BLOGUE. Vous comme moi, nous passons nos journées à faire des choix. Entre des Special K et des Cruesli. Entre une pizza et une salade. Entre une Honda et une Ford. Entre un livre et un film. Oui, chaque seconde, nous choisissons. À croire que nous aimons ça. À croire que nous vivons pour ça. Pas vrai?
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La question saute alors aux yeux : faire un choix nous procure-t-il de la satisfaction? Ou au contraire, cela ne fait-il qu’ajouter à nos frustrations quotidiennes? Cette interrogation est, à mon avis, fondamentale, car notre bien-être dans la vie comme au travail en dépend directement. Reformulée autrement, celle-ci donne : le bonheur est-il dans le choix?
Vaste champ d’exploration, me direz-vous. Et pourtant, j’ai la réponse! Si, si,… La voulez-vous? Eh bien, je vous invite à la découvrir pas à pas avec moi, au fil d’une étude passionnante intitulée Born to choose : The origins and value of the need for control et signée par Lauren Leotti, professeure de psychologie à la Rutgers University, Kevin Ochsner, professeur de psychologie à la Columbia University, et Sheena Iyengar, professeure de management à la Columbia University.
Ainsi, les trois chercheurs se sont plongés dans une masse impressionnante d’études ayant trait à la prise de décision, tant chez l’animal que chez l’être humain, en ayant en tête l’idée que faire un choix est vraisemblablement un besoin vital pour nous. «Choisir, c’est exprimer une préférence et donc s’affirmer. Chaque choix – quelle que soit son importance – renforce notre sentiment d’avoir du contrôle sur ce qui nous entoure et de l’efficacité dans ce que nous entreprenons. Et inversement, ne pas avoir de choix à faire amenuise notre faculté d’adaptation», indiquent-ils comme préambule.
Comment le vérifier? En regardant si le besoin en nous de faire des choix est biologique. Oui, «biologique», c’est-à-dire inscrit dans nos gênes. Ni plus ni moins.
À cet effet, les trois chercheurs ont dégagé trois caractéristiques de la notion de choix :
1. Le choix est un moyen de survie. L’espèce humaine ne doit sa survie qu’à sa faculté de choisir, et bien entendu, d’apprendre de ses mauvais choix. Idem pour les autres espèces animales que nous cotoyons sur la planète. Bref, choisir nous a permis de nous adapter, et cela se poursuit toujours de nos jours. Cela est montré par de multiples études qui, a contrario, indiquent à quel point il est dommageable de ne pas avoir à notre disposition différents choix : Shapiro (1996), dans son étude Controlling ourselves, controlling our world, a mis au jour le fait qu’avoitr moins de contrôle sur notre environnement peut déclencher des troubles anxieux, du comportement, de l’appétit, etc.
2. Le choix est l’expression d’un désir. Catania (1980) et Suzuki (1999) ont mené des expériences respectivement sur des pigeons et des primates qui ont permis de découvrir que les animaux préfèrent toujours l’option où ils ont un choix plutôt qu’à celle sans choix, et ce, même si à la toute fin le résultat est le même. Le même Suzuki (1997) et Bown (2003) ont fait le même constat avec l’être humain. Comportement irrationnel? Lubie? Pas du tout! Il semble que l’on éprouve plus de satisfaction après avoir choisi une chose plutôt qu’après l’avoirr toute cuite dans le bec…
3. L’absence de choix est nuisible. Avoir le sentiment que l’on exerce un certain contrôle sur notre environnement réduit notre niveau de stress, comme l’on montré Morgan et Tromberg (2007) dans leur étude Sources of stress in captivity. De fait, des animaux élevés en captivité souffraient rapidement de maux que n’avaient pas ceux élevés en plein air, maux se résumant par un moins grand appétit de vivre. Même chose, la privation de choix déclenche chez l’être humain des problèmes de concentration, des baisses d’attention, et même des peurs irrationnelles, d’après une expérience de Crombez (2008) dévoilée dans l’étude dénommée Is it better to have and lose control than never to have control at all?
«Toutes ces études indiquent que notre besoin de contrôle est bel et bien biologique. Celui-ci contribue à notre faculté d’adaptation. Il nous permet d’exprimer nos désirs. Et il évite l’atrophie de nos talents acquis. Maintenant, il convient de regarder ce qui se passe dans notre cerveau au moment où nous faisons un choix, histoire de mieux comprendre la mécanique du choix», disent les chercheurs.
On s’en doute bien, les expériences et les images par résonance magnétique sont innombrables sur le sujet. En l’état actuel des connaissances, il semble que certaines zones très précises du cerveau soient impliquées dans la prise de décision, en particulier le cortex préfrontal, qui est la partie antérieure du cerveau où sont gérées plusieurs fonctions cognitives dites supérieures (le langage, la mémoire de travail, le raisonneemnt, etc.) et qui est l’une des zones du cerveau qui a connu la plus forte expansion au cours de l’évolution des primates aux hominidés. Intervient également le stratium, une structure nerveuse formée par le noyau caudé et le putanem, qui s’occupent surtout de nos mouvements volontaires.
Le cortex préfrontal et le stratium sont particulièrement reliés l’un à l’autre. De leur travail commun semble découler une grande partie de nos émotions. Par exemple, en situation de stress, voire de danger immédiat, les deux se mettent en branle à la vitesse de la lumière et déclenchent en nous une vive émotion qui nous pousse à réagir au plus vite. Nous faisons alors un choix en un clin d’œil. Bon ou mauvais, on ne le sait jamais d’avance…
Les trois chercheurs en concluent laconiquement : «Nous sommes nés pour choisir». «Notre soif de contrôle sur nous-mêmes et sur notre environnement n’est pas quelque chose que nous acquérons, mais qui est innée. On la trouve d’ailleurs tant que les animaux que chez les jeunes enfants, avant même qu’ils aient intégré les normes sociales et culturelles de leur groupe. Cette soif est un impératif pour notre survie, et par conséquent pour notre bien-être général», résument-ils.
Qu’en déduire pour qui s’intéresse au management et au leadership? Ça me semble assez évident : accordez la possibilité aux autres de faire des choix, et ils s’épanouiront tout naturellement. C’est aussi simple que cela. Mais attention, offrez-leur de vrais choix à faire, pas des pseudo-choix les forçant indirectement à opter pour vos propres préférences…
Quant à vous-même, si vous souhaitez vous épanouir davantage au travail, eh bien, faites en sorte d'être à un poste où il vous faut faire de nombreux choix tout au long de la journée. Et surtout, combattez bec et ongles la routine!
L’écrivain français Victor Hugo a dit dans Océan prose : «La volonté trouve, la liberté choisit. Trouver et choisir, c’est penser»…
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