BLOGUE. J'ai eu la chance de visiter en avant-première l'exposition Samouraïs du musée Pointe-à-Callière de Montréal, qui présente des pièces magnifiques de la collection privée du docteur Richard Béliveau, l'une des plus riches du monde. On peut y voir une vingtaine d'armures complètes de samouraïs, une trentaine de masques, autant de casques ainsi qu'une multitude d'armes en tous genres (katanas, yaris, etc.). Mais surtout, on y découvre qu'au-delà de la perfection dans le maniement des armes, ces guerriers japonais s'évertuaient à avoir une plus grande maîtrise d'eux-mêmes et de leurs démons intérieurs, comme la peur, la lâcheté, et autres orgueil et impatience. Bref, on peut y apprendre beaucoup sur soi…
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«J'ai beaucoup appris de l'art guerrier des samouraïs, dont je suis passionné depuis l'âge de 11 ans, dit M. Béliveau. Je suis fasciné par leur sens de l'esthétisme et leur code d'honneur. J'y vois même un parallèle avec mon engagement dans la lutte contre le cancer, un parallèle qui se résume en quelque sorte par le bushido, autrement dit la Voie du guerrier : le cancer est l'ennemi à abattre, et pour y parvenir, il faut de l'humilité, du courage et de la résilience ; des valeurs indissociables de l'esprit des samouraïs.»
Et d'ajouter : «Contrôler sa peur de la mort, prendre soin de sa santé et aimer s'entourer de beauté, voilà qui peut aider à mieux profiter de la vie!» De fait, l'exposition met l'accent sur les vertus des samouraïs. Elle explique notamment que ceux-ci prisaient les motifs en forme de fleur de cerisier. Pourquoi? Parce que le samouraï, tout comme ces petites fleurs qui tombent au sol quelques jours à peine après avoir éclos, doit toujours être prêt à mourir dans la fleur de l'âge…
Idem, elle explicite les sept vertus prônées par le bushido, à savoir : la loyauté ; l'honneur ; le courage ; la droiture ; la sincérité ; le respect ; la bienveillance. Petite question : avez-vous bien lu la liste que je viens d'indiquer? Relisez-la encore une fois.
Maintenant, une nouvelle petite question : à quoi vous fait penser cette liste? Oui, toutes ces qualités? Ne trouvez-vous pas, comme moi, qu'elles pourraient très bien définir ce que devrait être un leader idéal? N'estimez-vous pas que tout bon leader se devrait d'être loyal, respectueux, sincère, bienveillant, etc.? Bien sûr que oui.
Voilà pourquoi l'on a tout à gagner à en savoir un peu plus sur les samouraïs, et en particulier sur le plus célèbre d'entre eux : Miyamoto Musashi. Au 16e siècle, ce samouraï a réussi la performance de demeurer invaincu toute sa vie. Sentant ses forces décliner, il a décidé quelques mois avant sa mort de se retirer dans une grotte, et là, de rédiger un manuel de combat. Ce dernier – Le Traité des 5 roues (Albin Michel, 1983) – est devenu un classique de la littérature japonaise. Il donne une leçon de vie à méditer et mettre en pratique, car l'esprit du geste parfait, qui est recherché dans l'art du sabre, s'applique fort bien à la vie quotidienne comme à celle au travail, et même devenir un art de vivre tout court.
Quelques extraits vous en donneront un aperçu, je pense :
Se rénover
«Lorsque, au cours d'un combat qui reste à l'état de mêlée, rien n'avance plus, abandonnez vos idées premières, rénovez-vous en tout et prenez un nouveau rythme. Ainsi, découvrez le chemin de la victoire. Chaque fois que vous jugez qu'entre votre adversaire et vous tout grince, changez d'intentions immédiatement et parvenez à la victoire en recherchant d'autres moyens avantageux pour vous.
«Il est très important de savoir se rénover en pleine bataille. Ceux qui sont perspicaces peuvent aisément estimer l'instant propice de cette rénovation. Réfléchissez-y bien.»
Tête de rat et tête de bovin
«Lorsque, au cours d'un combat, votre adversaire et vous-même vous attardez à des choses insignifiantes et que vous êtes mêlés l'un à l'autre, ayez en tête constamment le proverbe de la tactique «tête de rat et tête de bovin» et remplacez vos idées petites par des grandes, comme si elles passaient d'une tête de rat à celle d'un bovin. C'est un principe de la tactique.
«Il est important que les samouraïs aient toujours en tête, même dans leur vie quotidienne, «tête de rat et tête de bovin». Dans la tactique, n'oubliez jamais cela. Réfléchissez-y bien. [Note du traducteur : Musashi conseille ici d'avoir à la fois la finesse du rat et la lourdeur du bovin.]»
Le général connaît ses soldats
«En pleine bataille, le général doit naturellement connaître ses soldats. Mais s'il acquiert une haute intelligence de la tactique, il sera capable de prendre ses adversaires pour ses soldats. Il s'efforcera dès lors de les manœuvrer librement selon sa volonté. À ce moment-là, il sera un grand général et ses adversaires seront ses soldats. Méditez bien là-dessus.»
Lâcher la poignée
«Lâcher la poignée peut avoir plusieurs significations. Il y a moyen d'obtenir la victoire sans sabre. Il y a aussi des cas où l'on ne peut parvenir à la victoire, même avec un sabre. (…) Songez-y bien.»
Inspirant, n'est-ce pas? Qu'en pensez-vous?
Le 12 mai 1645, alors que la rédaction du Traité était achevée, Musashi a jeté quelques notes sur un bout de papier. Comme une sorte de testament. Il s'agissait de ce qu'il a appelé «La Voie à suivre seul»:
– Ne pas contrevenir à la Voie, immuable à travers les temps;
– Éviter de rechercher les plaisirs du corps;
– Être impartial en tout;
– N'être jamais cupide;
– N'avoir aucun regret;
– Ne jamais jalouser autrui;
– Ne jamais être attristé;
– N'éprouver aucune rancune ou animosité;
– N'avoir aucun désir d'amour;
– N'avoir aucune préférence en toutes choses;
– Ne jamais rechercher le confort;
– Ne jamais rechercher les mets les plus fins;
– Ne jamais s'entourer, à aucun moment de la vie, d'objets précieux;
– Ne pas reculer en raison de fausses croyances;
– Ne jamais être tenté par un objet autre que les armes;
– Se consacrer entièrement à la Voie, sans craindre la mort;
– Même vieux, n'avoir aucun désir de posséder ou d'utiliser des biens;
– Vénérer les bouddhas et divinités sans compter sur eux;
– Ne jamais abandonner la Voie.»
Ce même jour, il a offert ses sabres et sa selle à ses amis. Il est mort le 19 mai, à l'âge de 62 ans. La légende veut que, l'oraison funèbre à peine terminée, un grand coup de tonnerre s'est fait entendre dans le ciel clair.
En passant, une dernière recommandation de Miyamoto Musashi tirée de son Traité : «Ne rien faire d'inutile»…
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