BLOGUE. J'ai eu le privilège d'assister à la Journée Femmes Cadres, un événement organisé par Les Affaires qui s'est déroulé hier au Hyatt Regency de Montréal, et d'ainsi découvrir un concept de management que je ne connaissais pas : le CA personnel. Un concept signé Nadine Bernard, directrice, marketing, communications et affaires publiques, de Nova Bus, une division de Volvo Canada établie à Saint-Eustache.
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En 2004, Mme Bernard a rejoint les rangs de Nova Bus et a vite fait appel aux services d'un coach pour l'aider à relever les défis en marketing qui lui étaient proposés. Des discussions avec ce coach lui est née une idée, celle de s'entourer, un beau jour, de personnes aux profils diversifiés qui lui donneraient des conseils judicieux lorsqu'elle en aurait besoin.
L'idée a fait son chemin et est devenue, quelques années plus tard, le concept de conseil d'administration (CA) personnel. De quoi s'agit-il? Le principe est simple :
> Le principal intéressé – ici, Nadine Bernard – est le cœur du CA personnel, en ce sens qu'il est au centre des préoccupations des membres du CA. Dans un conseil d'administration traditionnel, le cœur n'est pas une personne, mais une entreprise ou un organisme.
> Les membres du CA personnel sont choisis par le principal intéressé, et personne d'autre.
> Les membres du CA personnel n'ont qu'une seule mission : éclairer le principal intéressé de leurs lumières. Et ce, que ce soit en lui prodiguant des conseils, en lui suggérant des idées neuves, ou encore en lui faisant des commentaires.
«Dans mon cas, mon CA personnel est constitué de six personnes aux profils vraiment différents. Des membres sont des hommes, d'autres des femmes. Des membres sont des baby-boomers, d'autres de la Génération Y. Des membres sont opportunistes, d'autres sont hyper rationnels, etc. La diversité est un élément crucial de tout bon CA personnel», indique Mme Bernard.
Pourquoi la diversité est-elle si importante? «Un exemple… Supposons qu'une occasion en or sur le plan professionnel se présente à moi. J'en fais part au membre qui est opportuniste – un trait de caractère que je n'ai pas –, et je sais ainsi comment lui se comporterait dans un tel cas. Bien entendu, je ne suis pas tenue de suivre ses conseils, mais les informations qu'il m'apportera me permettront de faire un choix éclairé», explique-t-elle.
Pour se créer son CA personnel, il convient de procéder en quatre étapes…
1. Introspection
Avant toute chose, il faut prendre le temps de songer à qui l'on est au moment présent et à qui l'on veut être dans le futur. Il faut déceler ses forces et ses faiblesses, pour identifier les aspects de notre personnalité à améliorer. «Cela peut se faire notamment en se remémorant différentes anecdotes – heureuses comme malheureuses – qui ont marqué notre carrière», dit Mme Bernard.
2. Objectifs
Puis, il convient de déceler les raisons exactes pour lesquelles on souhaite progresser dans notre vie professionnelle. Une fois ces raisons identifiées, il devient aisé de trouver les objectifs à viser pour ce faire.
«Soyez ambitieux! Visez des objectifs audacieux, en adéquation avec ce que vous êtes et ce que vous voulez devenir! Mais surtout, veillez à rester authentique, à ne pas tenter de vous transformer en une personne que vous ne voulez pas, au fond de votre cœur, être», recommande-t-elle.
3. Recrutement
Fort d'un «plan de match solide», le temps est à présent venu de recruter les membres de votre CA personnel. L'idée n'est pas de nouer des liens avec des personnes importantes de votre milieu professionnel, mais de s'entourer de personnes qui complèteront vos qualités personnelles. «Le but est d'élargir au maximum votre champ de vision, grâce aux points de vue complémentaires des membres du CA personnel», souligne-t-elle.
Comment s'y prendre pour convaincre quelqu'un de devenir membre d'un CA personnel? Tout bonnement en expliquant soigneusement de quoi il s'agit. «Les réactions sont toujours intéressantes : dans mon cas, il y en a eu un qui a été très surpris, mais qui a tout de suite dit "oui", sans que j'ai besoin de lui présenter mon pitch; il y en a eu aussi un autre qui y a réfléchi et qui m'a demandé la réciprocité, à savoir que je lui fasse part de ma vision des affaires et de mes conseils en matière de détermination», raconte-t-elle.
Et que les gens ont-ils à gagner à être membre d'un CA personnel? «Sur le plan financier, rien du tout. Mais sur le plan humain, tout. C'est simple, ceux qui acceptent de jouer ce rôle sont toujours des personnes généreuses, qui apprécient transmettre aux autres leur savoir», dit Mme Bernard.
4. Application
La directrice de Nova Bus dispose aujourd'hui d'un CA personnel riche de six membres dont aucun ne connaît les autres. Ils ne se rencontrent même jamais tous ensemble. «La raison en est que je ne souhaite pas que l'un influence l'autre. Par ses commentaires, l'opportuniste pourrait, par exemple, blesser un autre membre s'il était présent, ou bien se retenir, sachant que ce qu'il voudrait me dire ne passerait pas auprès des autres», dit-elle.
Du coup, elle ajuste les rencontres en fonction des uns et des autres. Pour l'un, c'est une rencontre mensuelle, pour l'autre, une rencontre trimestrielle. Pour l'un, c'est un courriel, pour l'autre, un lunch. «Une fois par an, je rédige mon rapport annuel, qui fait le bilan de l'année écoulée et des mes progrès dus au travail du CA personnel. Je fais ça entre Noël et le Jour de l'an. Je le leur communique et ils me donnent leur feedback», indique-t-elle.
Et d'ajouter : «Bien sûr, d'autres types de fonctionnement sont envisageables. À chacun de l'adapter à sa propre situation».
Voilà pour les grandes lignes de ce qu'est un CA personnel et de la manière dont on peut en user. Certains d'entre vous se demandent maintenant peut-être quelle est la différence, au juste, entre un coach et un CA personnel, ou encore entre un mentor et un CA personnel.
La réponse de Nadine Bernard est la suivante : «Un CA personnel est un bon complément au coach et au mentor. D'après moi, un coach travaille plus l'introspection, et ce, de manière plus structurée qu'un CA personnel qui, lui, est informel, spontané et libre d'aborder n'importe quel type de sujet. Un CA personnel n'est pas non plus un groupe de mentors, car il fonctionne de manière non structurée, est évolutif et dure dans le temps».
Sa conclusion? «Essayez le CA personnel, et vous verrez. Mais attention, après, on ne s'en passe plus!», dit-elle, sourire en coin.
En passant, le philosophe français Gilles Deleuze aimait à dire : «Plus on s'est trompé dans sa vie, plus on donne de leçons».
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