Le cœur n’y est plus. Vous avez beau vous forcer, vous dire que ça ira mieux d’ici peu, rien n’y fait : aujourd’hui, vous n’avez pas envie de travailler. Et vous savez, au fond de vous-même, que ce sera vraisemblablement la même chose demain. Et peut-être même après-demain. Comme cela avait déjà été le cas la semaine dernière. Et celle d’avant, à bien y penser. Pas vrai ?
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Bon. Arrêtons ça là. Immédiatement. Car j’ai une excellente nouvelle pour vous : j’ai mis la main sur une étude dont les résultats mettent au jour un truc génial pour retrouver le moral. En un clin d’œil. Si, si…
Cette étude est intitulée Relating specific emotions to intrinsic motivation : On the moderating role of positive and negative emotion differentiation. Celle-ci est signée par deux professeurs de psychologie de l’Université Libre de Bruxelles (Belgique) : Joeri Hofmans et Peter Theuns, assistés de leur étudiante Leen Vandercammen. Et elle montre qu’il y a toujours de la lumière au bout du tunnel. Toujours.
Les trois chercheurs belges se sont demandé si la théorie de l’auto-détermination – prédominante depuis les années 2000 dans la réflexion universitaire sur la motivation des employés – suffisait vraiment, comme elle l’affirme, à expliquer tout ce qui faisait que chacun de nous se donne à fond, ou pas, dans son travail. Une interrogation légitime, me semble-t-il.
De fait, la théorie de l’auto-détermination stipule grosso modo que le moteur de la motivation réside dans la satisfaction de trois de nos besoins psychologiques fondamentaux. À savoir :
- Le besoin de compétence. C’est-à-dire la nécessité d’exprimer nos talents à leur plein potentiel.
- Le besoin de connexion. C’est-à-dire la nécessité d’interagir avec les autres.
- Le besoin d’autonomie. C’est-à-dire la nécessité de se sentir indépendant des autres.
Du coup, pour qu’un employé soit gonflé à bloc, il suffirait, d’après cette théorie, que ces trois besoins-là soient comblés. Il suffirait ainsi qu’il ait le moyen d’exprimer ses talents, d’interagir avec ses collègues et de se montrer autonome dans son travail pour qu’il soit le plus heureux des heureux au bureau.
Si l’on veut. Mais voilà, en en parlant ensemble, les trois chercheurs belges en sont restés perplexes : la satisfaction de ces trois seuls besoins psychologiques permet-elle vraiment à chacun d’accéder au nirvana ? Hum…
Pour s’en faire une idée, ils ont procédé à deux expériences. Dans un premier temps, ils ont demandé à 72 volontaires de bien vouloir rédiger quotidiennement leur «journal intime de travail», dix jours durant. Il s’agissait d’indiquer par écrit l’une des tâches auxquelles ils s’étaient attaqués au cours de la journée, celle de leur choix, puis de raconter comment ils s’y étaient pris pour tenter de l’accomplir. Enfin, il leur fallait remplir un questionnaire détaillé sur l’état de motivation qu’ils avaient eu à ce moment-là ainsi que les différentes émotions qui les avaient traversés.
Dans un second temps, 24 volontaires ont reçu, cinq jours durant, une série de courriels échelonnés tout au long de leur journée de travail (deux le matin et deux l’après-midi, à des horaires aléatoires). Ces courriels comportaient des questionnaires visant à déterminer la même chose que pour la première expérience, soit leur niveau de motivation et les émotions qui les étreignaient, mais là, au moment présent. Ils permettaient, de surcroît, de savoir ce qu’étaient en train de faire chacun des participants à l’instant-même où ils avaient reçu chaque courriel.
On ne peut plus simple, n’est-ce pas ? Et pourtant, l’air de rien, ces deux expériences ont permis aux trois chercheurs belges de faire des trouvailles remarquables, comme vous allez le constater :
➢ La motivation est liée à la sensibilité aux émotions. C’est-à-dire que l’intensité des émotions ressenties par les participants avait un impact significatif sur leur niveau de motivation au travail. Un impact qui pouvait se révéler positif comme négatif.
➢ Avantage aux personnes sensibles. Ceux qui étaient doué pour identifier les émotions positives qu’ils avaient en travaillant se montraient plus motivés que les autres. Par conséquent, lorsqu’on est gagné par des émotions positives au travail (ex. : le sourire bienveillant d’une collègue, le coup de fil d’un client satisfait, etc.), cela a un impact positif sur notre niveau de motivation, à condition – c’est important de le souligner – qu’on soit une personne sachant faire la différence entre, par exemple, la gaieté, l’enthousiasme et l’optimisme. Pourquoi ? Parce qu’être sensible aux émotions positives qui nous traversent nous permet d’en tirer parti adéquatement.
➢ Avantage inverse aux personnes insensibles. Ceux qui n’étaient franchement pas doués pour identifier les émotions négatives qu’ils avaient en travaillant se montraient plus motivés que les autres. Par conséquent, lorsqu’on est gagné par des émotions négatives au travail (ex. : le regard courroucé du boss, le coup de fil d’un client mécontent, etc.), cela a un impact positif sur notre niveau de motivation, à condition – c’est important de le souligner – qu’on soit une personne ne sachant pas bien faire la différence entre, par exemple, la tristesse, la préoccupation et l’inquiétude. Pourquoi ? Parce qu’être insensible aux émotions négatives nous permet d’être peu ou prou affecté par celles-ci.
On le voit bien, la théorie de l’auto-détermination ne suffit pas à tout expliquer de notre motivation au travail. Car notre motivation intrinsèque est influencée par notre émotivité. Et cette influence est significative, comme l’ont montré les deux expériences de Mme Vandercammen et MM. Hofmans et Theuns.
Que retenir de tout cela ? Ceci, à mon avis :
➢ Qui entend se remotiver pour son travail se doit d’être plus vigilant quant aux émotions qui le traversent tout au long de la journée. Pour ceux qui sont naturellement émotifs, il s’agit de profiter de chaque émotion positive pour s’attaquer aussitôt à une tâche importante ; et en revanche, de prendre une mini-pause chaque fois qu’un revers survient, histoire d’atténuer l’impact des émotions négatives ainsi survenues. Quant à ceux qui sont relativement imperméables à leurs émotions, il s’agit d’adopter la stratégie inverse : profiter d’une mauvaise nouvelle pour redoubler d’ardeur à la tâche, comme ils aiment à le faire spontanément ; et en revanche, prendre le temps d’analyser pourquoi ils ne se sentent pas fouettés de la même manière lorsqu’une bonne nouvelle survient, et d’identifier la façon dont ils pourraient s’y prendre pour vibrer davantage à ce moment-là (ex. : saisir que le compliment que leur est fait est l’occasion de faire encore mieux la prochaine fois, etc.). Bref, dans tous les cas de figure, on gagne à user mieux et davantage de notre ‘intelligence émotionnelle’ !
«Les résultats de notre étude ont d’importantes implications pratiques, estiment les trois chercheurs belges. Les organisations ont ainsi tout intérêt à faire vibrer leurs employés le plus souvent possible. Cela peut consister à les impliquer davantage dans la prise de décisions importantes, à mieux reconnaître leurs efforts au travail, ou encore à leur donner plus souvent du feedback positif. Cela peut également revenir à mieux encadrer certains lorsque surviennent de mauvaises nouvelles, car – contrairement à ce qu’on pourrait croire a priori – ça peut être là une occasion en or de redoubler leur ardeur au travail. Enfin, cela peut passer, tout simplement, par une plus grande attention des managers à chacun des membres de leur équipe.»
Voilà qui méritait d’être souligné, je pense…
En passant, l’écrivain français Benjamin Constant a dit dans son Journal intime : «Les hommes qui passent pour être durs sont, de fait, beaucoup plus sensibles que ceux dont on vante la sensibilité expansive. Ils se font durs parce que leur sensibilité, étant vraie, les fait souffrir».
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