BLOGUE. La diversité. Un autre terme, avec la créativité, qu'on entend dans à peu près tous les discours actuels sur le management. Certains voient la diversité d'une équipe comme une immense richesse, mais une richesse difficile à gérer : plus une équipe est composée de personnalités différentes, plus elle est complexe à gérer, mais aussi plus elle a de chances de trouver des idées neuves et des solutions originales aux problèmes rencontrés. D'autres y voient au contraire un frein à l'innovation : le temps qu'une équipe aux opinions divergentes accorde ses violons, il peut être trop tard et c'est le concurrent qui innove en premier. Qui a raison? Qui a tort?
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Difficile à dire a priori, d'autant plus que nombre d'études scientifiques permettent d'appuyer les idées des uns et des autres sur la diversité. Mais quand on y regarde de plus près, on distingue deux cas de figure : la diversité semble être un atout quand il s'agit de réfléchir pour trouver une solution à un problème; et la diversité semble être plutôt un défaut quand il faut prononcer un jugement. Pourquoi ça? Parce que dans le premier cas il faut trouver une réponse, et dans le second, un consensus. C'est du moins ce que tendent à montrer les études, entre autres, de Blinder et Morgan (2005 et 2008), Page (2007), Laughlin (1999), Levine et Moreland (1998) ainsi que Hill (1982).
Cela étant, y aurait-il moyen de trancher vraiment le débat? Je crois que oui. Car une étude passionnante sur le sujet a vu le jour, intitulée The power of diversity over large solution spaces. Celle-ci est signée par Marco LiCalzi, professeur de management à l'Università Ca' Foscari de Venise (Italie), et Oktay Surucu, professeur d'économie à la Libera Università Internazionale Degli Studi Sociali (Luiss) de Rome (Italie). Elle montre sans ambiguïté que deux têtes valent toujours mieux qu'une…
Ainsi, les deux chercheurs ont abordé le débat d'un point de vue économétrique. Ils ont considéré un groupe de personnes qui a pour but de trouver la solution à un problème. Deux postulats : chaque individu a un champ de compétences qui lui est propre; et aucun individu ne peut trouver tout seul dans son coin la bonne solution. Puis, ils ont regardé ce qui se passait dans toutes les situations envisageables.
Toutes les situations envisageables? Une image vous permettra de saisir comment cela est économétriquement réalisable... Imaginons un dessin sur une feuille de papier. Une grande bulle couvrant une grande partie de la feuille, représentant le champ des possibles. À l'intérieur de cette bulle, de petites bulles – de diverses tailles et disposées de manière aléatoire –, symbolisant chacune le champ de compétences d'un individu. Enfin, une croix quelque part, qui se trouve être la solution à trouver, comme l'emplacement d'un coffre enfoui par des pirates sur une île déserte.
Puis, on peut regarder comment ces petites bulles évoluent dans la grande bulle, de concert, pour trouver le trésor tant convoité. Eh bien, grâce aux calculs économétriques, il est alors tout à fait possible d'estimer quelles sont les meilleures configurations de départ et les meilleurs mouvements combinés de toutes ces bulles pour trouver la petite croix.
De ce petit jeu intellectuel sont ressortis des enseignements on ne peut plus précieux, à mon avis. Des enseignements que je vous livre tout de go:
1. À deux, c'est mieux. Quand aucun des individus ne peut à lui tout seul résoudre le problème, la bonne solution peut tout de même être trouvée si au moins deux des individus se mettent à collaborer en ce sens.
2. De l'imagination collective dépend le succès. Ce n'est pas parce qu'au moins deux membres de l'équipe se mettent à collaborer que le succès est garanti. Il faut pour cela que ceux qui décident de travailler de concert aient des talents complémentaires et soient assez créatifs pour finir par trouver la petit croix.
3. Une question de ressources. Quand les bulles sont vraiment toutes petites et la grande bulle gigantesque – autrement dit, quand la petite croix est très très dure à trouver –, la meilleure stratégie à adopter pour l'équipe est d'accroître, même un tout petit peu, le nombre de ses membres. C'est-à-dire qu'il convient d'ajouter d'autres petites bulles. Celles-ci feront toutes la différence, car la petite croix sera alors trouvée.
4. Attention à l'effet de groupe. L'effet de groupe? En anglais, on parle de groupthink, un terme concocté dans les années 1970 par W.H. Whyte dans un article paru dans Fortune pour signifier que les êtres humains ont tendance, en groupe, à se ranger les uns derrière les autres. Dans une discussion, certains cherchent à rallier les autres à leur position, et quand ils y parviennent, ceux qui les suivent finissent par se taire, par ne pas exprimer d'opinion divergente, même s'ils n'en pensent parfois pas moins. Du coup, le groupe se montre globalement moins créatif. Dans le cas présent, si les bulles sont trop similaires, jamais elles ne parviendront à trouver la petite croix. Bref, sans un minimum de diversité, impossible de briller.
Intéressant, n'est-ce pas? Cela vous fait-il penser à l'une de vos expériences professionnelles? Ou même à votre quotidien? Si tel est le cas, alors je vous invite fortement à prendre le temps de réfléchir sur l'enseignement qui se rapporte le plus à ce que vous vivez en ce moment. Vous y trouverez peut-être une piste à explorer…
En passant, Benjamin Constant a dit dans De l'esprit de la conquête et de l'usurpation : «La variété, c'est de l'organisation; l'uniformité, c'est du mécanisme. La variété, c'est la vie; l'uniformité, c'est la mort».
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