La gentillesse. Une rareté, de nos jours, au bureau, me semble-t-il. D’ailleurs, il suffit d’une interrogation pour s’en rendre compte : quelle est la dernière fois où l’un de vos collègues vous a fait une fleur, comme ça, sans absolument rien espérer en retour ? Hein ? Je suis prêt à parier que ce n’est pas arrivé aujourd’hui, ni même hier. Est-ce que je me trompe ?
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C’est que la vie au bureau est essentiellement faite – malheureusement – d’interactions entre des egos plus ou moins développés. Lorsqu’une prime est en jeu, elle est toujours individuelle. Lorsqu’une évaluation de performance est faite, elle est toujours individuelle. Si bien qu’à force chacun est amené à croire que ce qui compte avant tout, c’est l’évolution de sa petite personne au sein de l’entreprise. En dépit, et non pas en raison, des autres. Pas vrai ?
Et pourtant, nous le sentons tous au plus profond de nous-mêmes, rien n’est plus plaisant qu’un peu de gentillesse. C’est ce qui nous redonne le sourire. C’est ce qui nous redonne du cœur à l’ouvrage. Bref, c’est le petit rayon de soleil fugace qui enchante notre quotidien au travail.
Alors ? Comment s’y prendre pour qu’il y ait un petit peu plus d’actes de pure gentillesse dans notre quotidien au bureau ? Eh bien, je pense avoir déniché une réponse fort intéressante à cette interrogation existentielle dans une étude intitulée Gratefully received, gratefully repaid : The role of perceived fairness in cooperative interactions. Celle-ci est signée par : Richard Tunney et Eamonn Ferguson, tous deux professeurs de psychologie à l’Université de Nottingham (Grande-Bretagne), assistés de leur étudiant Lawrence Ma.
Les trois chercheurs ont demandé à 122 volontaires de bien vouloir se prêter à un petit jeu, histoire d’analyser leur comportement face aux actes de pure gentillesse. Le principe était simple. La moitié des joueurs ont été désignés comme des donneurs, et l’autre, comme des receveurs :
➢ Donneurs. Chacun disposait d’un montant d’argent et devait le donner, en tout ou en partie, à un receveur anonyme. Certains des donneurs avaient l’obligation de faire cadeau de leur don (aucun retour attendu de la part du receveur) ; d’autres avaient l’obligation de faire leur don assorti d’une condition (au choix : un remboursement immédiat de 80% du montant donné ; un remboursement immédiat de 100% du montant donné ; ou un remboursement immédiat assorti d’un intérêt de 20%).
➢ Receveurs. Chacun disposait également d’un montant d’argent de départ. De plus, chacun n’avait aucune idée de qui était son donneur, ni des éventuelles contraintes que celui-ci avait pour faire son don. Une fois l’offre présentée, il fallait indiquer si elle était a priori acceptée, ou pas. Et il fallait ensuite respecter sa promesse, ou pas : à la toute fin, chaque receveur devait indiquer la somme qu’il retournait au donneur, et cela fonctionnait même si celle-ci ne correspondait pas à la somme qu’il venait de s’engager à verser.
Résultats ? Vraiment fascinants, comme vous allez le voir :
➢ La gentillesse décuple la gentillesse. Plus un receveur avait la sensation que le donneur avait été gentil avec lui, plus il avait tendance à se montrer gentil à son tour. Ainsi, les seules fois où des receveurs ont retourné au donneur une somme supérieure à celle qui avait été donnée sont survenues lorsque le donneur n’avait présenté aucune condition concernant un éventuel retour d’argent. Ce qui a été perçu comme un vrai cadeau a déclenché l’envie de faire un cadeau encore plus beau.
➢ L’absence de gentillesse provoque le mécontentement. Plus l’offre paraissait intéressée – et donc dénuée de gentillesse – aux yeux des receveurs, plus ceux-ci ont mal réagi à ce qui leur était présenté. À tel point que 38% de ceux qui ont dit dans un premier temps qu’ils acceptaient les conditions de l’offre ne les ont pas, en fait, respectées à partir du moment où ils ont saisi qu’ils en avaient la possibilité !
«Donner quelque chose à autrui est fondamentalement gentil. Mais l’important n’est pas l’acte lui-même, mais bel et bien la perception que l’autre en a : il suffit qu’un détail – comme la présentation d’un condition dérangeante au don qui est fait – pour que tout s’écroule. Dans le cas présent, les receveurs ne savaient pas que certains donneurs étaient contraints de présenter une offre conditionnelle, si bien qu’ils ont sèchement réagi à ce qu’ils ont perçu comme de la fausse gentillesse», indiquent les trois chercheurs dans leur étude.
Autrement dit, la gratitude découle inévitablement de la perception que l’on a de la gentillesse d’autrui. Et le mot déterminant est, je le souligne: ‘perception’. Oui, ce qui compte plus que tout, c’est l’impression que nous laisse l’acte généreux accompli par l’autre : si cette impression est favorable, nous serons généreux en retour, de manière quasi-automatique ; mais si elle n’est malheureusement pas favorable, alors là, nous serons disposés à nous montrer intraitables.
Maintenant, que retenir de tout ça ? Ceci, à mon avis :
➢ Qui entend rendre la gentillesse contagieuse au bureau se doit tout bonnement de faire preuve lui-même de pure gentillesse. Oui, de ‘pure gentillesse’. C’est-à-dire qu’il lui suffit d’accomplir, ici et là, de menus gestes empreintes de gentillesse – sans aucune attente en retour – pour voir d’autres actes de gentillesse fleurir tout autour de lui, sans qu’il y soit directement pour quelque chose. Un exemple : un matin, offrir des croissants aux membres de son équipe, comme ça, sans raison particulière ; ou encore, un vendredi après-midi, faire la surprise à ses collègues de sortir de nulle part bières et eaux pétillantes, juste pour célébrer l’arrivée de la fin de semaine. Vous verrez, l’impact est carrément incroyable !
En passant, le poète latin Publilius Syrus disait : «L’homme généreux invente même des raisons de donner».
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