L’open space. Les bureaux à aires ouvertes, dont nombre d’entreprises se sont dotées au tournant de 2010 pour faire jeune et dynamique, à l’image d’une start-up de la Silicon Valley. Les directions d’entreprises pensaient bien faire en offrant des lieux de travail ‘design et conviviaux’ à leurs employés : on disait alors que les espaces de travail ouverts favorisaient la communication et encourageait la camaraderie. Et c’est exactement le contraire qui s’est produit : les employés se sont mis à parler de moins en moins entre eux, sentant qu’ils dérangeaient les autres chaque fois qu’ils parlaient à autrui ; et chacun s’est même enfermé dans une bulle virtuelle, passant la journée avec des écouteurs sur les oreilles pour avoir la paix.
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Bien entendu, des études scientifiques se sont aussitôt mis à pleuvoir concernant cette nouvelle mode, chacune détaillant les impacts destructeurs de l’open space sur la productivité et le bien-être des employés. Un exemple parmi tant d’autres : l’étude intitulée Workspace satisfaction : The privacy-communication trade-off in open-plan offices et signée par Richard de Dear, professeur de design et d’architecture à l’Université de Sydney (Australie), et son étudiant Jungsoo Kim. Celle-ci portait sur plus de quelque 42 000 employés oeuvrant aux Etats-Unis dans un total de 303 édifices à bureaux distincts. Les deux chercheurs sont arrivés à la conclusion suivante, lapidaire : «Nos résultats montrent de manière catégorique qu’en aucun cas les espaces de travail à aire ouverte améliorent la communication entre les employés et le bien-être de chacun d’eux. Par suite, ces espaces-là ne présentent aucun impact positif sur le moral et sur la productivité des employés concernés. Pis, il arrive souvent que l’impact soit globalement négatif», résument-ils.
Triste constat, n’est-ce pas ? L’open space se révèle être une lourde erreur, non seulement pour l’entreprise, mais aussi pour chacun de ses employés. L’open space a transformé le quotidien de nombre d’entre nous en source de stress, voire en véritable enfer. Si bien que la question saute aux yeux : que faire ?
Oui, que faire pour corriger le tir ? Réinstaller les cubicules du XXe siècle ? Non, bien sûr. Installer des parois vitrées ici et là, histoire de rétablir une certaine intimité et de couper le son ? Peut-être, mais qui peut affirmer que ce soit là une vraie bonne idée ? Baisser les bras, et se résoudre à voir la productivité et le bien-être de chacun diminuer irrémédiablement ? Non, mille fois non.
Alors ? Eh bien, j’ai une suggestion à vous faire. Une suggestion tirée d’un récent article du Helsinki Times, un quotidien finlandais que j’aime à feuilleter de temps à autre, car j’y trouve chaque fois des idées vraiment inspirantes – la Finlande est, à mes yeux, un puits sans fond d’innovations renversantes. (À bon entendeur, salut !)
Cet article présentait les réflexions à ce sujet de Lilli Sundvik, une consultante en psychologie organisationnelle du cabinet-conseil Cresco. Des réflexions qui visaient à identifier des astuces pratiques permettant de contrer les effets néfastes de l’open space. Et elle a mis le doigt sur des idées qui me semblent fascinantes. Je pèse mes mots.
Voici ses deux principales idées :
> Instaurez des périodes de silence
«Un idée qui mériterait d’être discutée tous ensemble et d’être mise en pratique consiste à instaurer des périodes de silence dans la journée de travail. Toute discussion à voix haute serait alors proscrite. Interdit de parler. Bien entendu, cela n’empêchera pas les uns et les autres d’entrer en contact malgré tout, s’ils en ressentent la nécessité : ceux-là peuvent se retrouver dans une petite salle de réunion, ou bien discuter par courriels ou textos interposés», dit Mme Sundvik.
Et la consultante finlandaise d’ajouter : «L’ennui, avec cette idée, c’est que ceux qui en souffrent le plus sont, en général, les bosses. Il leur est souvent difficile, pour ne pas dire pénible, de s’empêcher de parler aux autres à voix haute. C’est pourquoi il convient de bien leur souligner au préalable les impacts négatifs de l’open space sur la productivité et le bien-être de leurs employés avant d’adopter une telle mesure. De leur montrer qu’en vérité la communication va être améliorée par ces périodes de temps de silence imposé».
> Créez des ‘espaces de voisinage’
«Le but de l’open space, c’est de favoriser les échanges impromptus entre les employés. Ce but n’est quasiment jamais atteint. D’où l’idée de créer des zones où cela est réellement possible, des ‘espaces de voisinage’. C’est-à-dire des zones tampons entre les différents îlots de bureaux, des endroits calmes et paisibles, aménagés de telle sorte qu’on puisse y discuter sans déranger qui que ce soit», propose Mme Sundvik.
Cette idée d’espaces de voisinage m’a fait me rappeler un autre article, tiré lui du San Francisco Chronicle, un autre quotidien que j’aime à consulter quand j’ai un peu de temps à moi. Celui-ci consistait en une visite guidée des bureaux de Braintree, une start-up américaine spécialisée dans le paiement mobile.
Là, des centaines d’employés oeuvrent dans un vaste espace de 25 000 pieds carré, répartis dans des îlots composés à chaque fois d’une dizaine de personnes, pas plus. On y compte très exactement huit ‘espaces de voisinages’, à savoir des lieux où chacun passe lorsqu’il se déplace dans les bureaux et où l’on peut s’installer confortablement pour jaser. Un exemple lumineux : le long d’un mur de couloir ont été installés des couches, sur différents niveaux ; chacun peut s’y allonger ou s’y adosser à des coussins pour lire ou consulter sa tablette numérique, ou encore s’y mettre en tailleur à deux ou trois pour discuter à bâtons rompus.
Ce n’est pas tout. Braintree s’est également dotée de mini-bureaux vitrés, où l’on ne peut rentrer qu’à deux. Et ce, soit pour rencontrer un client sans déranger qui que ce soit, soit pour discuter à voix haute avec un collègue ou un boss. De manière inopinée.
Voilà. Vous êtes à présent muni du nécessaire pour transformer votre open space en espace enfin vivable. Un détail, toutefois, avant de vous lancer dans ces changements : «Il est primordial que la moindre modification soit effectuée avec l’accord de chacun. Sans quoi, cela ne fera qu’exacerber les frustrations, voire en créera de nouvelles», souligne la consultante de Cresco.
En passant, le philosophe français Denis Diderot aimait à dire : «Il ne suffit pas de faire le bien, encore faut-il le bien faire».
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