C'est la crise. Depuis 2007, les entreprises font plus attention que jamais à leurs coûts, et donc aux salaires versés aux employés. Parce que c'est, dit-on une question de survie. Et le réflexe est de rogner, ici et là, autant que possible. Logique.
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Logique? Vraiment? Pourquoi? Et si ce réflexe était tout bonnement absurde… Et si la meilleure attitude en période de crise n'était pas d'agir autrement, par exemple en boostant les salaires, au lieu de les diminuer…
Les entreprises ne seraient-elles pas dès lors en mesure de recruter les perles rares qu'elles semblent avoir aujourd'hui tant de mal à dénicher? N'en auraient-elles pas pour leur argent, avec des employés heureux d'être considérés à leur juste valeur, avec des employés ainsi gonflés à bloc, avec des employés plus productifs que jamais?
Drôles de questions, me direz-vous. Eh bien, prenons le temps d'y regarder à deux fois, en analysant une étude intitulée Do higher wages pay for themselves: An intra-firm test of the effect of wages on employee performance et signée par deux professeurs de management : James Hesford, de l'École hôtelière de Lausanne (Suisse), et Mina Pizzini, de la Faculté de commerce McCoy de l'Université d'État du Texas (États-Unis). Pourquoi? Parce qu'elle réserve de sacrées surprises…
Les deux chercheurs ont eu accès à une base de données à la fois riche et intéressante, portant sur les employés d'une chaîne hôtelière américaine – dont l'identité n'est pas divulguée dans l'étude. Celle-ci permet de tout connaître de chaque employé (sexe, ancienneté, salaire, performance, etc.) et de chaque hôtel (revenus, coûts, fréquentation, etc.). Et elle permet surtout de faire des comparaisons entre employés comme entre hôtels : par exemple, tous les directeurs d'hôtel suivent la même formation, ont les mêmes responsabilités, ou encore doivent accomplir les mêmes tâches; idem, tous les hôtels comptent 110 chambres, ou encore disposent du même nombre et du même type d'employés.
Mme Pizzini et M. Hesford se sont juste intéressé aux directeurs des 490 hôtels implantés aux États-Unis, durant l'année 2010. Car, même si une grille salariale existe, il y a des différences notables de salaires entre les uns et les autres, des différences qui s'expliquent, entre autres, par des conditions distinctes (tous bénéficient, par exemple, d'un logement de fonction jouxtant l'hôtel, mais certains sont plus agréables à vivre que d'autres).
Leur idée était on ne peut plus simple : les différences de rémunération entre les directeurs d'hôtel entrainaient-elles des différences dans leur performance? L'air de rien, ce travail de fourmi leur a permis de mettre au jour de véritables pépites :
> La performance va de paire avec la rémunération. Plus un directeur d'hôtel touche une paye élevée, plus sa performance est, en conséquence, élevée. Oui, vous avez bien lu : c'est parce que le directeur est bien payé – et même "surpayé", diraient certains – qu'il est performant, et non pas – comme on le croit trop souvent – parce qu'il est performant qu'il est bien payé! Quant à ceux qui sont "sous-payés", leur performance va en dégringolant, et les risques de les voir partir travailler ailleurs d'eux-mêmes, en se multipliant.
> Tous sensibles au fait d'être "surpayés". L'impact sur la performance est deux fois plus grand lorsqu'un directeur d'hôtel est "surpayé" que lorsqu'il est "sous-payé". Qu'est-ce à dire? Que lorsqu'un directeur est mieux payé que les autres, l'impact sur sa performance est impressionnant. Et qu'en revanche, lorsqu'un directeur est moins bien payé que les autres, l'impact sur sa performance n'est certes pas dramatique, mais tout de même conséquent. Bref, les directeurs d'hôtel sont particulièrement sensibles au fait d'être "surpayés".
> Il est payant de "surpayer". Pour chaque tranche de 1 000 $ que touche un directeur d'hôtel de plus que les autres, l'hôtel enregistre une hausse de ses profits de 1 080 $. C'est-à-dire que plus la chaîne hôtelière "surpaye" un directeur, plus elle fait de profits! Bref, il s'agit-là d'une opération gagnant-gagnant.
Que retenir de tout cela? Ça me semble évident :
> Qui entend booster la performance de son équipe, ou de son entreprise, a tout intérêt à booster les salaires de ses employés. Booster le salaire? Ça signifie l'augmenter de manière notable en comparaison avec ce qu'offre la concurrence. L'explication est simple : "surpayer" un employé amène celui-ci à se montrer plus performant que jamais, ce qui se traduit par un bond des profits de l'entreprise.
Voilà. Maintenant, c'est à vous de jouer. Si vous voulez briller en cette période de risque, rien de mieux que d'adopter une stratégie gagnante, de surcroît une stratégie qui décontenancera vos concurrents.
En passant, le poète français Jacques Prévert a dit dans Spectacle : «Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage à demain, si on ne vous paie pas le salaire d'aujourd'hui».
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