BLOGUE. Ironisons un peu… À votre avis, quel est le jour où une personne reçoit le plus d'éloges, de compliments et de témoignages d'amour et d'amitié? Réponse : le jour de son enterrement. Et il ne s'agit pas là – du moins, en général – de déclarations hypocrites, mais bel et bien de mots et de pleurs sincères. Enfin, avez-vous noté que survenait alors toujours la même rengaine : «Je regrette tellement de ne pas avoir pu lui dire tout ça avant…»?
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Dis comme ça, l'évidence saute aux yeux. On a envie de dire à tous ceux qui affichent de tels regrets : «Mais pourquoi donc ne le lui as-tu pas dit? Qu'est-ce qui t'en empêchait? Ça lui aurait fait tellement de bien de t'entendre le lui dire…» Mais la pudeur nous retient.
Maintenant, revenons à notre quotidien au travail. Et posez-vous les mêmes questions : «Qu'est-ce qui me retient, maintenant, de déclarer tout de go ce que j'apprécie chez vos collègues? Ou même, chez mon boss?». Puis, inversez le questionnement : «Qu'est-ce que je ressentirais si jamais un collègue me confiait tout le bien qu'il pensait de moi? Comme ça, à l'improviste? Ou même, mon boss?»
Vous voyez, maintenant, où je veux en venir? Oui, à notre immense besoin, pour vous comme pour moi, de reconnaissance. C'est ce qu'a d'ailleurs martelé Serge Marquis, un consultant en santé mentale au travail, lors de la conférence qu'il a récemment tenue lors de la journée Santé psychologique au travail organisée par Les affaires. Une splendide conférence dont je vais me faire un plaisir de partager l'essentiel avec vous…
L'auteur de Pensouillard le hamster (Ed. Transcontinental, 2011) a ainsi expliqué que, d'après lui, nous avons besoin de nos jours de quatre clés pour bien travailler :
> Connaissances.
> Jugement.
> Intuition.
> Réseau de contacts.
Ces quatre clés ont un point en commun : elles se cultivent. C'est-à-dire que nous devons, pour continuellement progresser, veiller à les développer tout au long de notre vie professionnelle. Par exemple, plus on a de connaissances pointues dans notre domaine, plus on a de chances de voir notre carrière progresser. Idem, on n'a de cesse d'affiner notre jugement, notre intuition et notre réseau de contacts.
Et qu'est-ce qui peut nous encourager à progresser? La reconnaissance de nos pairs. Ça peut être les félicitations de votre boss, en pleine réunion, pour les précieuses informations que contient votre rapport. Ça peut aussi être les remerciements d'un collègue pour avoir partagé avec lui l'un de vos contacts.
L'important est que la reconnaissance soit exprimée, mais surtout bien exprimée. Rien de pire, en effet, que des compliments qui sonnent faux, voire carrément hypocrites. Le truc? Selon M. Marquis, il convient de suivre quatre principes, que l'on peut retenir à l'aide de l'acronyme GAMA :
> Générosité. Un compliment ne doit jamais rien attendre en retour. C'est une fleur que l'on offre à autrui, pas un geste qui espère une récompense.
> Authenticité. Dîtes ce que vous pensez vraiment d'autrui, non pas ce que vous pensez qu'il conviendrait de dire. Surtout, ne cherchez pas à faire plaisir à la personne concernée, en disant ce que vous pensez qu'elle aimerait qu'on lui dise. Car vous iriez droit à l'échec.
> Mesure. Un compliment doit être judicieux. Il ne doit pas être trop petit, car il passerait pour de la mesquinerie; ni trop grand, car ce serait de la flatterie.
> Attention. Quand vous exprimez votre reconnaissance, il faut que l'attention de l'auditoire soit maximale. À la moindre perturbation (sonnerie de cellulaire,…), votre message ne passera pas.
L'expression de la reconnaissance peut prendre différentes formes. En voici deux :
> La reconnaissance formelle. Elle peut se traduire par l'organisation d'une petite fête visant à souligner un bon coup ou le mérite particulier d'un des employés. On peut penser à la célébration d'un nouveau contrat d'importance, à la promotion d'un des membres de l'équipe, ou encore à un départ à la retraite.
Mais une telle reconnaissance ne peut pas fonctionner si elle n'est pas accompagnée d'une reconnaissance informelle, à savoir de petits gestes réguliers visant à souligner combien on apprécie travailler avec la personne concernée. «C'est un peu comme la Saint-Valentin, a illustré M. Marquis. Si vous vous contentez d'offrir un bouquet de fleurs le 14 février, sans jamais donner de petits témoignages de votre amour tout au long de l'année, votre bouquet risque fort d'aller à la poubelle, et pas dans un vase!»
> La reconnaissance personnelle. Trop souvent, on souligne les bons coups réussis par une personne. Mais presque jamais, les efforts fournis; surtout si ceux-ci n'ont pas vraiment donnés les résultats escomptés. «Pourtant, ils le mériteraient, et surtout, les encouragements exprimés à ce moment-là, quand on accuse une certaine tristesse de n'avoir pas vu nos projets se réaliser pleinement, ont une portée qu'on ne soupçonne même pas», a indiqué le conférencier.
Quelle portée, au juste? Eh bien, le fait de reconnaître les efforts produits par autrui envoie deux messages fondamentaux : le premier, que le travail de la personne concernée est utile à son équipe; le second, que cette personne est appréciée pour ce qu'elle est, et non exclusivement pour ce qu'elle fait.
«Dans la reconnaissance, tout repose sur l'estime de soi. Pensez un instant aux parents et à leur nouveau-né : celui-ci ne sait rien faire d'extraordinaire, il ne sait même rien faire du tout, à part manger et digérer. Et pourtant, les parents ne cessent de lui sourire et de le dorloter. Ils lui expriment leur reconnaissance pour ce qu'il est à leurs yeux, pas pour ce qu'il fait».
On le voit bien, il n'est pas toujours nécessaire de trouver le mot juste pour exprimer tout le bien que l'on pense d'autrui. Un geste simple peut suffire, comme un clin d'œil ou un petit sourire complice. Et le tour est joué!
En passant, l'écrivain français Rémy de Gourmont aimait à dire : «La gratitude, comme le lait, tourne à l'aigre si le vase qui la contient n'est pas scrupuleusement propre».
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