BLOGUE. Un terme est en vogue depuis déjà quelques temps en matière de management, celui d'engagement. En effet, nombre de leaders et d'experts ne jurent que par l'engagement, en se disant qu'une équipe de travail ne peut bien fonctionner sans lui. Et c'est à qui trouvera le meilleur truc pour faire que les employés s'investissent davantage dans leurs tâches quotidiennes.
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Il se pourrait bien que ce terme devienne vite obsolète. Pourquoi? Tout d'abord, parce que personne n'a encore trouvé le Graal de l'engagement, si bien qu'on commence à se demander, ici et là, si cette quête en vaut vraiment la peine. Ensuite, parce qu'un autre concept vient de voir le jour, nettement plus prometteur d'après moi.
Lequel? Celui de passion. Eh oui, comme si l'on faisait un grand bond en arrière vers les vertus oubliées par notre ère moderne.
Je m'explique… Le Center for the Edge de Deloitte vient de dévoiler une étude fascinante intitulée Unlocking the passion for the Explorer – Report 1 of the 2013 Shift Index series. Celle-ci est signée par trois chercheurs réputés : John Hagel, coprésident du Center for the Edge et auteur, entre autres, du livre The Power of Pull; John Seely Brown, coprésident du Center et auteur notamment du livre A New Culture of Learning; et Tamara Samoylova, directrice de la recherche au Center. Il en ressort que la passion est au cœur du succès des équipes de demain.
Ainsi, les trois chercheurs ont noté que le monde dans lequel nous évoluons est marqué par des changements brusques et radicaux, si bien que ceux qui sont en mesure d'y survivre, voire d'en tirer partie, sont ceux qui sont capables de résilience et d'adaptation. Oui, ceux qui ne tremblent pas face à l'incertitude, mais plutôt jubilent en sa présence. Ceux qui aiment relever de nouveaux défis, adorent faire preuve d'audace, raffolent d'adversité. Bref, ceux qui sont passionnés.
Les passionnés? Il s'agit, d'après Mme Samoylova et MM. Hagel et Seely Brown, des personnes qui présentent trois caractéristiques :
> Attachement viscéral à leur environnement. Les passionnés veulent avoir un impact durable sur leur environnement, que ce soit leur équipe, leur entreprise ou même leur secteur d'activité. Cette volonté les pousse à apprendre vite de leurs échecs et de leurs succès. Elle les amène à collaborer le plus possible avec les autres, ayant bien en tête que l'union fait la force. Elle les incite également à s'intéresser à d'autres domaines, car ils se disent que ce qui se fait ailleurs pourrait très bien fonctionner aussi dans leur propre environnement.
> Vocation pour la quête. Les passionnés se font une mission d'améliorer leur environnement. Sans relâche, ils trouvent des idées neuves et les expérimentent sur le terrain. Ils relèvent les défis les uns après les autres, avec une prédilection pour ceux qui sont périlleux. Ils ne jurent que par le progrès, qu'ils perçoivent comme une véritable quête.
> Goût immodéré pour les connexions. Les passionnés font plus qu'avoir un bon réseau de contacts professionnels, ils s'attachent à connaître chacun d'eux en profondeur. Car ils savent fort bien que c'est en connaissant les jardins secrets des uns et des autres qu'ils parviendront, le jour venu, à faire vibrer en eux la corde sensible qui leur permettra de faire ensemble des choses extraordinaires. Ils ont aussi l'intelligence de nouer des liens avec des experts qui n'évoluent pas dans le même environnement qu'eux, étant conscients que ceux-ci leur seront tôt ou tard utiles.
Maintenant, vous vous posez sûrement la question suivante : «D'accord, c'est bien beau, les passionnés, mais qui sont-ils, au juste? Moi, je n'en connais pas vraiment…» Et c'est une très bonne question. Les trois chercheurs de Deloitte se la sont posée eux aussi et ont effectué un sondage pour y répondre.
Résultat? Aux États-Unis, seulement 11% des employés sont des passionnés. Le sondage a permis d'identifier certains de leurs traits :
> Beaucoup d'entre eux travaillent dans le marketing (on y compte 17% de passionnés) et le management (16%).
> Beaucoup disent que là où ils travaillent ils sont incités à travailler avec des équipes multidisciplinaires, sont encouragés à penser outside-the-box et sont en partie rémunérés à la performance.
> Beaucoup disent qu'ils n'occupent pas le poste de leurs rêves, mais qu'ils sont tout de même heureux au travail (41%).
Autrement dit, pour que la passion – et les passionnés – fleurisse au sein d'une équipe ou d'une entreprise, il faut trois conditions :
> Un terreau fertile, c'est-à-dire un bon environnement de travail;
> Un arrosage adéquat, c'est-à-dire un bon management;
> Un magnifique ensoleillement, c'est-à-dire un avenir vers lequel tendre.
Dans leur étude, les trois chercheurs indiquent que les entreprises doivent prendre deux résolutions, si elles entendent déclencher la passion en leur sein :
1. Identifier ce qui empêche la passion de se développer chez elles.
2. Identifier les passionnés qui sommeillent dans leurs rangs.
Comment faire? En prenant différentes initiatives inspirées des recommandations de Mme Samoylova et MM. Hagel et Seely Brown :
> Attachement à l'environnement. On peut, par exemple, souligner les bons coups des uns et des autres, non pas à l'échelle de l'équipe, mais à celle de l'entreprise entière, et en profiter pour tirer des enseignements utiles à tous. Ou faire savoir à tous les projets en cours et leurs besoins particuliers, si bien que les passionnés pourraient participer là où ils pourraient briller. Ou encore composer les équipes non pas en fonction d'objectifs à atteindre, mais de la souplesse nécessaire pour braver les tempêtes imprévues de demain.
> Quête. On peut, par exemple, mettre au point une plateforme virtuelle permettant aux employés d'échanger des idées et d'en discuter. Ou donner du feedback sur l'impact que chacun a réellement sur son environnement (équipe, entreprise, secteur d'activité). Ou encore laisser le champ libre aux uns et aux autres quant à la manière de remplir la mission qui leur a été assignée.
> Connexion. On peut, par exemple, concocter une plateforme virtuelle facilitant la communication entre les employés et leurs différents interlocuteurs externes (clients, partenaires, etc.). Ou mettre en place une plateforme virtuelle permettant à chaque employé de découvrir le profil des autres, histoire de faire appel aux talents insoupçonnés de l'entreprise. Ou encore modifier la disposition des bureaux afin de faciliter les rencontres "inopinées" des uns et des autres.
Voilà. À vous maintenant de faire le plein d'idées et de voir lesquelles pourraient vous permettre de faire fleurir la passion tout autour de vous. C'est sûr, des surprises vous attendent…
En passant, le poète roumain Mihai Eminescu a dit dans ses Pensées : «Les passions abaissent, la passion élève.»
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