BLOGUE. Zizou, pour ceux qui ne le sauraient pas, est le surnom de Zinedine Zidane, le champion de soccer français. Ou plutôt, la légende du soccer français. Classé à trois reprises meilleur joueur de l’année par la Fifa (1998, 2000 et 2003), il a permis à l’équipe de France de devenir championne du monde en 1998 et championne d’Europe en 2000, en marquant deux buts à chacune des finales. Et les clubs où il a joué durant sa carrière s’en sont toujours frotté les mains : par exemple, le Real Madrid, où il a œuvré de 2001 à 2006, a multiplié les trophées durant ces années-là (Supercoupe de l’UEFA, Supercoupe d’Espagne, championnat d’Espagne, etc.).
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Qu’est-ce qui faisait de Zizou un joueur d’exception? Que d’aucuns considèrent comme l’un des plus grands joueurs de soccer de tous les temps, à l’image de Pelé et autres Maradonna? La réponse est simple : son style de leadership…
Zinedine Zidane était un joueur de milieu de terrain, souvent positionné à l’attaque. Il occupait la place idéale pour contrôler le jeu sur le terrain, et faire la différence quand cela était nécessaire. De là, il avait une vision globale des forces en présence, ce qui lui donnait conscience des forces et faiblesses des deux équipes. Il pouvait dès lors se positionner à la meilleure place possible pour recevoir le ballon et le passer dans la foulée à son coéquipier le mieux situé pour percer la défense adverse. Idem, quand il fallait contrecarrer les plans de l’équipe adverse.
Pour bien comprendre de quoi iul s’agit ici, je vous invite à prendre cinq minutes, le temps de regarder l’extrait vidéo ci-dessous, tiré du film Zidane, un portrait du XXIe siècle…
Ça y est? Alors, votre premier commentaire? Je mettrais ma main au feu qu’une chose vous a sauté aux yeux : Zinedine Zidane ne fait rien pendant ces cinq longues minutes. Rien du tout. Il trottine sur le terrain, il essuie sa sueur, accessoirement un ballon arrive à lui et il le repasse aussitôt, et voilà.
Déçus? J’imagine. Mais attention, il ne s’agit là que d’une première impression. Une impression erronée, faute d’explications adéquates que je vais m’empresser de vous donner.
Tout d’abord, le film, que l'on peut voir jusqu'au 14 avril à la Galerie de l'UQAM, à Montréal. Zidane, un portrait du XXIe siècle est l’œuvre de deux artistes, Douglas Gordon et Philippe Parreno. Il a été tourné le 23 avril 2005 au stade Santiago Bernabeu durant un match de championnat de la Liga espagnole opposant le Real Madrid à Villareal. Son concept : donner au spectateur qu’il est réellement sur le terrain, aux côtés de Zizou. Pour cela, 17 caméras de haute-définition ont été placées dans le stade, braquées en permanence sur le champion du ballon rond, sans se préoccuper de rien d’autre. Elles ont littéralement collé à ses crampons, et ainsi dressé un portrait à nul autre pareil, un portrait spectaculaire, magique, mais on ne peut plus humain.
Oui, Zizou occupe tout l’écran, même s’il n’a pas le ballon. C’est que le film prend le contre-pied des retransmissions conventionnelles de matches de soccer, où les caméras suivent en permanence le ballon, c’est-à-dire l’action, et jamais un joueur en particulier. On le voit courir, appeler le ballon à lui, regarder tout autour de lui. Et l’air de rien, tout cela est infiniment plus intéressant que les moments où il est au cœur du jeu!
D’où mon explication suivante : l’intérêt fondamental du Zinedine Zidane qui «ne fait rien». Car, contrairement aux apparences, ce n’est pas vrai qu’il ne fait rien pendant cet extrait du film. Il exprime au contraire tout ce qui fait… un grand leader!
Je m’explique… Aristote considérait qu’il existait une douzaine de vertus que tout être humain se devait d’exercer pour connaître «une bonne vie». Quelle vertus? Eh bien, entre autres, le courage, la tempérance, la générosité et la magnificence. C’est-à-dire autant de vertus dont devrait faire preuve tout grand leader qui se respecte, à mon sens.
Passons en revue les principales, à l’aune de Zinedine Zidane :
> Humilité. Il est en permanence au service de ses coéquipiers. Certes, c’est lui le leader, mais il ne se place pas pour autant sur un piédestal, loin des autres, pour ne pas dire inaccessible. Il ne cherche pas non plus à briller à tout prix, et donc à avoir tout le temps le ballon. Non, il se positionne sur le terrain toujours en fonction des autres, dans l’optique de leur être le plus utile possible. Bref, il incarne l’esprit d’équipe.
> Courage. Il est le premier à aller au front, à l’attaque comme en défense. Quand il est au cœur de l’action, il ne faiblit pas : on le voit bien quand il se fait tacler sèchement juste après avoir fait une passe à un coéquipier, et s’écroule lourdement par terre, sans une grimace.
> Transcendance. En tant que leader, il entend agir comme un modèle exemplaire, quelle que soit la situation. Il a le souci de sans cesse se dépasser, et par effet d’entraînement cela incite ses coéquipiers à chercher, eux aussi, à exceller quand ils jouent à ses côtés. On remarque tout cela dans l’extrait du film par sa concentration extrême : jamais il ne quitte des yeux le ballon et la position fluctuante des joueurs, histoire d’identifier la meilleure séquence de jeu possible.
> Tempérance. Il sait doser les risques qu’il prend en son nom, mais aussi au nom de l’équipe. Il ne va jamais adopter une tactique périlleuse, dont l’échec pourrait se traduire par une forte probabilité de but pour les adversaires. Cela étant, il sait aussi doucement écarter la prudence quand celle-ci risque de tétaniser le jeu.
> Empathie. Chaque joueur peut compter sur son soutien, en particulier dans les moments difficiles du match. C’est une petite tape sur l’épaule quand on sait qu’on vient de commettre une bourde, ou encore un clin d’œil complice à la suite d’une belle action collective. Dans l’extrait, cela se remarque par un geste anodin : il remet en place une petite motte de terre arrachée par un coup de crampons (un joueur pourrait se tordre la cheville dans le petit trou)…
> Magnificence. Sa maîtrise technique est tout bonnement exceptionnelle. Chaque fois qu’il a le ballon, il est 100% efficace. Comme si personne n’était en mesure de le lui subtiliser.
Je pourrais en ajouter d’autres. Peut-être en avez-vous d’ailleurs vous-mêmes en tête en ce moment. La preuve que les grands leaders comme Zizou peuvent donner l’impression de ne rien faire, mais qu’il s’agit là d’un «rien» qui fait toute la différence…
En passant, le marquis de Vauvenargues, un moraliste français du 18e siècle, a dit dans ses Réflexions et maximes : «Rien de grand ne comporte la médiocrité»…
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