Parfois, nous nous faisons une montagne d'un but ambitieux à atteindre. On se dit que c'est quasiment Mission: Impossible, et que nous ne sommes en aucun cas Tom Cruise. Si bien qu'à la première difficulté venue, nous sommes prompts à baisser les bras. Pas vrai?
Alors? Comment se motiver face à un défi de taille, pour ne pas dire monumental? Oui, comment défier les dieux tout en raison gardant? Vaut-il mieux écouter cette petite voix qui nous dit de prendre nos jambes à notre cou? Ou plutôt celle qui nous dit de sauter sur l'occasion pour réaliser quelque chose de grandiose?
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Tenez-vous bien, j'ai la réponse à cette interrogation existentielle! Si, si… Je l'ai dénichée dans une étude intitulée Effects of achievement goals on challenge seeking and feedback processing: Behavorial and fMRI evidence. Celle-ci est signée par deux professeurs de psychologie de l'Institut de recherche sur le cerveau et la motivation de l'Université de Corée du Sud à Séoul : Lee Woogul et Kim Sung-il. Et elle montre qu'il existe une façon très simple de booster sa motivation face à l'adversité…
Les deux chercheurs sud-coréens ont demandé à 150 volontaires de bien vouloir se prêter à deux petites expériences. Dans un premier temps, il s'agissait de remplir une série de suites logiques, vous savez, ces fameuses lignes remplies de formes géométriques ou de nombres dont il faut trouver l'élément manquant qui suit en toute logique (ex.: 1 | 2 | 4 | 8 | …, et il faut indiquer alors 16, puisque c'est le résultat qui suit lorsqu'on additionne deux fois le dernier nombre [ici, 8+8]). Puis, chacun devait passer sa copie à son voisin, histoire de se faire corriger par lui, en fonction des résultats divulgués par les examinateurs. Enfin, chacun recevait sa copie corrigée, devait en prendre connaissance et se devait ensuite de choisir le niveau de difficulté – de simple à difficile – de l'exercice suivant, du même genre.
Ce que je ne vous ai pas indiqué, c'est que les participants avaient été conditionnés au préalable pour être dans un état d'esprit particulier. Il leur avait fallu remplir un questionnaire qui n'était pas neutre, en ce sens qu'il influençait, l'air de rien, leurs pensées. Plus précisément, leur motivation à briller durant l'expérience à laquelle ils se prêtaient :
> Maîtrise. Certains étaient amenés à penser que l'expérience, exigeante sur le plan intellectuel, allait leur permettre de devenir plus vifs d'esprit, voire d'accroître leur intelligence. Bref, on leur avait mis dans le crâne l'idée que l'important, c'était d'en profiter pour devenir meilleurs.
> Performance. Les autres étaient amenés à penser que l'expérience, d'un haut niveau de difficulté, allait leur permettre de montrer aux autres qu'ils étaient plus intelligents qu'eux. Bref, on leur avait mis dans le crâne l'idée que l'important, c'était d'en profiter pour surclasser les autres.
L'idée derrière cette expérience? Regarder si le type de motivation initial – la recherche de la maîtrise ou au contraire celle de la performance – influence, ou pas, le comportement des personnes à la suite d'un feedback négatif (les examinateurs avaient veillé à donner, lors du premier test, des séries de suites logiques si ardues à résoudre que tous les participants se retrouveraient forcément avec une note lamentable).
Voici ce que cela leur a permis de découvrir :
> Efficacité de la motivation liée à la maîtrise. Ceux qui sont motivés par la recherche de la maîtrise sont disposés à relever des défis ambitieux. Et ce, tout aussi bien avant d'avoir eu le moindre feedback qu'après en avoir eu un négatif.
> Défaillance de la motivation liée à la performance. Ceux qui sont motivés par la recherche de la performance sont indifférents au niveau de difficulté des défis à relever dans un premier temps : peu leur importe qu'ils soient faciles ou difficiles à relever, ils sont prêts à s'y attaquer. Cela étant, à la suite d'un premier feedback négatif, leur motivation s'effondre d'un coup.
Les deux chercheurs sud-coréens ont voulu en savoir davantage sur ce phénomène. Ils ont alors demandé à une trentaine de participants de se glisser dans un scanner à même d'enregistrer leur activité cérébrale, puis d'y résoudre de nouveaux exercices de logique. La moitié d'entre eux étaient motivés par la maîtrise, l'autre, par la performance.
Résultats? Les voici :
> Un fonctionnement cérébral distinct. À la suite du feedback négatif, l'activité du cortex préfrontal dorsolatéral et du cortex orbitofrontal du cerveau de ceux qui sont motivés par la maîtrise demeure constante. En revanche, cette même activité dans ces deux parties du cerveau de ceux qui sont motivés par la performance s'atténue alors grandement.
Qu'est-ce à dire, au juste? Pour le saisir, il faut savoir deux choses :
> Le cortex préfrontal dorsolatéral. C'est une partie du cerveau qui entre en jeu chaque fois qu'il nous faut élaborer une réflexion. Elle joue un rôle majeur dans la planification et l'exécution de nos pensées et de nos actions.
> Le cortex orbitofrontal. C'est une partie du cerveau qui entre en jeu chaque fois qu'il nous faut prendre une décision. Elle est en connexion directe avec le thalamus, lequel intervient lorsque nous ressentons une émotion ou une sensation particulière.
Autrement dit, quelqu'un qui est motivé par la performance voit son cerveau "s'éteindre" au premier feedback négatif, soit à la première vraie difficulté venue : il lui devient quasiment impossible d'élaborer une réflexion de haut niveau, tout comme il lui devient complexe de prendre une bonne décision. «Ces gens-là perdent confiance en leur talent et y compris en eux-mêmes, si bien qu'ils perdent l'envie de relever de nouveaux défis, surtout si ceux-ci sont encore plus audacieux que celui qui s'est traduit une déconvenue», indiquent MM. Woogul et Sung-il dans leur étude.
Quant à celui qui est poussé par la maîtrise, c'est une toute autre histoire : le premier échec ne mine en rien leur moral, bien au contraire. «Ces gens-là regardent ce qu'il y a de positif dans ce qui leur est arrivé. Ils vont chercher l'élément d'information qui leur permettra de relever le défi suivant, sans craindre le moindrement que celui-ci soit plus ardu à atteindre que le précédent. Et cela va se poursuivre, à moins qu'ils aillent vraiment d'échec en échec», expliquent-ils.
Fascinant, n'est-ce pas? Ainsi, il y a moyen d'être gonflé à bloc, en dépit de la difficulté des défis à relever. Oui, même si l'on est convaincu d'être confrontés à une mission digne de Mission: Impossible. Un moyen ultrasimple, de surcroît :
> Qui entend réussir l'impossible se doit de tenter de se surpasser, et non pas d'essayer de surpasser autrui. Pourquoi? Parce que celui qui fait d'un défi ambitieux une quête personnelle saura trouver en lui les forces dont il aura besoin pour faire ce que jamais personne n'a réussi à faire auparavant. Et parce que celui qui vise seulement à être le meilleur trébuchera lamentablement au premier obstacle venu.
Voilà. À vous de jouer, à présent, pour trouver les cordes sensibles qui vous permettront de lier votre motivation à la maîtrise. Et mieux, celles qui vous permettront de lier la motivation de ceux qui vous entourent à leur maîtrise à eux.
En passant, l'écrivain et théologien français François de Salignac de La Mothe-Fénelon, dit Fénelon, a écrit dans son Télémaque : «Le vrai courage ne se laisse jamais abattre».
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