Le 9@5 du lundi au vendredi? Ça fait tellement 20e siècle! Aujourd'hui, tant les employeurs que les employés ne jurent que par la flexibilité. Pour les premiers, il s'agit d'être en mesure de mieux adapter le "capital humain" aux "besoins de production". Et pour les derniers, d'harmoniser le travail et la vie privée.
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Mais voilà, n'est-ce là qu'un rêve en couleurs, tant pour les employeurs que pour les employés? Oui, n'est-ce qu'une nouvelle lubie, après laquelle chacun court, en vain? Pour ne pas dire, une fausse bonne idée?
C'est ce que j'ai voulu savoir. Et pour cela, je me suis lancé dans un reportage sur l'une des dernières tendances en matière de management, le partage de poste de travail.
De quoi s'agit-il? D'une manière de travailler autrement, qui consiste dans le fait qu'un salarié à temps plein, à la suite d'une démarche personnelle et volontaire, décide de partager en permanence son poste avec une autre personne. Et ce, avec le plein accord de son employeur, cela va de soi.
Un tel partage peut prendre de multiples formes :
– L'un travaille 5 jours en continu, et l'autre les 5 suivants.
– L'un travaille 3 jours, l'autre les 2 derniers de la semaine, et ils alternent la semaine suivante.
– Tous les membres de l'équipe travaillent 4 jours de travail par semaine, pour un total de 32 heures, au lieu des 5 jours habituels. Du coup, il est possible de recruter une personne de plus pour effectuer la même quantité de travail qu'auparavant.
– Chacun effectue 1 semaine longue, puis 1 semaine très courte.
– Chacun a 1 week-end de 4 jours toutes les deux semaines.
– Chacun a 1 mois libre par semestre.
– Chacun a 1 année sabbatique tous les 5 ans.
– Etc.
Les avantages d'une telle façon de fonctionner sont nombreux, comme en atteste une étude de la Commission d'enquête sur le travail à temps partiel qui date – tenez-vous bien! – des années 1980 (comme quoi, ça ne date pas d'hier…) :
> Avantages pour l'employé
– Meilleur équilibre entre les obligations professionnelles et familiales.
– Plus d'énergie et moins de stress.
– Horaires de travail plus souples.
– Occasion de tenir ses compétences à jour.
– Augmentation de la satisfaction professionnelle.
– Préparation progressive à la retraite.
> Avantages pour l'employeur
– Hausse de la productivité.
– Augmentation de la créativité.
– Élargissement de l'éventail des compétences professionnelles.
– Augmentation de l'organisation et de la motivation.
– Plus d'enthousiasme et moins d'absences.
– Occasion de garder les employés qui donnent satisfaction.
Quant aux désavantages, il convient de ne pas les nier, mais de ne pas s'en faire une montagne non plus :
> Désavantages pour l'employé
– Moins de possibilités d'avancement professionnel.
– Moins de possibilités de formation.
– Moins d'avantages sociaux.
– Moins de prestige sur le plan professionnel.
– Difficulté pour changer d'emploi.
– Risque de voir le temps de travail empiéter sur le temps libre.
> Désavantages pour l'employeur
– Besoin d'une plus grande supervision.
– Risque d'augmentation des coûts liés à la rémunération.
– Besoins en communication accrus.
– Formalités administratives supplémentaires.
– Changements dans la gestion de l'espace de travail.
– Risque de conflits entre les deux membres du binôme.
Maintenant, vous vous dîtes sûrement – comme moi lorsque j'en étais à ce stade dans mes recherches – que si le partage de poste de travail était une bonne idée, on l'aurait généralisé depuis longtemps. Surtout que nombre d'experts y réfléchissent visiblement depuis des décennies. Et par voie de conséquence, que c'est donc une mauvaise idée. Logique.
Mais réfléchir de la sorte, c'est aller trop vite en besogne. Car plus de personnes qu'on ne croit fonctionnent aujourd'hui ainsi. Tout autour de nous, sans qu'on le réalise vraiment.
Un exemple : la Banque Royale du Canada (RBC). Saviez-vous qu'en fonction des périodes elle compte entre 500 et 2000 salariés qui partagent leur poste d'emploi? Et ce, avec des formules variées? «Cela demande, c'est vrai, plus de travail de gestion de la part des managers, mais le retour sur l'investissement est vraiment là, en ce sens que le gain en productivité est remarquable», m'a confié Giulia Vizioli, directrice, recrutement, Québec, de la RBC.
Cet exemple concret n'en est qu'un parmi d'autres que je présente dans mon reportage, qui paraît dans l'édition papier du journal Les affaires qui paraît aujourd'hui-même en kiosque.
Enfin, vous vous interrogez peut-être sur le fait que ce soit vraiment une tendance. Idem, si c'en était une, ça se saurait, n'est-ce pas? Eh bien, j'ai tenu à m'en assurer, bien évidemment.
C'est pourquoi j'ai invité les internautes à répondre à un petit questionnaire en ligne sur Lesaffaires.com. Voici les principaux résultats, obtenus à la suite du vote de quelque 600 personnes :
– À la question «Seriez-vous d'accord de ne travailler que 3 ou 4 jours par semaine – et donc d'être moins payé –, pour partager votre poste avec quelqu'un d'autre?», 40% des participants ont répondu «Oui» et 16% «Peut-être». Autrement dit, 1 personne sur 2 serait intéressée a priori par cette façon de travailler.
– À la question «Quelle raison principale vous ferait accepter de partager votre poste de travail?», 56% des participants ont répondu «Avoir davantage de temps pour moi». À noter qu'il était demandé la raison principale et que tout de même 1 personne sur 10 a indiqué «Permettre à un chômeur de trouver du travail»!
– À la question «Quelle raison principale vous freinerait pour partager votre poste de travail?», 71% des participants ont répondu «Je ne peux pas me permettre de gagner moins d'argent». Bref, le frein, c'est la rémunération.
Que retenir de ce sondage? Ceci, à mon avis :
> Une vraie tendance grandissante. Le partage du poste de travail n'en est qu'à ses débuts, même si l'on y songe depuis belle lurette. C'est-à-dire que ce concept est en train de passer du stade de l'idée à celui de projet. Ou plutôt, de projets, puisque ce partage-là peut s'exprimer concrètement de mille et une façons, comme on commence à le voir ici et là.
Pour finir d'enfoncer le clou, un dernier élément que je me permets de vous apporter. En France, quelque 400 entreprises fonctionnent déjà sur la base du partage généralisé du travail, en ce sens que tous les salariés ne travaillent que 4 jours par semaine pour un maximum de 32 heures. À souligner que ces employés-là n'ont subi aucune perte de salaire lors du passage de 5 à 4 jours de travail hebdomadaire! Et que de grandes entreprises réputées pour leur productivité figurent parmi les entreprises concernées, comme Mamie Nova (agroalimentaire), Fleury Michon (agroalimentaire) et la Macif (assurance).
Voilà. Si cela vous intéresse de creuser le sujet, il vous suffit de consulter mon reportage dans la version papier de Les affaires.
En passant, l'humoriste français Coluche disait : «Dieu a dit : "Je partage en deux, les riches auront de la nourriture, les pauvres, de l'appétit"».
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