BLOGUE. Vous vous souvenez sûrement de ce qui s'est passé pour l'équipe de baseball des Spiders de Cleveland durant la saison de 1899. (Je plaisante!) Je vais vous le dire : ils ont joué 154 parties et en ont perdu… 134. Un cauchemar! Un cauchemar tel qu'ils ont pris la décision en cours de saison de ne plus jouer à domicile, vu que les spectateurs avaient complètement déserté les gradins. Et tel que l'équipe s'est dissoute à la fin de la saison, si bien qu'il n'y a plus eu de parties de la Ligue nationale à Cleveland au tout début du 20e siècle.
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Personne ne souhaite vivre ça. Accumuler les défaites, ressentir le rouge de la honte sur son visage, suer à grosses gouttes à chaque instant, et finir par se dire qu'on est la mauvaise personne au mauvais endroit au mauvais moment. L'enfer au quotidien.
Y a-t-il moyen de renverser la tendance? Un truc éprouvé pour faire face à ce genre de situation extrême? Pour le savoir, il convient de se pencher sur la psychologie du loser. C'est justement l'objet d'une étude intitulée Last-place aversion: Evidence and redistributive implications. Celle-ci est signée par : Ilyana Kuziemko, professeure de finance et d'économie à Columbia (États-Unis); Taly Reich, étudiante en comportement organisationnel à Stanford (États-Unis); ainsi que Ryan Buell et Michael Norton, tous deux professeurs de gestion des affaires à Harvard (États-Unis).
Les quatre chercheurs ont procédé à plusieurs expériences visant à analyser la réaction de ceux qui ont peur de perdre, et donc d'être perçus comme des losers. Dans la principale, ils ont demandé à 84 volontaires de se prêter à un petit jeu. Il s'agissait de faire des paris d'argent, en choisissant à chaque fois entre deux sortes de paris :
> Aucun risque, petit gain. «Gagnez 0,13 dollar avec une probabilité de 100%».
> Faible risque, gros gain ou grosse perte. «Gagnez 0,50 dollar avec une probabilité de 75% et perdez 1 dollar avec une probabilité de 25%».
Point important : tout le monde n'était pas logé à la même enseigne. Certains avaient l'avantage de partir avec un pécule de départ de 3 dollars, d'autre, de 2,75 dollars, et ainsi de suite à raison d'une diminution de 25 cents jusqu'au dernier niveau, à 1,75 dollar. Ainsi, il y avait dès le départ des riches et des pauvres.
Qu'est-il ressorti de ce petit jeu? Un enseignement fort instructif…
> Les pauvres – c'est-à-dire les losers potentiels – ont pris nettement plus de risques que les autres.
«On peut vraisemblablement attribuer ce comportement au fait que les losers potentiels ont été fouettés par l'énergie du désespoir. Ils craignaient tellement de finir parmi les derniers qu'ils ont joué le tout pour le tout», dit Mme Kuziemko.
Dans une autre expérience, les joueurs étaient regroupés par six et classés du plus riche (6 dollars) au plus pauvre (1 dollar). Cette fois-ci, chacun devait décider à qui il donnait une partie de son argent (la somme était imposée et déterminée en fonction de la position du joueur dans le classement), son choix devant porter sur la personne tout juste plus riche ou tout juste moins riche que lui. Résultat?
> Tous les joueurs se sont montrés charitables, donnant de l'argent aux moins riches qu'eux. À une exception près : les avant-derniers.
«La moitié des avant-derniers – ce qui est considérable – ont préféré donner leur argent aux plus riches qu'eux pour la simple raison qu'ils ne voulaient pas se voir rattrapés par les derniers, et ainsi devenir eux-mêmes des losers», indique la professeure de Columbia.
Par conséquent, la peur de perdre nous fait nous démener comme des fous pour ne pas perdre. Quitte à agir contrairement à nos habitudes. Quitte à prendre des risques démesurés. Quitte à nous montrer méchants envers les moins bien lotis que nous-mêmes.
La question saute aux yeux : «Comment tirer profit de la peur de perdre?». C'est, en fait, relativement simple : il suffit de positiver ce regain d'énergie, de transformer le négatif en positif.
Comment réussir une telle prouesse? En suivant les quatre étapes suivantes, inspirées des conseils pratiques qui figurent dans le livre Mieux vivre avec le stress (Éditions Transcontinental, 2011) du coach Dominique Chalvin :
1. Libérez votre peur. «La peur est une sorte de réflexe de survie. On se protège contre l'extérieur, prêt à attaquer ou à se défendre. La rage la plus puissante ne vient d'ailleurs pas de la colère mais de la peur, qui peut être activée par n'importe quel événement insécurisant. [La peur peut se transformer en phobie si l'on ne parvient pas à libérer l'émotion qui nous étreint]. C'est pourquoi la meilleure façon de gérer sa peur est de la libérer. En parler est souvent le moyen le plus facile pour l'évacuer.»
2. Osez pleurer. «Des études ont montré que les larmes liées au vent, au froid ou encore aux oignons sont essentiellement composées d'eau, tandis que les larmes provenant de la libération d'une vive émotion [comme la peur] sont composées à 90% de substances biochimiques toxiques. C'est pourquoi il ne faut surtout pas ravaler ses larmes : celles-ci permettent d'évacuer du stress négatif.»
3. Riez de vos malheurs. «Vous avez supprimé involontairement un fichier Excel de votre ordinateur, celui-là même où se trouvaient les informations clés de votre rapport… Au lieu de vous arracher les cheveux en songeant aux heures supplémentaires qui vous attendent, imaginez la tête de votre boss quand vous lui raconterez votre mésaventure.»
4. Dîtes adieu aux buts devenus caducs. «Au cours de la vie, nos buts et nos valeurs changent. Il arrive que des objectifs soient inatteignables, en dépit de tous nos efforts. S'accrocher à des buts qui n'ont plus lieu d'être est une perte d'énergie. Concentrez-vous plutôt sur l'avenir.»
En passant, le moraliste français Joseph Joubert a dit dans ses Carnets : «Toutes les passions aiment ce qui les nourrit : la peur aime l'idée du danger».
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