BLOGUE. "Tirer profit", "remporter", "gagner"… Aviez-vous déjà remarqué que la plupart des verbes liés au succès correpondent à l'action de prendre quelque chose à quelqu'un d'autre? Et donc que, dans notre langage, la réussite passe irrémédiablement par la défaite d'autrui?
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Peut-être, oui, l'avez-vous déjà remarqué. Pourtant, on peut très bien gagner à se montrer généreux envers les autres. Gagner énormément. C'est ce que j'ai retiré du livre Les leçons de la jungle (Les communicateurs, 2013) de Lawrence Poole, un coach qui s'appuie sur ses décennies d'exploration des écosystèmes sauvages pour prodiguer des «conseils durables» afin de mieux vivre au travail et en société.
M. Poole a consacré un chapitre de son livre à la notion de prospérité, qui ne peut être efficiente qu'à condition que l'on songe à évoluer avec les autres, et non au détriment des autres. Voici ce qu'il dit en matière de générosité en affaires…
«À l'époque précolombienne, la générosité et le don étaient d'importants aspects de la vie sociale. Comme la tradition était orale, les gens immortalisaient les faits et événements importants en organisant d'imposantes cérémonies dans le cadre desquels on célébrait témoins et protagonistes. Cette pratique du nom de potlatch faisait partie intégrante de la vie sociale des tribus autochtones du Nord-Ouest du continent américain. (…)
«Le mot potlatch est d'origine chinook ; il signifie "donner", et désigne la tenue de festivités durant lesquelles les hôtes distribuaoent pratiquement toute leur fortune selon un rituel élaboré. Ces cérémonies avaient notemment pour fonction d'authentifier un statut ou un rang et de valider publiquement des privilèges familiaux. Elles pouvaient également servir à célébrer une initiation, à souligner un deuil ou à marquer l'investiture d'un chef. La qualité et la créativité des danses et des chants présentés, la quantité des présents offerts et la somptuosité du banquet qui couronnait le tout ajoutaient au prestige de ces rencontres.
«On accumulait parfois pendant des années des richesses sous forme de viens d'utilisation courante, tels que couvertures, coffres en cèdre sculpté, nourriture et canots, pour les offrir aux invités dans le cadre d'un potlatch. On croyait alors que la redistribution systématique des richesses maintenait l'harmonie sociale entre les tribus et à l'intérieur de celles-ci. Le potlatch permettait aux gens prospères d'obtenir un certain statut social en démontrant leur générosité, sachant que pour qui bénéficiait d'un réel pouvoir, il n'était pas difficile de retrouver la fortune. (…)
«La pratique du potlatch a été considérablement ternie par les premiers colons européens. Ceux-ci échangeaient en effet sans vergogne des bricoles contre de l'or, tandis que les autochtones croyaient ces trocs équilibrés compte tenu de l'importance et du caractère sacré de leur tradition.»
Que retenir aujourd'hui du potlach, pour qui se pique de management et de leadership? Plus enseignements enrichissants, comme l'indique le président de la firme de consultants Gestion Consult-IIDC Management :
> Livrez plus que promis. «Donnez toujours plus que ce à quoi vous vous êtes engagé, même si, pour ce faire, vous devez promettre moins. Restez centré sur les préoccupations de vos clients. Soyez généreux de votre temps et de vos conseils en cours de projet.»
> Oubliez le superflu. «N'indisposez pas vos clients avec des faris insignifiants comme les appels téléphoniques et les coûts de messagerie. Intégrez-les plutôt à vos prix courants. En général, les gens sourcillent peu face à des tarifs horaires de 100 dollars, mais ils réagissent mal à des frais de 10 dollars pour des photocopies.»
> Gagnez le respect des autres. «Soyez équitable et honnête envers vos employés, vos clients et vos fournisseurs, et ils vous respecteront.»
> Apprenez à penser en termes de scénarios gagnants. «Pour que toutes les parties prenantes en sortent gagnantes, une entente doit non seulement reposer sur les principes d'intérêts communs et de gains mutuels, mais aussi inclure les personnes, les groupes ou les communautés qu'elle peut toucher.»
> Apprenez à échanger. «Comme on ne peut tout donner, apprenez à échanger les services et produits dont vous avez besoin ou que vous désirez.»
«Les anciens chefs d'Amérique étaient généreux dans leurs rapports, car ils avaient compris que l'altruisme est le principe de gestion par excellence de la nature. Les gens d'affaires ne le voient pas tous ainsi, mais la générosité est une attitude qui [présente nombre d'attraits]. [Elle] peut en effet susciter une grande loyauté de la part de vos collaborateurs, de vos clienst et de vos employés. Car elle témoigne de la valeur que vous accordez à la qualité de vos relations avec autrui.»
Voilà. Peut-être ressentez-vous maintenant l'envie de vous mettre, à votre tour, au potlatch, ou du moins de vous montrer plus généreux qu'à l'habitude. Il ne tient qu'à vous de l'expérimenter…
En passant, l'écrivain français Albert Camus a dit dans L'Homme révolté : «La vraie générosité envers l'avenir consiste à tout donner au présent».
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