BLOGUE. Il y a de cela un mois, j’ai mis la main sur un article du magazine espagnol IESE Insight intitulé What a Leader Needs Is Other Leaders. Un très bon article qui résumait les fruits du travail de deux chercheurs – Pablo Cardona, professeur de management à l’IESE, l’école de commerce de l’Université de Navarre, et Carlos Rey, professeur d’économie à l’Université internationale de Catalogne – sur une nouvelle approche du leadership. Et j’en ai fait l’objet d’une discussion ouverte sur la page LinkedIn du Groupe RH du journal Les affaires. Un résultat impressionnant, et surtout très enrichissant…
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Ainsi, une vingtaine de personnes sont entrées dans la discussion, histoire de donner leur point de vue sur la question ou de compléter les réponses des uns et des autres. Elles ont toutes soigneusement lu l’article de l’IESE Insight, et s’en sont inspirées pour donner leur opinion personnelle, comme on va le voir…
Les deux chercheurs espagnols sont partis d’une idée intéressante : et si notre vision du leadership n’était plus adaptée à la réalité d’aujourd’hui? En effet, on peut se demander s’il est toujours pertinent de considérer d’une part le leader, et d’autres part les membres de son équipe, suivant le modèle paternaliste leader/suiveurs. Et par la même occasion, on peut aller plus loin dans la réflexion, en s’interrogeant sur le fait que le leader est de nos jours perçu comme le seul détenteur du leadership : et si – autre question pertinente – on diffusait plutôt le leadership dans l’ensemble de l’entreprise, au lieu de le concentrer dans les mains de quelques individus?
«Voilà une dynamique porteuse de succès», lance Sylvie Huard, dirigeante de Harmonie Intervention, sur LinkedIn.
MM. Cardona et Rey préconisent dès lors l’instauration d’un tout nouveau modèle de leadership : le modèle leader/leader. De quoi s’agit-il? De la coexistence de plusieurs leaders dans le même environnement, mais à différents niveaux de l’entreprise. Cela nécessite l’abandon complet du moidèle leader/suiveurs, dans lequel il y en a un qui dirige, et les autres qui se plient à sa volonté. Oui, diffuser le leadership revient à créer une «communauté de leaders» ayant un impact à tous les niveaux hiérarchiques de l’entreprise, à l’image de la courroie de transmission d’un moteur de voiture. Du coup, des leaders en viennent à diriger d’autres leaders, et ce de manière coordonnée et constructive, et ce, sans que ce soit toujours les mêmes qui dirigent.
«Le leadership, c’est l’art d’influencer les autres, dit justement Lyne Chabot, chargée de cours en leadership aux HEC Montréal, sur LinkedIn. Pour ce faire, le leader a besoin de compétences diverses : savoir résoudre les problèmes, avoir un bon jugement social, être motivé, etc.».
Bien entendu, cela ne peut pas se faire du jour au lendemain. Il est vital de poser au préalable ce que les deux chercheurs espagnols dénomment «les Fondations du Nouveau Leadership». Il faut commencer par adopter certaines valeurs :
> La volonté réelle de transformer les choses;
> Une même vision partagée par tous les leaders;
> Un véritable esprit d’équipe;
> Une mission claire et réaliste.
Diane Cloutier, directrice, développement stratégique et ressources humaines, aux Fonds régionaux de solidarité FTQ, considère ainsi que la haute-direction de l’entreprise doit être directement impliquée dans le processus : «Elle doit donner sa propre définition du leadership et (trouver le moyen de vérifier que celle-ci est adoptée par tous). (…) Cette définition doit être intégrée aux opérations de reconnaissance (du mérite des employés), par exemple lors des remises de prix ou des attributions de promotions», indique-t-elle sur LinkedIn.
Par la suite, il faut mettre en place trois fondamentaux, à savoir :
1. L’Unité. «Tous les leaders doivent puiser leur leadership à la même source», indiquent les deux chercheurs en guise d’explication. Un exemple permet de saisir ce qu’est l’Unité : le soccer. Dans une équipe de soccer, le leadership n’est jamais entre les mains d’un seul joueur, il est diffusé parmi tous ceux qui sont sur le terrain. Le leader, c’est celui qui a le ballon. Les autres se positionnent alors en fonction de lui, dans le but de mener à bien la mission de tous, soit inscrire un but. Et dès que celui qui a le ballon le passe à un autre, mieux placé que lui pour déjouer leurs adversaires, il lui transmet en même temps le leadership.
Certes, certains diront qu’il y a très souvent un joueur meilleur que les autres dans une équipe, et que c’est lui le vrai leader tout au long du match. Mais cette vision est réductrice : en y regardant de plus près, on constate que les meilleures équipes ne sont pas celles qui ont un joueur vedette, mais celles dans lesquelles règne un esprit d’équipe exeptionnel. Un exemple : qui sont les actuels champions du monde de soccer? La réponse : les Espagnols, qui étaient loin d’être les favoris au départ de la compétition, mais qui rayonnaient d’un tel bonheur en jouant ensemble qu’ils sont parvenus à défaire des équipes meilleures que la leur, du moins sur le papier d’avant-match…
«Être un leader, c’est avoir le goût de faire la différence… Être un leader, c’est l’art d’influencer son équipe dans les petites choses de la vie afin d’en réaliser de grandes… Être un leader inspirant, c’est se connaître, connaître chacune de nos forces qui nous distinguent et en faire profiter son équipe, en faisant preuve de cohérence et d’authenticité», estime d’ailleurs Nancy Deroy, présidente de Deroy Cabinet Coaching.
2. La Participation. Une communication active et constructive doit être établie entre les leaders pour que tout fonctionne bien. Par exemple, il est nécessaire que les uns et les autres se donnent souvent du feedback, sans hésiter à aborder les problèmes et autres ratages. Et se donner une tape dans le dos, de temps en temps, ne fait pas de mal…
«Oui, il a besoin d’un feedback désintéressé, honnête et constructif sur son leadership», souligne Frank Stell, coach à l’Association Mentoring, Coaching & Training, à Genève (Suisse).
«Tout leader a besoin de compétences relationnelles et d’exceller dans la communiation (savoir écouter, décoder les gens, etc.). Il doit savoir reconnaître les talents des autres et bien les mettre à contribution. Il doit inspirer et savoir où il s’en va (vision), puis il doit rallier les gens», ajoute Magali Legault, coach consultante.
Patrick Leroux, coach de ResultAction, abonde dans le même sens : «Il doit créer une vision à laquelle il croit passionnément, la communiquer à son équipe, et guider et soutenir celle-ci dans la concrétisation de sa vision», dit-il.
3. La Durabilité. Pour que le nouveau type de «courroie de transmission» ne lâche pas d’un coup, il faut veiller à ce que celle-ci tourne sans accroc, et surtout ne s’use pas à un endroit pour se renforcer ailleurs. Concrètement, cela veut dire qu’il faut faire attention à ce que l’un des leaders ne profite pas de la situation pour prendre de plus en plus de pouvoir. C’est un réflexe chez certains, mais qui, là, peut créer de graves ennuis à l’entreprise…
De fait, «un leader doit avant tout être quelqu’un de généreux et d’empathique», d’après Yves Ferré, dirigeant de Mutaction, à La Rochelle (France).
Intéressant, tous ces commentaires, n’est-ce pas? Ainsi, un leader doit faire preuve d’une grande qualité, le courage, selon Marie-Claude Collette, dirigeante de Marie-Claude Collette-Services de coaching : «Le courage de prendre les décisions qui s’imposent, et ce, avec clarté, conscience et… humilité». «C’est bien vrai, Marie-Claude, le courage est un facteur déterminant. Il y en a d’autres aussi, je pense au cran et au flair», lui dit Iounes Toumi, chargé d’études à la Banque algérienne du développement rural. Ce à quoi Alexandre Moreau, conseiller en ressources humaines de L’Oréal Canada, ajoute : «Un leader peut adopter plusieurs styles, en fonction de la situation. Pour ma part, un bon leader est visionnaire, stratège, excellent communicateur, négociateur et mobilisateur».
Marie-Josée Bélanger, consultante en ressources humaines, de Zone RH, résume tout cela d’une belle phrase, me semble-t-il : «Un leader ne peut dire qu’il est un leader, ce sont les autres qui le disent de lui»…
Et vous? Qu’en pensez-vous? Avez vous votre propre idée de ce que doit être le leader de demain, pour ne pas dire d’aujourd’hui? Si oui, n’hésitez pas à entrer dans la discussion en cours sur LinkedIn!
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