HELSINKI – C'est en fouinant dans les étagères de guingois de Lanterna Magica, un bouquiniste du quartier Kruununhaka de la capitale finlandaise, que j'ai mis la main sur une petite rareté. Il s'agit du roman The 30 Years' War d'Henrik Tikkanen (A Bison Book, 1987), rehaussé des illustrations de l'auteur.
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Henrik Tikkanen? Finlandais d'expression suédoise, il a été tout à la fois romancier, journaliste, dessinateur et peintre. Il est ici célèbre pour son humour corrosif, que l'on retrouve tant dans ses écrits que dans ses caricatures. Un humour très similaire, pour ceux qui connaissent, à celui de l'écrivain Arto Paasilinna, qui a écrit, entre autres, Le Lièvre de Vatanen, La Cavale du géomètre ainsi que Le Potager des malfaiteurs ayant échappé à la pendaison. On pourrait même dire que Paasilinna est le digne héritier de Tikkanen...
Dans le livre que j'ai trouvé chez le bouquiniste, il est question de l'histoire extraordinaire du soldat finlandais Viktor Käppärä, lequel s'est retrouvé à faire la guerre tout seul pendant... 30 ans! Loin, très très loin dans les forêts finlandaises, en pleine Seconde Guerre mondiale, il est assigné par son supérieur à un poste de surveillance : il lui faut prévenir l'unité si jamais il voit des soldats de l'Armée rouge progresser vers lui.
Mais voilà, dès le lendemain, la fin de la guerre est déclarée et le supérieur, qui est l'unique personne à savoir où est le soldat Käppärä, se livre aussitôt dans une beuverie monumentale dont il ne se remettra jamais. Résultat? Le soldat Käppärä reste fidèle au poste, oublié de tous, et tire sans pitié sur tout humain qui s'approche de lui, croyant qu'il s'agit de «salauds de communistes».
Durant trois décennies, cet homme se trouve coupé de la civilisation. Il s'organise pour survivre, un peu comme Robinson Crusoe, et cela fait, il écrit des lettres à sa mère, dans l'espoir qu'un jour il pourra les lui faire parvenir. Il attend. Il attend la relève. Il attend des nouvelles. Ce qui le fait tenir? Sa fierté de remplir la mission qui lui a été attribuée.
Mais surtout, le soldat Käppärä a tout son temps pour méditer. Pour réfléchir à ses compatriotes, pour songer à la vie qu'ils mènent à l'arrière, pour affiner sa vision du monde et des autres. Peu à peu, il se détache de ce à quoi nous accordons tant d'importance, et qui pourtant compte en réalité si peu. Il chemine sur les sentiers de la sagesse, sans en avoir vraiment conscience : il sent bien que toutes ces réflexions le transforment, mais cela le préoccupe de moins en moins, à mesure que le temps passe. Il apprend à se laisser vivre. Bref, à lâcher-prise. Vous l'avez compris, c'est là que je voulais en venir...
Cet enseignement, on le trouve en filigrane dans nombre d'écrits d'Henrik Tikkanen. C'est que celui-ci prisait les aphorismes, ces petites phrases qui pétillent d'intelligence, en prêtant à sourire comme à réfléchir. Il aimait à les semer ici et là, j'en ai d'ailleurs déniché plusieurs, à droite et à gauche, que je m'empresse de partager avec vous. Car je sais qu'elles pourront vous être utiles tant dans la vie quotidienne qu'au travail.
À noter que je vais vous laisser le temps de bien les savourer. En fait, tout le temps qu'il me faudra pour rédiger mon reportage sur le design thinking en Finlande. Dès que j'aurai fini, je recommencerai à bloguer. Promis. À bientôt, donc!
Aphorismes d'Henrik Tikkanen
«Chaque fois qu'on a raison, on se fait un ennemi.»
«L'humanité est toujours prise entre un avenir meilleur et le bon vieux temps.»
«Essaie d'oublier tes soucis comme tu oublies ceux des autres.»
«Seuls les menteurs se vantent de dire la vérité, les gens honnêtes s'efforcent de mentir le moins possible.»
«Les bons conseils ne sont pas toujours si mal intentionnés que ça.»
«Je suis devenu si distrait que je ne remarque plus ce que j'oublie.»
«J'ai tout vu dans ma vie, mais hélas je n'ai pas regardé de très près.»
«Le progrès nous éloigne chaque jour d'un monde meilleur.»
«Celui qui veut dire la vérité doit faire preuve de beaucoup d'imagination.»