BLOGUE. Quel que soit le domaine dans lequel on travaille, la fidélité est un élément primordial du succès. Tout commerçant rêve d'une clientèle fidèle. Tout manager prie pour disposer d'une équipe qui lui est fidèle. Tout blogueur fantasme sur un lectorat fidèle. Etc. Mais voilà, comment s'y prendre pour rendre autrui fidèle? Et par-delà cette interrogation, existerait-il une recette miracle pour déclencher la fidélité des gens, un peu à l'image des légendaires philtres d'amour?
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Certaines personnes malveillantes vous assureront que oui, des recettes miracles existent. Qu'envoûter les autres tient en grande partie à vous-même et un peu à quelques trucs pour les rendre fous d'amour. Que les premiers liens noués, s'ils sont bien faits, le sont pour toujours. Blah blah blah. Mon conseil : n'écoutez pas ces pseudo-gourous, prêts à vous vendre leurs boniments au prix fort.
Pourquoi? Parce qu'il n'y a pas de recette miracle en matière de fidélité. Et ce, même si au fond de vous-même vous pensez peut-être que si, qu'il y a bel et bien des astuces qui permettent de rendre une personne fidèle. Pas vrai?
L'intéressant, en fait, c'est de savoir pourquoi nous avons cette petite croyance en nous selon laquelle on peut déclencher la fidélité chez quelqu'un. Parce que nous voulons toujours furieusement croire aux miracles, un peu comme une réminiscence du Père Noël? Parce que quelque chose en nous nous dit que la fidélité ne tient pas à la raison, mais à la passion? Et donc qu'elle peut être activée «à notre insu»?
Touché! Si telle est votre intuition, eh bien, je peux vous dire qu'elle est bonne. Oui, l'être humain est doué pour la fidélité. Oui, cette dernière fait partie intégrante de nous. Reste à mettre en place les conditions nécessaires pour la voir naître et grandir.
Plus précisément, il n'y a pas de recette miracle, qui marcherait à tous les coups sur n'importe qui, mais plutôt une méthode, qui peut être appliquée sur les individus, sachant que son efficacité est variable. Cette méthode n'est pas de mon crû, je l'ai dénichée dans une étude intitulée Creating loyalty in collective hedonic services: The role of satisfaction and psychological sense of community. Celle-ci est signée par Jan Drengner, professeur de marketing à la Chemnitz University of Technology (Allemagne), assisté de son élève Steffen Jahn, et par Hansjörg Gaus, chercheur au Center for Evaluation de la Saarland University (Allemagne).
Ainsi, les trois chercheurs ont noté que nombre d'études indiquent que la fidélité d'un client à l'égard d'une marque résulte de la satisfaction qu'il retire de ses produits ou services. Si une personne est fidèle à Nike, Adidas ou Reebok, c'est parce qu'elle aime leurs chaussures (leur design, leur confort, etc.). Idem, avec Coca-Cola et Pepsi, McDonald's et Burger King, Starbucks et Tim Hortons, etc. Et ils se sont demandés si c'était si vrai que ça.
Osé, n'est-ce pas? Prendre le contre-pied de ce qui est devenu aujourd'hui presque une idée reçue, ce n'est pas tout le monde qui a le cran de le faire…
MM. Drengner, Jahn et Gaus ont donc décidé de considérer l'hypothèse que d'autres facteurs que la satisfaction dans le déclenchement de la fidélité d'un client envers une marque. Après réflexion, ils en ont retenu un seul, qui leur semblait a priori porteur : le sentiment d'appartenance à une communauté. Par exemple, on peut imaginer qu'un féru de Nike ne l'est pas rien que parce qu'il considère Nike comme le fabricant des meilleures chaussures de sport, mais aussi parce qu'il affiche en les portant son appartenance à une communauté, celle des fans de Nike ; une communauté dont il est très fier de faire partie.
Pour le vérifier, les chercheurs allemands se sont intéressés à un festival de hip-hop qui se tient tous les ans en Allemagne et qui attire quelque 20 000 personnes durant les trois journées de l'événement. Ce festival permet d'assister à des concerts, ainsi qu'à des compétitions de breakdance, de graffiti et de skateboard. Là, ils ont demandé à 444 personnes ce qui les motivaient à venir au festival, à l'aide d'un questionnaire détaillé.
Résultat? «Le sentiment d'appartenance à une communauté joue indéniablement un rôle dans la fidélité des festivaliers, et même un rôle plus important que celui de la satisfaction», est-il affirmé dans l'étude. Et les chercheurs de préciser : «Contrairement à ce qu'on aurait pu croire a priori, la satisfaction retirée du festival lui-même entre très peu en ligne de compte dans la fidélité des festivaliers».
Intéressant, non? Nous croyons, en général, que pour fidéliser une personne, il faut avant tout lui offrir une moment qui sort de l'ordinaire, pour ne pas dire inoubliable, et l'assurer par la suite que nous sommes en mesure de lui faire revivre ce moment magique à plusieurs reprises. Et nous nous trompons lourdement. Car nous prenons un raccourci erroné.
En fait, ce qui compte vraiment, ce n'est pas le moment magique, mais le lien noué entre soi et autrui. Quand une marque parvient à avoir un premier contact avec une personne, il y a la promesse, si l'union se forme, de permettre au nouveau client d'intégrer une grande famille, à savoir celle de tous ceux qui aiment déjà la marque. Et c'est cette promesse qui vaut plus que tout. Rien d'autre, ou presque.
D'où vient l'erreur, dans le fond? De notre ego. Quand quelqu'un se met à nous aimer et à nous rester fidèle, nous croyons que c'est parce que nous le valons bien. Mais en fait, cette personne s'est intéressée à nous davantage parce que le fait de nous côtoyer lui ouvre un tout nouveau champ de possibilités, champ dans lequel elle sent qu'elle pourra s'épanouir. Désolé si tout cela heurte votre ego. Mais c'est la réalité…
Maintenant, quelles implications cette étude a-t-elle pour les managers? MM. Drengner, Jahn et Gaus estiment qu'on peut en déduire une méthode pratique pour tenter de fidéliser au mieux chaque membre de son équipe. La méthode des «4 C» :
1. Convivialité. Le leader doit offrir aux autres un espace de vie permettant à chacun d'évoluer sur le plan professionnel. Et surtout, d'évoluer à l'aide de ses interactions avec ses coéquipiers. Cela peut passer par des bureaux où les discussions informelles sont faciles à avoir, par des périodes de temps où chacun peut réfléchir seul ou avec d'autres, etc.
2. Collectivité. Le leader doit offrir des activités communes qui sortent de l'ordinaire, qui permettent à chacun d'exprimer son talent, qui incitent les uns et les autres à s'entraider. Il doit aussi voir d'un bon œil le fait que certains aient envie de nouer des liens d'amitié avec d'autres, en dehors du bureau.
3. Cohésion. Le leader doit veiller à ce que chacun s'accorde avec les autres, tant du point de vue du caractère que des compétences professionnelles. Il faut qu'il se soucie avant tout de l'esprit d'équipe, et non des petites priorités personnelles des uns et des autres.
4. Coordination. Le leader doit coordonner les efforts de chacun pour que tous convergences dans le même sens. C'est quand chacun met adéquatement l'épaule à la roue que naît la sensation d'agir de concert.
Et voilà. C'est aussi simple que ça.
En passant, Jim Morrison, le chanteur des Doors, a dit, un jour, dans une entrevue : «L'extension logique de l'ego, c'est Dieu»…
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