BLOGUE. Chaque jour, il nous faut prendre des décisions. De petites décisions – thé ou café? – comme de grandes décisions – prendre en mains ce gros dossier, ou pas? Dès lors qu'il s'agit de petites décisions, nous nous y prenons bien, sans trop commettre d'erreurs. En revanche, dès que l'enjeu est plus élevé, nous nous mettons à stresser et à douter de notre capacité à faire le bon choix. Pourquoi?
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Trois professeurs de finance italiens ont voulu le savoir : Luigi Guiso, de l'Institut d'économie et de finance Einaudi de Rome (Italie); Paola Sapienza, de l'École de management Kellogg (États-Unis); et Luigi Zingales, de l'École de commerce Booth à Chicago (États-Unis). Dans leur étude intitulée Time varying risk aversion, ils montrent que la peur – en particulier nos moments de terreur passés – pèse plus qu'on ne le croit sur nos décisions…
Ainsi, les trois chercheurs ont pu mettre la main sur des sondages menés par une grande institution bancaire italienne – dont le nom n'est pas divulgué – auprès de leurs clients. Ils ont retenu deux sondages, l'un en 2007 et l'autre en 2009, car ces deux années encadraient une année fatidique : c'est en 2008 qu'a éclaté la plus grave crise financière italienne de ces 80 dernières années, qui a mis sur la paille nombre de boursicoteurs et de retraités. Et ils se sont penchés sur 1 686 clients, les mêmes qui avaient été sondés ces deux années-là et qui, de surcroît, avaient répondu à chaque fois une entrevue menée en face-à-face.
Qu'en est-il ressorti? Qu'après la crise :
> 46% des clients affichaient une plus grande aversion au risque qu'auparavant.
> 55% pensaient qu'en cas de perte dans un placement risqué de 5 000 euros, ils pouvaient perdre jusqu'à la moitié de cette somme (alors qu'en 2007, la pire crainte était de perdre 1 000 euros sur les 5 000 placés).
> Parmi ceux qui étaient plus craintifs qu'auparavant figuraient nombre de personnes qui n'avaient pas été affectées directement par la crise financière (leurs placements en étaient sortis indemnes).
Autrement dit, la crise financière avait refroidi d'un coup l'ardeur des clients de cette banque, à tel point qu'ils se sont montrés par la suite «démesurément prudents». Et c'est justement cette prudence excessive qui a mis la puce à l'oreille des trois chercheurs : un facteur psychologique avait dû entrer en ligne de compte et fausser le jugement des personnes concernées.
Mme Sapienza et MM. Guiso et Zingales ont alors demandé à 249 étudiants d'une université américaine de répondre à un questionnaire d'une quarantaine d'interrogations. L'objectif était d'évaluer l'aversion au risque de chacun, une fois après avoir été mis dans une condition particulière :
> Certains ont auparavant dû visionner un extrait de cinq minutes du film d'horreur Hostel d'Eli Roth, dans lequel un jeune homme est sauvagement torturé dans un sous-sol.
> Les autres ont dû regarder un extrait d'un autre film n'ayant, lui, aucune charge émotionnelle notable.
Résultat? Une fois de plus, ceux qui avaient été effrayés se sont montrés par la suite démesurément réticents à prendre des risques. Hormis – cela mérite d'être souligné – ceux qui étaient habitués à voir des films d'horreur.
«La peur accroît donc notre aversion au risque. Et surtout, elle laisse des traces durables : nous avons ainsi vérifié qu'après avoir connu une grande frayeur (par exemple, une chute brutale des cours boursiers), les courtiers ont en général tendance à vendre plutôt qu'à acheter, non pas parce que c'est ce qu'il faut logiquement faire, mais juste parce qu'ils cèdent à la peur, n'ayant plus l'impression de contrôler la situation autant que d'habitude», disent les trois professeurs de finance dans leur étude.
Par conséquent, le jour où il nous faut prendre une décision courageuse, ce qu'il nous faut avant tout, c'est arriver à surmonter nos peurs. En particulier, nos peurs solidement ancrées en nous. Comment s'y prendre? En suivant quatre conseils prodigués avant-hier sur son blogue par LaRae Quy, une ex-agente du FBI devenue coach :
1. Remémorez-vous un moment de votre vie durant lequel vous étiez en situation difficile, mais entouré de proches prêts à tout pour vous (ex.: vos parents, lorsque vous étiez enfant, avant une compétition sportive; vos amis de jeunesse, avant de relever un défi audacieux; etc.).
2. Savourez ce souvenir pendant au moins 5 secondes. Car cela prend plus de temps à notre cerveau de s'imprégner de bons souvenirs que de mauvais. (Et rappelez-vous la phrase suivante : «Les émotions sont comme le Velcro, alors que les émotions positives sont comme le Teflon».)
3. Prononcez à voix haute tout ce que vous ressentez comme émotions positives en vous souvenant de cet instant agréable où vous étiez entouré des personnes prêtes à tout pour vous.
4. Rédigez sur une feuille de papier ce que vous venez de dire à voix haute. Pourquoi tout cela? Parce que nombre d'études de neuroscience indiquent que c'est la meilleure manière de faire pour s'incruster dans le cerveau des émotions positives.
«Se remettre en tête un moment agréable, où l'on se sentait soutenu par les autres, est un moyen efficace de lutter contre ses peurs. Et ce, même si le danger est passé», dit Mme Quy.
Voilà. À vous maintenant de vous mettre dans les bonnes conditions mentales pour prendre une décision courageuse, le moment venu.
En passant, l'écrivain néerlandais Pieter Corneliszoon Hooft a dit dans son Histoire de Hollande : «Avoir trop peu de courage, c'est avoir perdu tout courage».
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