BLOGUE. Vous avez décroché un entretien d'embauche. Parfait! Maintenant, comment faire pour vous démarquer du lot, pour obtenir le nouveau poste que vous convoitez tant, pour donner – enfin! – un nouvel élan à votre carrière?
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La plupart des gens se mettent alors à peaufiner les réponses qu'ils donneront aux questions probables qui leur seront posées. Vous savez, ces fameuses "questions qui tuent", comme «Pourquoi ne gagnez-vous pas plus à votre âge?», «Vous semblez trop qualifié pour ce poste» et autres «Savez-vous être autoritaire?». Pourquoi pas, mais ce travail de préparation n'est pas vraiment utile.
Pourquoi? Parce que les examinateurs ne sont pas si sensibles que ça aux réponses données à leurs questions – à moins d'une énorme bourde, bien entendu. Ils sont en réalité influencés par tout autre chose : l'aura de pouvoir que vous dégagez.
C'est en effet ce qui ressort d'une étude intitulée Power gets the job: Priming power improves interview outcomes. Celle-ci est signée par : Joris Lammers, professeur de psychologie à l'Université de Cologne (Allemagne); Derek Rucker, professeur de marketing à l'École de management Kellogg (États-Unis); Adam Galinsky, professeur de gestion des affaires à l'École de commerce Columbia (États-Unis); et David Dubois, professeur de marketing à l'Insead (France).
L'expérience menée était on ne peut plus simple. Il a été proposé à des étudiants d'une école de commerce de s'entraîner à passer un entretien d'embauche, dans des conditions réalistes. Il s'agissait de répondre durant quinze minutes aux questions pointues de plusieurs examinateurs, des personnes qui ont réellement l'habitude de faire passer des entretiens d'embauche.
Ce que les examinateurs ignoraient, c'était que les candidats qui leur étaient présentés avaient été au préalable répartis en trois groupes distincts :
> Premier groupe : les participants ont dû, juste avant de se présenter à l'entretien, rédiger sur une feuille de papier une expérience qui leur était arrivée durant laquelle ils avaient joui d'un grand pouvoir.
> Deuxième groupe : les participants ont dû, juste avant de se présenter à l'entretien, rédiger sur une feuille de papier une expérience qui leur était arrivée durant laquelle ils avaient été complètement dépourvus de pouvoir.
> Troisième groupe : les participants n'ont rien eu du tout à rédiger avant de se présenter à l'entretien.
Résultats? Quasiment incroyables…
> D'excellents candidats. Les examinateurs ont estimé qu'en moyenne 1 participant sur 2 (47%) avait réussi le test.
> Avantage à ceux qui ont une aura de pouvoir. Les examinateurs ont estimé que 68% des participants du premier groupe – ceux qui s'étaient remémoré une expérience où ils avaient joui d'un grand pouvoir – avaient réussi le test.
> Désavantage à ceux qui n'ont pas d'aura de pouvoir. Les examinateurs ont estimé que seulement 26% des participants du deuxième groupe – ceux qui s'étaient remémoré une expérience où ils avaient manqué de pouvoir – avaient réussi le test.
D'où deux trucs ultrasimples pour briller en entretien d'embauche, suggérés par David Dubois, l'un des coauteurs de l'étude :
1. Dégagez une aura de pouvoir. «La stratégie gagnante consiste à se convaincre qu'on bénéficie d'un grand pouvoir sur l'événement qui va avoir lieu, à savoir l'entretien d'embauche. Une astuce pour cela est de se rappeler, juste avant d'entrer dans la salle, une anecdote où l'on jouissait d'un grand pouvoir; et de dresser mentalement la liste des émotions positives qui nous avaient alors traversées. Des émotions positives comme la confiance en soi, le sentiment d'être ultracompétent, ou encore l'assurance d'avoir pris la bonne décision», dit-il.
Et d'ajouter : «Chacun peut trouver son propre truc pour rayonner de pouvoir. Par exemple, certains peuvent y parvenir rien qu'en ayant sur eux un objet fétiche, qui leur porte chance (du moins, le croient-ils), comme une montre ou un sac qu'ils chérissent plus que tout».
2. Comportez-vous comme quelqu'un de puissant. «Le pouvoir n'est pas seulement un état d'esprit, c'est aussi une attitude. L'envoi de petits signes de pouvoir peuvent suffire pour convaincre l'auditoire qu'il a en face de lui quelqu'un de puissant. Comme l'a expliqué avec brio Amy Cuddy, professeure de psychologie à Harvard, lors d'un récent TED Talks, tout se passe dès lors dans le non-verbal : une posture calme et posée, et le tour peut être joué», dit-il.
«De surcroît, le bénéfice est double : avoir le comportement de quelqu'un de puissant ne fait pas qu'en convaincre l'auditoire, cela en persuade aussi… le principal intéressé! C'est une collègue de l'Insead, Li Huang, qui l'a mis en évidence dans une étude où les participants étaient forcés à avoir une posture de pouvoir ou, à l'inverse, d'impuissance. Les gens se comportaient alors exactement tel que ce que leur corps leur dictait de faire», précise-t-il.
M. Dubois a un exemple historique qui appuie son propos… Au tout début de la Seconde Guerre mondiale, le général De Gaulle était parti à Londres pour y piloter à distance la résistance française à l'envahisseur nazi. Il a dû convaincre le premier ministre britannique Winston Churchill qu'il leur fallait s'allier pour être efficaces. Des rencontres épiques, car on y assistait à chaque fois au choc magistral de deux egos démesurés.
Un jour, Churchill, excédé, a lancé à De Gaulle : "Mais bon sang, qui êtes-vous pour croire que vous représentez la France? Vous n'avez même pas d'armée!». Et lui de rétorquer, après s'être mis debout calmement pour toiser son interlocuteur du haut de son 1,98 m : "Si je ne suis pas la France, alors pourquoi m'adressez-vous la parole, monsieur?". Plus tard, Churchill rapporta au War Cabinet, et par la suite au président américain Roosevelt, à propos du Général : "Il est jeune et énergique, et produit une impression très favorable". La suite est entrée dans l'Histoire…
En passant, Victor Hugo a dit dans L'Homme qui rit : «Se suffire, c'est être puissant».
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