Faire un sourire, un compliment, ou même un petit cadeau à un collègue, ce sont là des gestes faciles à réaliser. Cela nous est même naturel : ça nous fait plaisir de faire plaisir. En revanche - et assez curieusement -, il nous est nettement moins facile de recevoir les mêmes choses. Si un collègue nous sourit alors qu’il ne le fait pas d’habitude, on a tendance à se dire que ce n’est pas normal, que ça cache quelque chose. Et s’il s’agit d’un compliment, ou pire d’un cadeau, on se dit carrément qu’il y a anguille sous roche : «Lui, là, il va me demander un service dans les prochaines heures, c’est sûr et certain», se dit-on aussitôt, en affichant malgré nous un sourire gêné. Pas vrai?
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Pourquoi? Oui, pourquoi sommes-nous si embarrassés lorsqu’on nous fait une fleur? Je me suis longtemps posé la question, et je pense avoir déniché un début de réponse intéressant dans le dernier numéro du magazine français Happinez, qui se présente comme le «premier magazine mindstyle», à la fois «positif» et «inspirant». Et ce, grâce à un article intitulé “Apprendre à recevoir”, dont je vais de ce pas partager avec vous la substantifique moelle…
«Recevoir est un comportement passif, tourné vers soi : il s’agit d’acceptation, de vulnérabilité, de perte de contrôle, explique la journaliste Susan Smit. Nous trouvons difficile de ne pas choisir ce que nous recevons, alors que nous choisissons ce que nous donnons. Pour apprendre l’art de recevoir, il faut donc lâcher prise et s’ouvrir à l’autre.
«Lorsque vous apprenez à recevoir, vous participez au cycle de don et de réception, car l’un ne peut exister sans l’autre. Marcel Messing, l’auteur du livre Een land zonder pad (“Un pays sans chemin”, non traduit en français), explique : “L’art de donner et l’art de recevoir sont le fruit d’une seule et même source, tout comme l’énergie vitale d’un arbre circule à la fois par ses racines et par sa cime. Donner et recevoir sans compter ne se pense plus en termes de trop ou de pas assez : il n’y a plus qu’une circulation d’énergie naturelle et constante”.
«Donner sans compter, sans rien attendre en retour, pas même de la gratitude, est la seule façon de faire circuler cette énergie vitale entre celui qui donne et celui qui reçoit. Quand j’étais petite et que ma mère faisait quelque chose pour moi, elle balayait du revers de la main toutes mes expressions de gratitude : “Pas besoin de me remercier tant que tu es heureuse”, me disait-elle.
«Ce n’est que plus tard que j’ai compris que tout le monde ne fonctionne pas de cette façon, et que certains voient les choses d’un point de vue donnant-donnant : ils donnent en attendant quelque chose en retour et ne veulent rien devoir à personne. Quand ils rendent un service à quelqu’un, ils pensent dominer la situation. Ils proposent de s’occuper de notre chien pendant quelques heures, parce qu’ils ont eux-mêmes un chat et comptent partir bientôt en vacances. Mais en agissant de la sorte ils n’apprennent jamais à recevoir. (...)
«La réticence à recevoir cache souvent la peur que l’autre attende quelque chose de nous en retour. (...) De fait, il existera toujours des gens aux desseins peu honnêtes, et on peut apprendre à les reconnaître. Mais il ne faut pas que la peur d’avoir une dette envers quelqu’un empêche d’accepter quelque chose de cette personne : cela ne fait que créer un blocage dans le cycle naturel d’un don et de la réception. Prenez conscience de ces moments où vous avez peur d’être redevable, et acceptez le fait que certains donnent vraiment sans rien attendre en retour. Posez-vous la question suivante : “Suis-je moi-même capable de donner sans arrière-pensée?”
«Une autre croyance, souvent inconsciente, est profondément ancrée en nous : nous pensons ne pas mériter un don ou un service, ne pas en être dignes. Nous nous disons alors que pour pouvoir l’accepter, nous aurions au moins dû travailler fort pour cela. Et nous tâchons de décliner le présent qui nous est fait.
«Cette croyance émerge dans toutes les relations avec autrui, y compris au travail. Elle trouve souvent son origine dans notre instinct de protection, qui nous pousse à ne jamais rien attendre des autres et nous persuade que nous n’avons pas besoin de la main qui nous est tendue. Nous mettons dès lors tout en oeuvre pour mériter le don qui nous est fait, quitte à ne pas nous montrer sous notre véritable jour par crainte de ne pas être à la hauteur. Nous donnons alors sans fin (notre temps, notre savoir, etc.), sans nullement développer notre capacité à recevoir : nous nous empêchons ainsi d’ouvrir notre coeur. (...)
«Pour apprendre à recevoir, il faut par conséquent accepter le principe d’abondance. Celui-ci stipule que tout ce dont nous avons besoin existe déjà, il nous suffit d’y être ouvert. Tout le monde est tour à tour actif et réceptif, relié à l’autre, dans l’échange. En donnant et en recevant, nous assurons la mobilité et la vitalité du monde. En apprenant à donner avec sincérité et amour, sans rien attendre en retour, nous apprenons aussi à recevoir avec joie et abandon. Et inversement.»
Voilà. Cette vision du don et de son pendant la réception me semblent rafraîchissante, pour ne pas dire bienfaisante. Il nous suffit ainsi de réconcilier les deux pour user de chacun adéquatement, le moment venu. Si l’on aime donner, il va de soi qu’il nous faut aimer également recevoir. C’est aussi simple que ça.
L’intérêt de ce point me paraît évident pour votre quotidien au travail. Prenons un exemple précis… Pour que l’équipe dans laquelle vous évoluez se mette à fonctionner avec harmonie, il convient que chacun apprenne à faire plus que donner aux autres, que ce soit son temps ou ses connaissances. Il est impératif que chacun apprenne à recevoir comme il se doit ce que les autres meurent d’envie de lui offrir. Car c’est du flux de dons et de réceptions que pourra découler un fonctionnement harmonieux.
Maintenant, j’ai une petite question dérangeante pour vous : savez-vous vraiment recevoir? Pour vous en faire une juste idée, je vous invite à répondre à un mini-quiz...
Pour commencer, souvenez-vous de la dernière fois que quelqu’un vous a spontanément donné quelque chose ou rendu service au travail. Puis, répondez aux questions suivantes :
1. Vous êtes-vous senti mal à l’aise?
2. Avez-vous dit quelque chose comme “Tu n’aurais pas dû” ou “Mais je n’ai rien à te donner en retour”?
3. L’avez-vous remercié trois fois ou plus?
4. Avez-vous essayé de trouver quelque chose à donner ou à faire en retour?
5. Avez-vous l’impression d’avoir une dette envers cette personne?
6. Ne vous sentirez-vous à l’aie avec cette personne que lorsque vous lui aurez rendu la pareille?
Bien. Si vous avez répondu “oui” à trois ou plus de ces questions, c’est que vous éprouvez des difficultés à recevoir. Et qu’il convient désormais de dénicher l’origine de cette attitude, dans l’optique d’y remédier en vous appuyant, par exemple, sur le principe d’abondance.
En passant, l’écrivain américain de langue française Julien Green disait : «Il y a autant de générosité à recevoir qu’à donner».
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