Ça ne loupe jamais. Dans chaque équipe, il y a toujours quelqu'un pourri d'égoïsme. Bien entendu, l'individu en question cache bien son jeu, il est même le champion de la dissimulation, si bien qu'on pense souvent que ceux qui manœuvrent en douce pour tirer la couverture à eux sont une rareté. Mais lorsqu'on prend la peine de bien regarder, on finit immanquablement par déceler les petits faits et gestes qui les trahissent, et on découvre dès lors qu'ils sont plus nombreux que ce qu'on imagine a priori…
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D'ailleurs, pour vous en convaincre, je vous invite à vous souvenir de la dernière fois où vous avez découvert, avec stupeur, qu'un collègue avait magouillé pour décrocher la prime ou la promotion qui était en jeu. Ou de la manière dont l'un de vos anciens bosses a connu un avancement stupéfiant, à la surprise générale. Vous voyez?
D'où l'interrogation qu'on se pose tous à partir du moment où l'on a pris conscience de la présence autour de soi de personnes foncièrement égoïstes : y a-t-il un moyen de les empêcher de sévir? Ou mieux, est-il possible de réduire l'égoïsme des uns et des autres au sein d'une équipe?
La réponse va vous plaire, j'en suis convaincu : oui, cela est possible! Comme le montre une étude intitulée Ode to the sea: Workplace organizations and norms of cooperation. Laquelle est le fruit du travail de : Uri Gneezy, professeur d'économie et de stratégie à l'École de management Rady à La Jolla (États-Unis); Andreas Leibbrandt, professeur d'économie à l'Université Monash à Clayton (Australie); et John List, professeur d'économie à l'Université de Chicago (États-Unis).
Les trois chercheurs se sont penché sur deux communautés de pêcheurs traditionnels du Brésil, distants de 50 kilomètres à vol d'oiseau. Certains pêchent en mer, à l'aide de petits voiliers, et sont plusieurs à bord. Les autres pêchent dans un lac, sur des pirogues, en solitaire.
Il a été demandé à 321 volontaires issus de l'une ou de l'autre communauté de bien vouloir participer à différentes expériences. Celles-ci consistaient en des jeux permettant d'analyser le comportement des gens face à certaines situations.
Prenons un exemple, le "Jeu du bien commun"… Chacun savait qu'il faisait partie d'un groupe de trois personnes, mais sans savoir qui étaient les autres. Il se voyait confié deux enveloppes : celle qui était indiquée "Votre enveloppe" contenait 10 points; et l'autre, "L'enveloppe de votre groupe", était vide. Le principe était simple. Il fallait décider du montant que l'on mettrait dans l'enveloppe commune, sachant que les organisateurs bonifieraient de 0,5 le montant global, avant de le redistribuer équitablement aux membres du groupe.
Par exemple, si tout le monde met ses 10 points dans l'enveloppe commune, celle-ci va grossir de 30+0,5x30=45 points, si bien que chacun va empocher 45/3=15 points. Mais, si l'un ne joue pas le jeu, ça change tout, car l'enveloppe commune sera de 20+0,5x20=30 points, si bien que les deux qui auront versé leurs 10 points vont récupérer leur mise (30/3=10 points) et l'égoïste, lui, un montant total de 10+10=20 points.
L'idée de ce jeu? Évaluer le degré d'égoïsme des uns et des autres. Car il est clair qu'il est ici "payant" de penser à soi avant de penser aux autres, mais rien ne dit dans les règles que le but du jeu est d'être celui qui, à la fin, a plus de points que les autres. Au contraire, chacun peut même estimer que le but du jeu est plutôt de faire grossir le plus possible le bien commun…
Après avoir effectué une demi-douzaine de jeux de ce type, les trois chercheurs ont noté des différences de comportement majeures entre les pêcheurs en solitaire et les pêcheurs en équipe :
> Collaboration. Les pêcheurs en solitaire collaborent moins avec les autres que les pêcheurs en équipe.
> Coordination. Quand il leur faut travailler en groupe, les pêcheurs en solitaire sont moins coordonnés avec les autres que les pêcheurs en équipe.
> Confiance. Les pêcheurs en solitaire font moins confiance aux autres que les pêcheurs en équipe.
Autrement dit, la façon dont on travaille a un impact direct sur notre comportement en groupe. Plus on travaille en équipe, plus on développe notre esprit de collaboration, et mieux, notre efficacité, et mieux encore, notre plaisir à œuvrer en groupe. Bref, moins on se montre individualiste au travail, plus on est heureux et efficace dans chacune de nos tâches quotidiennes!
Du coup, le conseil pratique que l'on peut dégager de cette étude est évident, me semble-t-il :
> Qui entend réduire l'égoïsme au sein de son équipe, voire annihiler l'égoïste de service, se doit de multiplier les tâches à mener à bien en groupe. De faire en sorte que chacun travaille pour le bien commun, non pas pour son propre bien (et si vous instauriez, par exemple, une prime collective, au lieu de la sempiternelle prime individuelle à la performance…). Car chacun y gagnera en efficacité et en plaisir, pour finir même par penser de moins en moins à son petit nombril.
En passant, l'écrivain français Jules Renard a dit dans son Journal : «Il n'y a qu'une façon d'être un peu moins égoïste que les autres : c'est d'avouer son égoïsme».
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