J'ai eu la chance de rencontrer cette semaine la designer américaine Jessica Walsh, lors de la Journée RDV_Design organisée par le magazine Grafika. Pour ceux qui n'ont jamais entendu parler d'elle, il s'agit d'une jeune prodige du design, qui croule sous les prix, tous plus prestigieux les uns que les autres : "Top Rising Star in Design" du magazine Computer Arts, ou encore "25 under 25 Envy List" du magazine L.
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Mais surtout, il s'agit de la cofondatrice du studio new-yorkais Sagmeister & Walsh, qui lui a permis de s'unir professionnellement en 2012 avec la star du design Stefan Sagmeister, réputé pour ses travaux pour, entre autres, les Rolling Stones, le chanteur Lou Reed et le musée Guggenheim. Une vedette qu'on pourra – à bon entendeur, salut! – voir au prochain événement C2-MTL.
Jessica Walsh a dévoilé à l'assistance quelques-uns de ses petits secrets pour briller par sa créativité. Des secrets fort simples a priori, mais qui dissimulent en vérité une audace folle. C'est ce qu'elle appelle la "créativité spontanée".
La créativité spontanée? C'est un moyen d'exprimer sa créativité la plus profonde, celle que nous avons tous en nous mais que nous avons en général tant de mal à retrouver tant elle est dissimulée. C'est un moyen de faire – enfin! – sauter toutes les barrières qui nous empêchent d'oser. Bref, c'est une forme de créativité à laquelle nous pouvons tous recourir, si jamais nous désirons innover furieusement. Comme elle. Et comme son partenaire et maître Stefan Sagmeister.
Le principe est simple. Il suffit de suivre trois règles. Et de s'y tenir, quoi qu'il advienne.
1. Jouer
«Nombre d'études montrent que l'être humain est fait pour jouer, dit-elle. Ça permet à notre cerveau de se développer. Ça nous permet d'acquérir des connaissances utiles à notre survie au quotidien. Ça nous permet d'apprendre à perdre et à en tirer des leçons. Ça nous permet aussi de nous amuser, d'être heureux dans la vie. À l'époque, je ne m'en rendais pas compte, mais j'apprenais beaucoup quand je jouais des heures et des heures durant aux jeux vidéos comme Halo.
«Pour innover vraiment, il faut donc commencer par jouer. Par ce mettre dans un état d'esprit particulier, celui qu'on a lorsqu'on joue. Comme lorsqu'on était un gamin : on est à fond dans le jeu, plus rien d'autre ne compte que l'instant présent, toute notre énergie est concentrée sur ce que l'on fait. On prend donc ça au sérieux, en ayant en tête qu'on a un but à atteindre.
«Plusieurs conditions doivent être réunies pour pouvoir innover, exactement comme lorsqu'on joue à un jeu qui nous plaît :
- Confiance en soi. «Quand on joue, on donne le meilleur de soi. On veut gagner, ou du moins atteindre le but visé. Et ce, même si l'on sait qu'on peut très bien perdre. L'échec ne doit pas nous paralyser, au contraire, il doit être accepté, et même apprécié. Il doit être perçu comme un stimulant. Ou un aphrodisiaque, si vous voulez.
- Persévérance. «La clé du succès, c'est la persévérance. Les plus grands inventeurs ont toujours pris le temps nécessaire pour faire leur trouvaille. Ils n'ont jamais rechigné à travailler, travailler et travailler encore.
- Humour. «Créer, c'est établir des connexions entre les choses. Des connexions auxquelles personne n'avait jusqu'alors pensé. Et on sait qu'on vient de mettre au jour une connexion intéressante lorsqu'elle déclenche en nous un rire. Là, on sait qu'on tient quelque chose.»
2. Établir ses propres règles
«Les bons jeux ont tous de bonnes règles. Ces dernières sont nécessaires, car – on le sait bien – la créativité a besoin de contraintes pour s'exprimer au mieux.
«Cela étant, respecter les règles établies ne permet pas d'innover radicalement. Il faut les transcender. Il faut, en fait, établir ses propres règles.
«Qu'est-ce que ça signifie concrètement? Qu'on peut, par exemple, considérer une règle établie et décider, délibérément, de la transgresser. Juste celle-là. Pour voir.
«Il y a une vingtaine d'années, Stefan avait créé son propre studio, Sagmeister Inc. Pour l'annoncer à tout le monde, il avait envoyé un peu partout une carte postale sur laquelle on le voyait nu, avec un cache-sexe noir. Le message implicite était : «Je propose à mes clients un seul concept, le meilleur, le plus simple, celui qui va à l'essentiel. En voici la preuve». Ça avait fait sensation. En 2012, pour annoncer la création de Sagmeister & Walsh, nous avons refait la même photo, à ceci près que lui et moi étions entièrement nus. Vous ne pouvez pas imaginer le retentissement que ça a eu…»
3. Briser ses propres règles
«Une fois quelques règles établies transgressées, vous vous retrouvez donc avec vos propres règles. Vous explorez ce qu'elles permettent de faire. Vous les explorez dans tous les sens. Et vous commencez grâce à cela à faire de nouvelles connexions.
«C'est bien, mais insuffisant pour innover radicalement. Pour atteindre la créativité spontanée, il vous faut alors briser vos propres règles!
«Comment? En vous recentrant sur vous-même. Cela peut se faire de différentes façons. Deux exemples :
- Écartez l'ordinateur et munissez-vous d'un crayon et de feuilles de papier. Autrement dit, utilisez vos mains, pensez avec vos mains. Vous verrez alors les choses sous un nouvel angle, plus personnel. C'est comme ça que nous avons créé la campagne d'Edp.
- Faites sauter les barrières entre la vie privée et le travail. Car il y a dans votre vie privée des choses essentielles pour votre vie professionnelle, et vice versa. C'est comme ça que j'ai eu l'idée de 40 days dating : je ne trouvais pas l'âme sœur, et mon meilleur ami non plus, nous avons alors eu l'idée de nous draguer pendant un mois et demi, histoire de voir si on était fait pour aller ensemble, ou pas. Et nous avons fait ça en mettant tout sur les médias sociaux, comme on l'aurait fait pour un client. Le succès a été tel que les médias en ont parlé (CNN, etc.) et que Warner Bros a acquis les droits de notre histoire pour en faire un film au cinéma! Et surtout, Timothy et moi sommes toujours ensemble depuis…»
Voilà. La créativité spontanée est désormais à votre portée. Reste à oser s'exposer au maximum pour pouvoir faire sauter toutes les barrières qui nous empêchent de briller comme jamais.
En passant, Thomas Mann a dit dans Le docteur Faust : «Être jeune, c'est être spontané, rester proche des sources de la vie, pouvoir se dresser et secouer les chaînes d'une civilisation périmée, oser ce que d'autres n'ont pas eu le courage d'entreprendre; en somme, c'est se replonger dans l'élémentaire».
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