J'ai récemment eu l'occasion de faire une belle rencontre. Une rencontre marquante. Oui, j'ai eu le privilège de rencontrer Diane Musho Hamilton, une Américaine qui pratique la méditation depuis une trentaine d'années, qui est aujourd'hui moniale zen et qui a été la première directrice du Bureau de résolution alternative des conflits du système judiciaire de l'Utah (États-Unis).
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Une femme qui affiche en permanence un petit sourire discret et qui, l'air de rien, se révèle être une championne de la résolution de conflits. Elle ne compte plus les honneurs glanés à la suite de ses interventions devant les tribunaux, pour toutes sortes de raisons (divorces, licenciements, ruptures de contrats, conflits à l'échelle gouvernementale, etc.). D'ailleurs, même s'il est difficile de le lui faire dire, c'est en grande partie grâce à elle qu'un beau jour la ville de Salt Lake City ne s'est pas retrouvée paralysée : les élus et les syndicats municipaux étaient littéralement à couteaux tirés, et elle a su rétablir le dialogue, mieux encore, amener chacun à chercher à comprendre l'autre et à faire les concessions nécessaires pour trouver un terrain d'entente.
Cette rencontre a eu lieu lors d'une conférence donnée par Mme Hamilton, dans le cadre d'une soirée organisée à Montréal par Pyxis, un cabinet-conseil en management qui s'est fait une spécialité de la méthode Agile. Une soirée où chacun a pu découvrir comment mieux aborder les conflits qui parsèment notre existence, en particulier au travail. Et je vais, bien entendu, me faire un plaisir de partager tout cela avec vous maintenant…
Pour commencer, je vais faire appel à votre mémoire : souvenez-vous de la dernière fois où vous vous êtes retrouvé en plein cœur d'un conflit au bureau. Prenez le temps d'y penser et de bien vous en souvenir.
C'est fait? Parfait. Ma question est la suivante : quelle attitude avez-vous adopté d'emblée? Avez-vous cherché à éviter le conflit? Avez-vous visé un accommodement? Ou avez-vous plutôt combattu bec et ongles?
D'après Mme Hamilton, chacune de ces attitudes présente sa propre sagesse. Aucune n'est a priori meilleure que l'autre :
> Évitement. Lorsqu'on tente d'éviter un conflit, on veut s'en éloigner le plus possible afin de ne pas être aspiré par la dangereuse spirale qu'il risque de déclencher. On agit ainsi non pas par peur du danger, mais par souci de se protéger et même de protéger l'autre des coups qu'on pourrait lui infliger. Ce qui nous permet, comme l'a souligné la moniale zen, d'économiser l'énergie que nous forcerait à dépenser notre entrée dans le conflit.
> Accommodement. C'est là l'attitude la plus fréquente : dans 60 à 70% des cas, nous désirons trouver un terrain d'entente avec la partie adverse. Nous sommes naturellement disposés à faire des concessions, la difficulté étant de trouver la limite précise du compromis que l'on est prêt à faire. L'idée obsédante que nous avons dès lors en tête est la suivante : «Est-ce que si j'accepte ça, je vais être perdant?». «L'intérêt de cette attitude réside dans le fait que ça nous pousse à être créatif, à trouver une solution originale à un problème qui est nouveau pour nous. À noter un autre intérêt, de taille : cette approche du conflit nous permet de ne pas dépenser notre énergie outre mesure», a dit Mme Hamilton.
> Confrontation. Parfois, il n'y a pas d'autre solution que de faire front. Quitte à dépenser son énergie sans compter. On doit alors se résoudre à l'idée qu'il y aura un gagnant et un perdant, et on mise sur le fait que nous serons le vainqueur. «Cela nous permet de nous affirmer. Car il est crucial, dans la vie, de savoir dire "non", et de s'y tenir. On ne peut pas tout accepter, surtout ce qui est intolérable à nos yeux», a-t-elle indiqué.
Vous l'avez sûrement remarqué, il y a une constante dans chacune de ces attitudes. Cette constante, c'est l'énergie. Quand nous sommes concernés par un conflit, nous nous devons de gérer notre dépense en énergie. Ce que nous faisons tous, plus ou moins inconsciemment. Et c'est justement là la clé d'une bonne résolution de conflit!
Vous comme moi, nous avons tout à gagner à voir les conflits autrement. Non pas comme une affaire personnelle, où notre ego est en jeu, mais comme une dépense globale d'énergie. Il y a l'énergie qu'il va nous falloir dépenser. Il y a aussi l'énergie que l'autre va devoir dépenser. Il y a par conséquent une surenchère d'énergie, si bien que l'interrogation fondamentale est la suivante : «Risquons-nous un gaspillage d'énergie?».
Pour vous en faire une idée juste, Mme Hamilton recommande de… plonger en vous-même. Comme suit :
1. Fermez les yeux et pensez au conflit en question, et laissez les émotions négatives vous envahir.
2. Arrêtez de vous raconter mentalement l'histoire du conflit et concentrez votre attention sur les émotions elles-mêmes.
3. Explorez chacune des sensations que vous ressentez. Comme s'il s'agissait de méchantes petites bêtes en train de grignoter l'intérieur de votre corps. Où sont-elles localisées? Que vous font-elles? Comment évoluent-elles au sein de vous-même?
4. Prenez conscience maintenant des flux d'énergie en vous-même. Sont-ils puissants? Sont-ils vifs? Sont-ils chaotiques? Sont-ils furieux?
5. À présent, respirez. Tentez de calmer votre respiration, en vous concentrant sur chacun de vos souffles.
6. Demandez-vous quelles informations vous apportent les émotions qui vous ont assaillies. Par exemple, la vivacité de la rage qui vous a pris à l'instant vous alerte peut-être sur une limite qui a été franchie, par vous ou par l'autre.
7. Revenez à l'histoire du conflit, mais cette fois-ci à la lumière des informations que vous venez de mettre au jour. Et regardez s'il n'y aurait pas moyen de modifier votre attitude en conséquence.
8. Réfléchissez à la manière dont vous pourriez concrètement faire jouer cette nouvelle attitude, lors de votre prochaine rencontre avec la partie adverse. Une manière qui permettrait à l'un comme à l'autre de dépenser moins d'énergie, ou du moins, à la dépenser plus judicieusement.
Intéressant, n'est-ce pas? Mais bon, vous allez me dire que changer d'attitude dans un conflit, c'est toujours plus facile à dire qu'à faire. Et je vous aurais donné raison, si Mme Hamilton n'y avait pas songé pour nous. Voici ce qu'elle préconise pour y parvenir :
1. Identifiez un conflit récurrent chez vous. Et regardez quelle est l'attitude que vous avez tendance à adopter, en ce cas. Par exemple, vous piquez une colère chaque fois que quelqu'un ose vous contredire devant les autres.
2. Explorez en détails les émotions négatives qui vous assaillent alors, lorsque la colère vous gagne, par exemple. Et profitez-en pour en tirer de précieuses informations, comme on l'a vu précédemment.
3. Dénichez la ou les émotions négatives qui vous font alors dépenser beaucoup d'énergie, pour ne pas dire trop d'énergie. Tout comme celles qui représentent a priori une dépense d'énergie démesurée chez l'autre.
4. Trouvez le changement concret d'attitude qui vous permettrait de diminuer votre dépense en énergie. Voire celle de l'autre. Par exemple, au lieu d'immédiatement grimper au rideau à la première contradiction émise par autrui, ne gagneriez-vous pas à vous forcer à vous taire, à détendre vos muscles et à vous mettre à écouter ce que l'autre a à dire au juste? Sans l'interrompre. Ni effectuer le moindre geste d'impatience.
«Le changement peut se faire plus facilement qu'on l'imagine. Il peut se faire par de petits pas. Si vous avez souvent le réflexe de la confrontation, tentez d'écouter vraiment l'autre. Si vous avez plutôt tendance à être trop accommodant, vous pouvez essayer, la prochaine fois, de prendre le risque d'afficher clairement votre opinion. Et si vous avez l'habitude d'esquiver les conflits, eh bien, osez, pour une fois, rester là, au beau milieu du conflit, pour montrer aux autres que vous existez et que vous comptez», a-t-elle suggéré.
Voilà. Vous êtes désormais armé pour résoudre au mieux le prochain conflit. Oui, armé de davantage de sagesse. Une arme d'une redoutable efficacité, croyez-moi…
En passant, le philosophe américain John Dewey a dit dans Human nature and conduct : «Le conflit est la mouche du coche de la pensée. Il stimule l'observation et la mémoire».
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