BLOGUE. «Choisissez un travail que vous aimez, et vous n'aurez pas à travailler un seul jour de votre vie». «L'ouvrier qui veut bien faire son travail doit commencer par affûter ses instruments». «Une petite impatience ruine un grand projet». Voici quelques-unes des pensées de Confucius, le sage qui a le plus marqué la civilisation chinoise. Son enseignement a donné naissance au confucianisme, une doctrine politique et sociale qui a été considérée comme une religion d'État dès la dynastie Han (206 av. JC – 220 ap. JC) et qui ne fut officiellement proscrite en Chine qu'au 20e siècle.
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Pourquoi parler de Confucius? Parce que je suis convaincu que ces trois citations ont touché une corde sensible en vous. Je le sais, car les pensées de Confucius tirées de ses Entretiens sont toujours d'actualité, surtout pour les leaders : c'est ce que montre sans ambiguïté l'étude Leaders who care, the Confucian perspective signée par deux professeurs de management de l'Université du Brunei (Brunei), Patrick Low Kim Cheng et Ang Sik-Liong.
Les deux chercheurs ont en effet mené un sondage auprès de 43 managers évoluant au Brunei ou à Singapour pour voir dans quelle mesure les enseignements de Confucius étaient encore vivants dans leur quotidien au travail. Ils ont appris que :
> 95% des managers interrogés considéraient qu'un bon leader se devait aujourd'hui de se soucier avant tout des employés;
> 91%, qu'il devait encourager les employés à s'épanouir dans leur travail;
> 86%, qu'il devait être à l'écoute des employés;
> 79%, qu'il devait être totalement intègre;
> 77%, qu'il devait accorder une grande importance à la réciprocité.
Or, ces cinq points correspondent aux principaux enseignements des Entretiens, d'après Patrick Low Kim Cheng et Ang Sik-Liong. Principaux enseignements que l'on peut résumer comme suit :
1. Rén (ou : le langage du cœur). Ce terme chinois est la fusion du mot «humains» et «relation empreinte d'humanité, d'amour et de gentillesse». Il peut être présenté comme la pratique du «langage du cœur». D'après Confucius, c'est là la plus haute des vertus.
Appliqué au travail, le rén peut se traduire par le fait que tout bon leader doit faire des employés sa priorité absolue, avant même l'atteinte d'objectifs. Quand, par exemple, un changement doit être effectué, le leader doit penser en fonction des membres de l'équipe, et trouver un meilleur moyen de faire travailler ceux-ci ensemble, non pas penser à une nouvelle façon de faire pour ensuite faire s'y plier l'équipe.
Confucius disait : «On doit aimer son prochain comme soi-même; ne pas lui faire ce que nous ne voudrions pas qu'il nous fît».
2. Bù duàn xué xi (ou : l'apprentissage continuel). Le confucianisme estime que pour exceller, il faut sans cesse apprendre. Ou encore, que ne deviennent, un jour, intelligents que ceux qui ont su apprendre d'autrui. D'où l'importance vitale pour un leader de veiller à apprendre tout le temps et de permettre aux employés d'en faire autant.
Les leaders ont tout intérêt à permettre aux employés d'évoluer dans un environnement «pacifique et harmonieux», dans lequel il leur est possible de «grandir». Car c'est à cette condition que ceux-ci pourront parvenir à «fleurir», le temps venu. «Les bons leaders doivent de surcroît avoir conscience qu'il y aura de fleurs différentes qu'il y a d'employés, et ne surtout pas s'attendre à avoir, à la floraison, un bouquet composé d'une même sorte de fleurs. La diversité est une richesse inestimable, même si épineuse», indiquent les deux chercheurs dans leur étude.
Confucius disait : «Apprendre sans réfléchir est vain. Réfléchir sans apprendre est dangereux».
3. Qiân xû (ou : l'humilité). Pour apprendre, il faut écouter; et pour écouter, il faut faire preuve d'humilité. Par conséquent, pas de bù duàn xué xi sans qiân xû.
Tout leader qui se respecte doit maîtriser l'art subtil de l'écoute attentive. «Il est rare qu'une information donnée par un employé à son supérieur hiérarchique ne soit pas filtrée ou distordue par le cerveau de celui-ci. Car nous avons tous le réflexe d'analyser ce qui nous est dit au moment-même de l'écoute», notent les deux chercheurs du Brunei.
En revanche, quand un leader a l'idée de se contenter de noter ce qui lui est dit, tel quel, puis d'y réfléchir par la suite, à tête reposée, il sera plus à même de prendre une bonne décision. Une étude menée en 2003 par John Baldoni, le consultant qui a notamment signé Lead with purpose, avait d'ailleurs montré que plus il y a de transparence dans un groupe, meilleures sont les choix faits par celui-ci.
Confucius disait : «Il faut se garder de trois fautes : parler sans y être invité, ce qui est impertinence; ne pas parler quand on y est invité, ce qui est de la dissimulation; parler sans observer les réactions des autres, ce qui est de l'aveuglement».
4. Liàn (ou : l'intégrité). Être intègre, c'est savoir combiner honnêteté et confiance. C'est aussi le signe d'un grand sens de l'éthique, c'est-à-dire d'une morale à toute épreuve. L'avantage d'être intègre réside dans le fait que les autres sentent cette vertu transpirer dans chacun de vos faits et gestes, et que cette senteur est irrésistible pour les personnes foncièrement bonnes et répulsive pour les autres.
«Un leader intègre est une personne courageuse et fière. Il a la force morale d'accomplir ce que d'autres rechigneraient à faire, en raison de différentes craintes. Cette force agit comme un moteur pour les autres, et de là découlent les mouvements de masse entraînés par ces seuls leaders modèles», indiquent Patrick Low Kim Cheng et Ang Sik-Liong.
Confucius disait : «Examinez si ce que vous promettez est juste et possible, car la promesse est une dette».
5. Shù (ou : la réciprocité). La réciprocité peut être perçue comme un déplacement de son âme dans le corps d'autrui. Par cet exercice mental, on se met littéralement à la place de l'autre, si bien que l'on peut mieux comprendre son point de vue et sa façon de penser.
«En comprenant mieux chacun de ses employés, le leader peut mieux saisir ce qui les préoccupe ou ce qui les motive. Ce faisant, il découvrira quels leviers manipuler pour les inciter à faire preuve, entre autres, de davantage d'initiative», ajoutent-ils, en soulignant qu'un tel leader doit être doué pour la communication, «en particulier celle qui est non-verbale».
Confucius disait : «Lorsque vous travaillez pour les autres, faites-le avec autant d'ardeur que si c'était pour vous-même».
Voilà. L'étude du confucianisme montre qu'un bon leader se doit d'œuvrer en fonction de cinq critères principaux : le langage du cœur, l'apprentissage continuel, l'humilité, l'intégrité et la réciprocité. Cinq critères visant à l'harmonie des relations humaines, notamment au travail. Cinq critères unis par un unique postulat : mettre l'être humain au centre de toutes les préoccupations.
En passant, une dernière pensée du Maître Kong : «Quand vous rencontrez un homme vertueux, cherchez à l'égaler. Quand vous rencontrez un homme dénué de vertu, examinez vos propres manquements».
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