BLOGUE. Un manager, qu'est-ce que c'est, au juste? C'est une personne qui vit sans cesse entre le marteau et l'enclume, le marteau étant son boss et l'enclume, l'équipe dont il a la responsabilité. Bref, c'est quelqu'un qui est continuellement sous pression, et donc stressé.
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La conséquence directe? Il est impossible de vivre sous un stress constant sans dommage, que ce soit sur les plans physique et psychique. On se sent moins bien, on prend du poids et on perd en vivacité. On dort aussi moins bien, on devient nerveux au bureau, on se montre désagréable et dirigiste, puis on finit par "péter une coche". C'est-à-dire que soit on se met à agresser les autres – verbalement et/ou physiquement –, soit on retourne cette agressivité contre nous-même, en minant notre corps et notre esprit jusqu'au burn-out.
L'un des symptômes les plus évidents du mauvais coton que file un manager est l'absentéisme, à savoir des absences répétées du bureau pour mille et une raisons plus ou moins justifiées (une fois, il se justifie en disant qu'un des enfants est tombé malade, ce qui est nullement le cas ; une autre fois, parce qu'il dit s'être réveillé avec un gros rhume ; etc.). Un phénomène qui est aujourd'hui une plaie pour les entreprises : le Québec est la province canadienne la plus concernée, avec un nombre moyen de journées perdues dans l'année de 9,3 pour «maladie ou incapacité» auprès des employés à temps plein (Statistique Canada, 2011).
D'où l'intérêt de regarder s'il n'y aurait pas moyen de réduire l'absentéisme, en particulier pour ceux qui sont a priori les plus concernés, les managers. La bonne nouvelle, c'est que j'ai mis la main sur une étude à ce sujet, intitulée Relationship between stress coping strategies and absenteism among middle-level managers. Celle-ci est le fruit du travail de : Maja Mesko et Vasja Roblek, tous deux chercheurs à la faculté de management de l'Université de Primorska (Slovénie) ; Damir Karpljuk et Joze Stihec, tous deux professeurs à la faculté de sport de l'Université de Ljubljana (Slovénie), assistés de leurs étudiants Mateja Videmsek et Ivan Erenda.
Ainsi, les six chercheurs slovènes ont prié 211 managers œuvrant dans des entreprises de taille moyenne ou grande de bien vouloir répondre à deux longs questionnaires. Le premier visait à identifier les mesures qu'ils adoptaient au travail pour atténuer leur stress quotidien, en fonction des catégories élaborées en 1992 par Rudolf Moos, professeur émérite de l'École de médecine de Stanford (États-Unis). Ces catégories sont de deux sortes :
> Raison. Les mesures qui entendent résoudre le problème rencontré (ex.: l'analyse logique (AL), qui consiste à réfléchir sur ce qui stresse la personne et à tenter de préparer mentalement celle-ci à y faire face, le moment venu; ou encore la recherche d'un soutien (RS), qui incite la personne à s'appuyer sur autrui lorsqu'elle se sent stressée au travail).
> Émotion. Les mesures qui s'attaquent aux effets négatifs du stress, notamment la dimension émotionnelle du problème (ex.: l'évitement cognitif (ÉC), qui vise à empêcher la personne à penser à ce qui la stresse lorsque cela survient dans son quotidien au travail; ou bien la décharge émotionnelle (DÉ), qui consiste à atténuer la tension ressentie par la personne, en éradiquant les émotions négatives ressenties).
Le second questionnaire, lui, permettait d'évaluer le stress ressenti par les managers et les symptômes précis qui s'en suivaient. Il donnait de surcroît l'occasion d'en savoir un peu plus sur leur absentéisme, en particulier les raisons réelles qui les incitaient à ne pas aller travailler certains jours.
Qu'ont-ils découvert de la sorte? Deux choses intéressantes…
> Pour lutter contre leur stress, la plupart des managers ont tendance à privilégier les mesures qui entendent résoudre le problème rencontré. Et occultent donc la dimension émotionnelle du stress.
> Ceux qui donnent la priorité aux mesures liées à la raison souffrent en général de symptômes moindres que les autres, et s'absentent moins souvent du travail que les autres.
Autrement dit, quand un manager souffre du stress lié à son travail, la meilleure chose à faire pour lui est de s'attaquer de front, avec courage et logique, aux difficultés qu'il connaît et à l'origine de celles-ci. Il gagnera à essayer de comprendre ce qui lui arrive, d'identifier la source de ses maux et de se résoudre à l'annihiler. En revanche, celui qui adoptera une autre approche du problème, davantage axée sur l'atténuation des effets négatifs du stress, aura nettement plus de peine à en venir à bout.
«Les entreprises feraient par conséquent bien de mettre en place pour leurs managers des programmes d'information sur le stress et sur les meilleurs moyens de l'atténuer. Ces programmes devraient d'ailleurs mettre plus l'accent sur ce qui peut permettre de supprimer les facteurs stressants que sur ce qui peut réduire leurs effets négatifs», disent les six chercheurs slovènes dans leur étude. Et de souligner : «De tels programmes d'information permettraient sans nul doute de réduire l'absentéisme des managers, ce qui est loin d'être négligeable pour une entreprise».
Voilà. Maintenant, vous savez ce qu'il vous reste à faire pour ressentir moins de stress au travail : avoir le cran de réaliser que vous êtes stressé et que cela vous mine, puis identifier logiquement ce qui vous nuit et vous y attaquer sans pitié. (Bien entendu, cela ne peut se faire tout seul dans son coin, il est nécessaire d'être accompagné d'une personne expérimentée dans ce domaine pour vous assurer de bons résultats…)
En passant, le dramaturge français Pierre Corneille a dit dans Héraclius : «La violence est juste où la douceur est vaine».
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