BLOGUE. Deux événements majeurs ont simultanément lieu cette semaine à Montréal : la Coupe Rogers, qui réunit les meilleurs joueurs de tennis du monde (Novak Djokovic, Andy Murray, etc.), et les JSM 2013, qui rassemblent quelque 6 000 statisticiens venus des quatre coins de la planète pour partager leur savoir et rencontrer leurs idoles comme Nate Silver (vous savez, ce prodige qui a réussi, entre autres, à prédire correctement le vainqueur dans 49 des 50 États américains lors des élections présidentielles de 2008). Le plus beau, c'est que ces deux événements ont un lien. Du moins, j'en ai trouvé un…
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Quel lien? Un article intitulé In tennis, do smashes win matches?, paru en juin dernier dans le magazine Significance, lequel m'a été remis par son rédacteur-en-chef, Julian Champkin. Un article qui dévoile comment Dianne Cook, professeure de statistique à l'Université d'État de l'Iowa (États-Unis), assistée de deux de ses élèves, Sarah Budrus et Susan Vander Plas, s'y est prise pour déterminer ce qui fait que l'on brille dans un tournoi de tennis du Grand Chelem, ou pas…
Ainsi, les trois chercheuses se sont demandées s'il était vrai, ou pas, que pour gagner un match de tennis de haut niveau, il suffisait de frapper sa balle de service de toutes ses forces et d'accumuler de la sorte les points gagnants (note technique : un point gagnant est un point marqué sans que l'adversaire ait pu toucher la balle avec sa raquette). Pour s'en faire une idée, elles ont plongé dans toutes les statistiques de l'ensemble des joueurs, tant les hommes que les femmes, ayant participé aux tournois du Grand Chelem de 2012 – l'Open d'Australie, Roland-Garros, Wimbledon et l'US Open. Des statistiques ultrapoussées sur chacun de leurs coups : points gagnants, nombre de jeux de retour gagnés, points gagnés au service, total des premiers services "in", total des aces, total des double fautes, etc.
Puis, elles ont regardé si ceux qui avaient réussi à atteindre les quarts de finale présentaient, ou pas, des particularités du point de vue statistique. Ce qu'elles ont découvert en surprendra plus d'un…
1. Ni trop bon ni trop mauvais
> Ceux qui atteignent les quarts de finale doivent régulièrement faire des points gagnants, mais… pas trop! En effet, celui qui en fait en général le plus dans un match est celui qui finit par perdre.
> De plus, ceux qui atteignent les quarts de finale doivent régulièrement faire des fautes directes, mais pas trop. En effet, ceux qui n'en font pas du tout perdent systématiquement.
> En conséquence, il convient d'atteindre un savant équilibre entre les points gagnants et les fautes directes. En général, les vainqueurs de tournoi enregistrent une trentaine de points gagnants pour une vingtaine de fautes directes par match.
2. Pas trop fort
> Ceux qui atteignent les quarts de finale ne sont pas ceux qui frappent la balle le plus fort au service. Car la vitesse atteinte par la balle à ce moment-là n'a, en fait, pas de corrélation avec le gain du match.
> En revanche, ceux qui atteignent les quarts de finale sont ceux qui brillent par leur deuxième balle de service. Chez les hommes, le taux de réussite est alors supérieur à 45%, et chez les femmes, à 50%.
3. Retour gagnant
> Ceux qui atteignent les quarts de finale sont ceux qui retournent le mieux le service de leur adversaire. Un signe qui ne trompe pas : le pourcentage de points gagnants sur le service de l'autre. Car plus il est élevé, plus les chances de figurer dans les derniers tours du tournoi du Grand Chelem sont élevées. Et les deux qui affichent les pourcentages les plus élevés du tournoi à ce sujet arrivent quasiment toujours en finale.
«Bien retourner le service de son adversaire est la caractéristique la plus importante des meilleurs joueurs du monde. D'elle dépendra leur figuration dans les quarts de finale d'un tournoi du Grand Chelem, et même leur place en finale. Les autres caractéristiques importantes sont : la qualité du service, en particulier celui de la deuxième balle; et, dans une moindre mesure, le ratio entre points gagnants et fautes directes», indiquent Mmes Cook, Budrus et Vander Plas dans leur article.
Que retenir de tout cela? Une chose fort simple…
> La meilleure attaque, c'est la défense. De fait, pour surpasser ses rivaux, il faut jouer défensif : ce n'est pas en frappant le premier, fort et vite, qu'on réussit à battre ses adversaires, mais plutôt en retournant habilement les attaques d'autrui.
Subtil, n'est-ce pas? À vous de voir maintenant comment appliquer ce sage enseignement à votre quotidien au travail. Un exemple parmi d'autres : lorsqu'une une pique vous est lancée par un collègue fielleux lors d'une réunion, le mieux est de faire preuve de répartie ; car l'autre passera pour un imbécile, et vous, pour quelqu'un de futé.
Quant à la Coupe Rogers, vous voilà en mesure d'annoncer à tout le monde à l'avance les finalistes de cette année : ce seront forcément ceux qui auront le mieux retourné les services de leurs adversaires durant le tournoi. Mon pari? OK, je me lance : Andy Murray est à surveiller de très près. On en reparle dimanche…
En passant, l'écrivain français Fénelon a dit dans Les Aventures de Télémaque : «Le vrai moyen de gagner beaucoup est de ne vouloir jamais trop gagner et de savoir perdre à propos».
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