Ça vous est sûrement déjà arrivé. Alors que vous racontiez une histoire passionnante, votre interlocuteur – votre boss ou un collègue – a jeté un coup d'œil rapide à son cellulaire, s'est immobilisé deux secondes, puis a appuyé sur un bouton et dit «C'est bon, continue». Mais vous avez vu à son regard qu'il n'était alors plus vraiment attentif à ce que vous lui disiez. Ses pensées étaient à moitié ailleurs. Et vous vous êtes dit que mieux valait mettre fin à la discussion.
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J'en suis sûr et certain, cette anecdote est aussi la vôtre. Pis, il vous est peut-être même arrivé d'être celui qui n'a pu s'empêcher de regarder son cellulaire, et qui a ainsi, bien involontairement, décroché de la discussion, voire tué celle-ci. Pas vrai?
Maintenant, je vous invite à y réfléchir un peu plus… Essayez de répertorier le nombre de fois où ce scénario s'est produit, disons durant la semaine qui vient de s'écouler. Une fois? Deux fois? Cinq fois? Dix fois? Effarant, n'est-ce pas? Eh bien, sachez qu'il s'agit là d'un phénomène plus dangereux qu'on ne croit a priori, un phénomène auquel des chercheuses viennent de donner le nom d'«effet iPhone».
C'est ce que j'ai appris grâce à une étude intitulée The iPhone effect: The quality of in-person social interactions in the presence of mobile devices. Celle-ci est signée par : Shalini Misra, professeure de gestion urbaine à Virginia Tech (États-Unis), assistée de ses étudiantes Jamie Genevie et Miao Yuan; et Lulu Cheng, statisticienne au Statistical Technology Center de Monsanto (États-Unis). Voici de quoi il retourne…
Les quatre chercheuses ont invité 200 personnes volontaires à se prêter à une petite expérience. Il s'agissait juste pour chaque participant de s'asseoir à une table d'un café et de jaser pendant dix minutes avec un autre participant, choisi au hasard. Le thème de la discussion était imposé: pour la moitié des binômes, il fallait parler des sapins de Noël en plastique (discussion futile); pour l'autre, des événements les plus marquants de l'année écoulée (discussion sérieuse). Et c'était tout!
Ce que les participants ne savaient pas, c'était qu'un expérimentateur les observait en douce depuis une table voisine. Celui-ci surveillait une seule chose: l'un des membres du binôme allait-il sortir son cellulaire pour le mettre sur la table ou pour le tenir à la main durant les dix minutes? Enfin, une fois le temps imparti écoulé, chacun devait remplir un questionnaire permettant de savoir ce qu'il avait pensé de la discussion qu'il avait eue.
Résultats? Saisissants :
> Proximité. Dans les discussions où un cellulaire a été posé sur la table ou tenu en main, les deux personnes se sont senties moins connectées entre elles que dans les autres discussions. C'est-à-dire qu'elles étaient moins proches l'une de l'autre. Et ce, peu importe le type de discussion (futile ou sérieuse).
> Empathie. Dans les discussions où un cellulaire a été posé sur la table ou tenu en main, les deux personnes se sont senties moins empathiques envers elles que dans les autres discussions. C'est-à-dire qu'elles étaient chacune moins intéressées par ce que disait l'autre. Et ce, peu importe le type de discussion (futile ou sérieuse).
«Pour qu'une conversation soit riche, il faut que les deux personnes puissent échanger des informations verbales et non-verbales. Or, dès qu'un cellulaire devient visible, il y a moins de contacts visuels entre les deux personnes. Chacun rate plus souvent des gestes corporels, des expressions du visage ou des changements de ton qui sont on ne peut plus révélateurs. Et ce, parce que l'attention n'est plus vraiment là, elle est également sur ce qu'on attend du cellulaire: un appel, la sonnerie d'un tweet ou un cœur pour la dernière photo mise sur Instagram», explique Shalini Misra.
Que retenir de tout cela? Ça me paraît évident :
> En entretien, bannissez tous les cellulaires. D'entrée de jeu, rangez ostensiblement votre cellulaire dans une sacoche ou dans un tiroir – et pas dans la poche de votre pantalon ou de votre veste, car son contact physique vous ferait penser à lui, de temps à autres. Et demandez à votre interlocuteur d'agir de même. Votre discussion sera ainsi vraiment riche, pour l'un comme pour l'autre.
> En réunion, bannissez tous les cellulaires. Placez toujours un petit panneau d'interdiction de cellulaire au milieu de la table de réunion. Cela rappellera à chacun de ranger son cellulaire dans une sacoche, et à force, de venir sans lui. Les fruits que vous tirerez de ces réunions-là seront dès lors on ne peut plus onctueux, c'est garanti.
En passant, le comédien français Fabrice Luchini aime à dire : «Quand je vois tous ces gens qui se promènent ou mangent en téléphonant, tout en gardant un œil sur la Bourse, ça me paraît l'image même de la barbarie».
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