BLOGUE. Lorsque nous nous trouvons dans une situation de crise, nous réagissons tous de la même manière : nous nous disons qu'il faut parer au plus pressé. Et donc, prendre des décisions à la vitesse V. Ce qui ne peut se faire qui si on est en mesure de prendre les décisions qui s'imposent. Bref, qui si nous avons le pouvoir nécessaire pour cela. Logique, n'est-ce pas?
Découvrez mes précédents billets
Rejoignez-moi sur Facebook et sur Twitter
Mon tout nouveau livre : Le Cheval et l'Âne au bureau
Mais voilà, est-ce vraiment aussi logique qu'il y paraît? Et si, à agir de la sorte en usant de toute notre autorité, nous ne faisions que confondre vitesse et précipitation? Et commettions, donc, une lourde erreur?
Une étude permet de répondre sans ambiguïté à cette interrogation existentielle. Celle-ci s'intitule CEO power and decision-making under pressure et est signée par : Vikram Nanda, professeur de finance et d'économie à l'École de commerce Rutgers (États-Unis); et Sabatino Silveri, professeur de finance à l'École de management de l'Université Binghamton (États-Unis), assisté de son étudiante Seonghee Han.
Ainsi, les trois chercheurs se sont demandé si les PDG qui bénéficient de larges pouvoirs – pour ne pas dire les pleins pouvoirs – pour diriger leur entreprise agissent avec plus – ou moins – d'efficacité que les autres lorsqu'ils se trouvent sous une forte pression.
Pour s'en faire une idée, ils se sont plongé dans une base de données riche en informations sur les PDG œuvrant aux États-Unis, à savoir le S&P Execucomp. Une base de données qu'ils ont croisée avec d'autres, comme celles de l'IRRC et du RiskMetrics, pour en dégager un échantillon de 3 724 PDG qui se sont retrouvés à la tête d'un total de 2 097 firmes entre 1992 et 2009.
Chacun de ces PDG a vu son pouvoir évalué. Son pouvoir? D'après les trois chercheurs, celui-ci s'exprime à l'aide de sept variables :
> Revenu. La part du revenu du PDG sur les revenus de l'entreprise.
> Titres. Tous les PDG n'occupent pas exactement les mêmes fonctions. Certains cumulent parfois aussi le titre de président du conseil d'administration, et d'autres encore celui de président de l'entreprise.
> Ancienneté. Tous les PDG n'ont pas la même ancienneté au sein de l'entreprise qu'ils dirigent.
> Propriété. Certains PDG sont également les propriétaires de l'entreprise.
> Fondation. Certains PDG sont aussi les fondateurs de l'entreprise.
> Structure organisationnelle. Plus un PDG a de lieutenants, c'est-à-dire de personnes qui relèvent directement de lui, plus il a de pouvoir.
Puis, MM. Nanda et Silveri ainsi que Mme Han ont déterminé que ces PDG se sont retrouvés sous une grosse pression lorsque leur entreprise a dû traverser des périodes de difficulté économique. Des périodes qui correspondaient, en fait, à une baisse soudaine d'au moins 5% des ventes de l'ensemble de l'industrie dans laquelle elles évoluent. Ce qui est survenu une soixante de fois pour les entreprises et la période de temps considérées.
Enfin, ils ont analysé les résultats financiers de ces entreprises, à la sortie de chacune des crises. L'idée était de comparer la performance de ceux qui avaient quasiment les pleins pouvoirs à celle des autres. Et ce, dans trois situations particulières, où le fait de disposer des pleins pouvoirs peut avoir a priori une réelle incidence. Soit :
> Créativité. Quand leur entreprise est réputée pour sa créativité.
> Compétition. Quand la compétition est féroce au sein de l'industrie dans laquelle évolue leur entreprise.
> Particularité. Quand il est inusité dans l'industrie en question qu'un PDG dispose des pleins pouvoirs.
Des situations, à bien y regarder, que nous connaissons tous, à peu de choses près. En effet, qui, de nos jours, ne doit pas briller par sa créativité? Et ne se trouve pas en compétition avec ses concurrents directs? Hein?
Bon. Le résultat de l'étude? Il est sans appel.
> Moins performants. Les PDG qui avaient les pleins pouvoirs se sont montré moins performants que les autres dans les trois cas de figure. Oui, l'échec était à chaque fois à la clé.
Pourquoi une telle contre-performance? «On peut raisonnablement supposer que les PDG qui disposent des pleins pouvoirs, ou presque, sont plus prompts à prendre des risques élevés que les autres. Des risques inconsidérés, compte tenu de la situation», disent les trois chercheurs dans leur étude.
Par conséquent, on peut tirer de tout cela la leçon suivante :
> Mieux vaut ne jamais confier les pleins pouvoirs au leader. Car, en cas de coup dur, celui-ci ne réussira pas à prendre les bonnes décisions.
En passant, le philosophe français Alain a dit dans ses Propos : «Tout pouvoir est triste».
Découvrez mes précédents billets
Rejoignez-moi sur Facebook et sur Twitter
Mon tout nouveau livre : Le Cheval et l'Âne au bureau