Un sourire, et la vie est aussitôt plus belle. Pas vrai? Alors, pourquoi s'en priver au travail? Surtout si ça permet aux uns et aux autres d'avoir soudain du cœur à l'ouvrage?
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Le hic, me direz-vous, c'est qu'il ne suffit pas de sourire soi pour que les autres se sentent mieux et vous imitent. Et vous avez raison. L'important, en fait, c'est d'apporter le sourire aux lèvres des autres.
Comment? Sûrement en s'inspirant des enseignements d'une étude intitulée Emitting happiness? Using model-based cluster analysis to group countries by wealth, development, carbon emissions, and happiness. Celle-ci est signée par deux professeurs de l'Université du Massachusetts à Dartmouth (États-Unis) : Adam Sukolwski, qui enseigne le développement durable et le droit des affaires, et Steven White, qui professe les affaires internationales et le marketing.
Les deux chercheurs se sont posé une question très simple : ceux qui vivent dans des pays riches et développés sont-ils vraiment plus heureux que ceux qui vivent dans des pays moins riches et moins développés? Pour s'en faire une idée, ils ont élaboré un modèle de calcul économétrique permettant de comparer des groupes d'individus similaires vivant dans différents pays, et ce, en fonction de quatre variables :
> Le PIB par tête (source : Banque mondiale, 2010);
> Les émissions de dioxyde de carbone (CO2) par tête (source : Banque mondiale, 2010);
> Le bonheur ressenti dans la vie (source : Gallup, 2011-2012);
> Le développement humain (source : Nations unies, 2010).
Cela leur a permis d'identifier cinq catégories de pays :
> Les pas riches, pas développés, peu pollueurs, mais heureux : Pérou, Équateur, Inde, Cameroun, Vietnam, Maroc, etc.
> Les moyennement riches, moyennement développés, moyennement pollueurs et peu heureux : Brésil, Russie, Chine, Pologne, etc.
> Les riches, développés, fortement pollueurs et heureux : Pays-Bas, Allemagne, Japon, États-Unis, et – tiens – Canada, etc.
> Les riches, développés, moyennement pollueurs et heureux : Suisse, Danemark, Islande, Suède, France, Italie, etc.
> Les moyennement riches, moyennement développés, fortement pollueurs et moyennement heureux : Arabie saoudite, Corée du Sud, Portugal, etc.
Puis, ils ont regardé quelle était la catégorie la plus "performante" en terme de bonheur, à savoir celle où les gens étaient, dans le fond, les plus heureux, compte tenu des contrariétés qu'ils avaient a priori pour l'être (ex.: faible pouvoir d'achat, forte pollution, etc.). Résultat? Accrochez-vous bien :
> La catégorie la plus performante est celle qui est la moins développée, qui ne génère que l'équivalent de 5% des émissions de CO2 des plus pollueurs, qui ne dispose que de l'équivalent de 14% des revenus des plus riches et qui ressent l'équivalent de 89% du bonheur des plus heureux. Et encore, ce dernier pourcentage aurait bondi si les deux chercheurs avaient exclu de cette catégorie deux pays un peu particuliers en raison des troubles politiques qu'ils connaissent, soit l'Égypte et l'Irak.
Qu'est-ce que cette trouvaille signifie, au juste? Plusieurs choses, dont certaines viennent contredire nos idées reçues sur le bonheur :
> Développement ≠ Bonheur. Ce n'est pas parce qu'un pays est développé, en particulier sur le plan économique, que ses habitants sont pour autant heureux. Bien au contraire. On assiste plutôt au phénomène inverse : mois un pays est développé, plus il y a de chances que ses habitants soient heureux.
> Durabilité = Bonheur. Moins un pays pollue l'environnement, c'est-à-dire plus il est respectueux de l'écosystème dans lequel il évolue, plus il y a de chances que ses habitants soient heureux.
> Argent ≠ Bonheur. C'est bien connu, l'argent ne fait pas le bonheur. Mais contrairement à ce qu'on ajoute d'habitude, il n'y contribue pas non plus! En effet, ce n'est pas parce qu'on gagne beaucoup d'argent qu'on est plus heureux que les autres. En fait, les plus heureux sont ceux qui qui disposent de l'argent dont ils estiment avoir besoin pour "bien vivre" – et donc, ceux qui ne cherchent pas à en empocher toujours plus, mais qui se consacrent à ce qui les satisfait vraiment dans la vie.
> Équilibre = Bonheur. Les plus heureux ne sont pas, finalement, ceux qui disent ressentir le plus de bonheur dans la vie, mais ceux qui ont trouvé un juste équilibre entre ce qui les rend heureux et ce qui les rend malheureux. C'est ceux qui savent voir le à la fois bon et le mauvais côté des choses, et qui savent en tirer profit.
Fascinant, n'est-ce pas? Les deux chercheurs ont ainsi mis au jour des clés du bonheur, des clés qui, selon eux, peuvent très bien servir aux managers. Prenons un exemple concret… Un manager qui se contente d'offrir une prime à l'employé qui sera le plus performant ne rendra pas celui-ci vraiment plus heureux, car l'argent ne contribue pas au bonheur. En revanche, si la récompense offerte permet de mieux insérer le lauréat au sein de l'équipe – ou mieux, de nouer davantage les liens existants au sein de l'écosystème qu'est l'équipe –, alors là, elle contribuera au bonheur des uns et des autres. Car la durabilité contribue au bonheur.
Que retenir de tout ça? Qu'il est possible – et même facile – d'utiliser quatre leviers permettant de rendre les membres de son équipe plus heureux, en ayant en tête l'objectif de trouver le bon dosage entre ceux-ci :
> Croissance. Ne faites pas de votre priorité absolue la croissance des activités de votre équipe. Car celle-ci viendra d'elle-même – sans effort, si l'on veut – à partir du moment où chacun sera heureux dans son quotidien au travail. Pour vous en convaincre, souvenez-vous de ces moments où, passionné par ce que vous faisiez, vous avez effectué un travail de fou… sans même vous en rendre compte! Vous n'aviez alors même pas l'impression de travailler, juste d'accomplir quelque chose de trippant.
> Argent. Ne prenez plus la rémunération pour une carotte. Car elle est ressentie, en fait, plutôt comme un bâton. Veillez donc à ce que chacun soit satisfait de ce qu'il gagne, et ne faites pas de l'argent un semblant de moteur.
> Écosystème. Une équipe, c'est un écosystème. Apprenez à la regarder ainsi, et prenez en soin afin qu'elle ne périclite pas, mais au contraire grandisse harmonieusement. Chacun doit pouvoir y trouver sa place, puis s'y épanouir sans que cela se fasse au détriment des autres.
> Équilibre. Veillez à ce que chacun des membres de votre équipe prenne conscience de ce qui le rend heureux et, disons, moins heureux. Puis, au besoin, aidez chacun à s'y adapter au mieux. Ou mieux, à mettre fin aux principales nuisances des uns et des autres, quand cela est envisageable.
Voilà. Vous êtes maintenant munis de nouveaux outils susceptibles de rendre votre entourage plus heureux au travail. Libre à vous d'en faire bon usage.
En passant, le poète français Jean de La Fontaine disait déjà dans Philémon et Baucis : «Ni l'or ni la grandeur ne nous rendent heureux».
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