, afin de prendre le maximum d'informations possible. Toutes les informations, les bonnes comme les mensongères. Et ce, sans trahir ses pensées au moment où il prend note de tout ce qu'on lui confie.
2. La Nasihah. C'est le conseil. Autrement dit, le manager doit réfléchir vite à partir des éléments du conflit qu'il a recueillis, et trancher sans attendre, de manière impartiale. Trancher? En fait, il s'agit plutôt de donner un "conseil" aux uns et aux autres pour les aider à résoudre le conflit aux mieux par eux-mêmes. Mais on s'entend, c'est là un "conseil" qu'il serait périlleux de ne pas écouter…
3. Le Taawun. Le Coran invite à de multiples reprises à la coopération, en dépit des différences qui existent entre les uns et les autres. C'est dans cet état d'esprit que doit être amorcée la résolution du conflit, en fonction, bien entendu, de la Nasihah du manager.
On le voit bien, chacune de ces étapes fait appel aux trois piliers de l'éthique, le Khar, le Sharr et le Tawheed. «La question ultime est de savoir ce qui fait que l'on devient un excellent manager, soulèvent les chercheurs dans leur étude. La réponse est somme toute très simple, c'est celui qui demeure solide dans sa Foi et entraîne à sa suite les autres dans la réalisation de projets grandioses. Bref, c'est celui qui agit de manière éthique à chaque instant, sans jamais faiblir».
Inspirant, n'est-ce pas? Cela permet d'avoir une autre vision du management et du leadership, et, peut-être, d'en picorer quelques miettes pour grandir…
En passant, une dernière réflexion tirée du Coran, cette fois-ci en lien avec l'aspect créatif du management : «Celui qui crée est-il semblable à celui qui ne crée rien? Ne vous souvenez-vous pas?» (16-17)
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