Objectifs. Oui, les fameux objectifs. Nous courrons tous après, jour après jour, en en atteignant certains de temps à autres, pour notre plus grande joie. Mais aussi en en ratant nombre d'entre eux, pour notre plus grande peine. Et dès qu'on en a terminé avec l'un d'entre eux, un nouveau surgit aussitôt à nos yeux. Comme le phénix qui renaît éternellement de ses cendres.
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Il y a toutes sortes d'objectifs. Les audacieux. Les utopistes. Les merveilleux. Les irréalistes. Les judicieux. Les idéalistes. Mais, à bien y regarder, il convient de s'interroger à leur sujet : lesquels sont vraiment motivants? Autrement dit, quels sont les objectifs qui nous poussent effectivement à donner notre 110% pour l'atteindre, en ayant toujours la conviction qu'on va y arriver même si c'est difficile, en ne pensant pas une seule seconde à baisser les bras même si la barre est haute?
Impossible à dire, pensez-vous probablement. Eh bien, tenez-vous bien, car j'ai une bonne nouvelle pour vous : il y a bel et bien moyen de doser un objectif pour le rendre motivant, et non pas décourageant parce que trop ambitieux ou trop modeste. Ce moyen, je l'ai déniché dans une étude intitulée Goals as reference points in marathon running: A novel test of reference-dependence. Une étude signée par : Alex Markle, professeur de management à l'École de commerce Gabelli à New York (États-Unis); George Wu, professeur de science du comportement à l'École de commerce Booth à Chicago (États-Unis), assisté de son étudiante Rebecca White; et Aaron Sackett, professeur de marketing à l'École de commerce Opus à Minneapolis (États-Unis).
Les quatre chercheurs ont demandé à 1 633 coureurs de marathon expérimentés de bien vouloir se prêter à une petite expérience. Il s'agissait juste de répondre à des questionnaires détaillés avant et après un marathon important à leurs yeux, sachant que celui-ci devait figurer parmi l'un des 20 marathons les plus réputés aux États-Unis (marathon de New York, marathon de Boston, marathon de Chicago, etc.). À leur insu, les participants à l'expérience ont été placés dans des conditions différentes :
– Aucune interrogation sur les objectifs personnels. Pour certains, aucune question ne leur a été posée par rapport à leurs objectifs pour la course en question.
– Une seule interrogation sur les objectifs personnels. Pour d'autres, il leur a été demandé une seule fois d'indiquer leurs objectifs pour la course en question, deux semaines avant le départ. Des objectifs en termes de temps (ex.: «Mon objectif est de franchir les 42,2 km en moins de 2h20min, ce qui est mon record personnel»), mais pas seulement (ex.: «Mon objectif est de me classer parmi les 200 premiers»).
– Deux interrogations sur les objectifs personnels. Pour les autres, il leur a été demandé deux fois d'indiquer leurs objectifs pour la course en question : une première fois six semaines avant celle-ci, et une seconde fois deux semaines avant le départ.
Les questionnaires visaient à glaner le maximum d'informations possible sur les attentes des marathoniens ainsi que sur la satisfaction – ou la déception – qui découlerait de leur performance. Et donc, à analyser la manière dont les meilleurs se motivaient pour atteindre leurs objectifs.
Résultats? Riches d'enseignement, comme vous allez vous en rendre compte :
> Un objectif trop ambitieux nuit. Plus un objectif est ambitieux, plus la peur d'échouer est grande. Or, ce n'est pas parce que cette peur-là est grande que la performance du coureur sera meilleure. Par conséquent, il est nuisible de se fixer un objectif trop ambitieux.
> Plusieurs objectifs parallèles sont bénéfiques. Avoir plusieurs objectifs à la fois permet de retirer une plus grande satisfaction des efforts fournis. Par exemple, un coureur sera satisfait d'avoir couru un marathon dans la fourchette de temps qu'il envisageait au départ, et il sera encore plus satisfait si, par la même occasion, il bat son record personnel, comme il l'espérait avant de se lancer dans la course.
> Une émotion toujours moins forte qu'anticipé. Qu'un coureur atteigne, ou pas, l'un de ses objectifs, la satisfaction – ou la déception – qu'il en retire est toujours moindre que celle qu'il imaginait au départ. Avant de s'élancer, il se faisait une fête de, par exemple, figurer parmi les 200 premiers, mais une fois cela fait, il ne bondira pas tant de joie que ça. Il ressentira surtout un sentiment d'accomplissement, sur le moment, puis il se dira assez vite que, la prochaine fois, il lui faudra se classer dans les 175 premiers. Idem, en cas d'échec, il sera plus prompt à s'en remettre que ce qu'il imaginait a priori.
Que retenir de tout cela? Ceci, à mon avis :
> Qui entend se fixer un objectif vraiment motivant doit, en réalité, se fixer plusieurs objectifs parallèles. Comment? En s'inspirant de la méthode des meilleurs marathoniens, qui se disent avant le départ non seulement qu'il leur faut courir les 42,2 km dans une fourchette de temps réaliste et hardie à la fois, mais aussi qu'il leur faut battre leur record personnel par la même occasion. À noter que, pour savoir où ils en sont par rapport à leurs objectifs ultimes, les champions se fixent aussi des objectifs intermédiaires (au 15e km, au 20e km, au 25e km, etc.), comme autant d'étapes leur indiquant si leurs efforts sont bien dosés, ou pas.
Maintenant, comment s'y prendre pour se fixer de bons objectifs parallèles? C'est-à-dire qui ne soient ni trop hauts ni trop bas? «Ces objectifs doivent être simultanément réalistes et audacieux», expliquent les chercheurs dans leur étude. Et pour doser ces deux caractéristiques, il faut tenir compte de la satisfaction que l'on en retirera si jamais on atteint nos objectifs : est réaliste ce qui est en droite ligne avec nos performances passées ; et est audacieux ce qui nous procurera, en cas de succès, une joie immense.
Voilà. La meilleure des motivations est donc celle qui naît du juste équilibre entre réalisme et audace. C'est aussi simple que ça.
En passant, le dramaturge français Prosper Jolyot de Crébillon a dit dans Catilina : «Le succès fut toujours un enfant de l'audace».
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