Vous arrive-t-il, comme à moi, qu'une petite voix irrésistible vous susurre à l'oreille de tenter le diable? De miser sur le rouge au lieu du traditionnel noir? De mordre à pleines dents dans la vie quitte à se casser toutes celles de devant? Et de ne vraiment plus savoir quoi faire, tant cette petite voix est enjôleuse? J'imagine que oui...
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La question saute aux yeux : comment se fait-il que cette petite voix survienne à certaines occasions, et pas d'autres? Et surtout, comment se fait-il qu'elle sache se montrer si convaincante, alors même que nous savons pertinemment que nous nous en mordrons les doigts tôt ou tard? Eh bien - tenez-vous bien -, je crois avoir trouvé la réponse à cette interrogation existentielle! Et mieux, le moyen de contrer ce phénomène, le moment venu. Un truc on ne peut plus précieux dans notre quotidien au travail, où l'on doit, jour après jour, savoir raison garder. Pas vrai?
Tout cela provient d'une étude intitulée The effect of individual temperament and character on bidding behavior et signée par Masao Nagatsuka, professeur d'économie à l'Université Tezukayama à Nara (Japon). Une étude fascinante, comme vous allez le voir par vous-même...
Le chercheur japonais s'est rendu compte que nombre d'études économiques recouraient à ce qu'on appelle le Big Five pour analyser le comportement des consommateurs. Le Big Five? C'est grosso modo un outil de travail des psychologues qui considère que notre personnalité repose sur cinq traits principaux, comme l'ouverture d'esprit et l'extraversion. Et il s'est étonné que si peu d'études économiques aient recouru à un autre outil, le Temperament and character inventory (TCI), surtout prisé, lui, des psychiatres.
Quelles différences entre le Big Five et le TCI, au juste? Le dernier estime que notre personnalité repose plutôt sur sept traits, à savoir :
- Quatre qui concernent notre tempérament : goût pour la nouveauté; hantise de la douleur; dépendance aux récompenses; persévérance.
- Trois qui concernent notre caractère : aisance avec soi-même; coopération; capacité à la transcendance.
Le but premier du TCI est de vite détecter des comportements "anormaux" des individus à qui l'on demande de remplir un questionnaire permettant d'évaluer chacun de ses sept traits de personnalité. Si bien que cet outil représente a priori un outil fabuleux pour les économistes puisqu'il peut rendre possible l'analyse des comportements brusques et spontanés des gens - comme la prise de risques dans le cadre du travail - alors que le Big Five semble avoir plus de pertinence pour l'analyse des comportements durables - comme les habitudes en matière de consommation -, selon M. Nagatsuka.
Curieux de voir ce que pouvait donner l'utilisation du TCI dans une étude économique, il s'est intéressé au comportement des gens lorsqu'ils participent à des enchères. Il a choisi une sorte d'enchères, soit celle à un tour sous pli cacheté : chaque enchérisseur remet au commissaire-priseur une offre sous enveloppe, lequel examine par la suite toutes les offres faites; l'emporte celui qui a fait l'offre la plus élevée (c'est là un procédé classiquement utilisé lors des appels d'offres pour les marchés publics, ou encore pour les droits miniers accordés sur les terrains de l'État).
Puis, il a concocté un modèle de calcul économétrique visant à déterminer les différents comportements des gens à une telle sorte d'enchères, en fonction de leurs traits de personnalité. Histoire de voir, par exemple, si quelqu'un qui rechigne en général à faire des efforts [faible persévérance] se montre déchaîné, ou pas, dans une enchère à un tour, ou encore si quelqu'un de prompt à se pardonner ses erreurs [forte transcendance] est plus disposé que les autres, ou pas, à faire des offres démesurées.
Résultats? Carrément passionnants :
> Avantage à ceux qui aiment la nouveauté. Les participants qui ont un goût prononcé pour la nouveauté sont naturellement poussés à emporter l'enchère à laquelle ils participent, de part leur tendance à s'exciter dès qu'il y a un nouveau défi à relever, mais ils le font en calculant soigneusement leur coup. Et cette mesure dans l'action leur est très bénéfique : dès lors qu'ils participent à plusieurs enchères d'affilée, ils finissent en général par en ressortir mieux nantis que les autres. Autrement dit, ce sont eux les grands gagnants, car ils savent doser avec justesse leurs prises de risques.
> Désavantage à ceux qui redoutent la douleur. Les participants qui craignent d'échouer et d'en pâtir ont tendance à faire des offres largement au-dessus de celles des autres, de peur de perdre et de s'en mordre les doigts, si bien qu'ils emportent souvent la mise, mais à un prix démesuré. Du coup, ce sont eux les grands perdants, car ils ne savent pas doser avec justesse leurs prises de risques.
> Désavantage aux persévérants. Les participants qui brillent par leur persévérance ont tendance à faire des offres presque toujours insuffisantes pour l'emporter. Cela les empêche donc d'arriver en tête, enchère après enchère, faute de doser avec justesse leurs prises de risques. Autrement dit, ce sont les éternels seconds des compétitions auxquelles ils participent.
> Mince avantage à ceux qui se sentent bien avec eux-mêmes. Les participants qui se sentent à l'aise dans la vie qu'ils mènent présentent un trait de caractère qui joue en leur faveur, à savoir le contrôle de soi. Ils savant maîtriser leurs émotions, et mieux, en tirer profit le moment venu. En conséquence, ils sont les champions pour viser juste lors d'une enchère. Le hic? C'est qu'à force de tenir compte de la concurrence et de toujours chercher à miser un tout petit peu plus que les autres, il leur arrive fréquemment de débourser nettement plus que ce que vaut vraiment l'objet acquis ; et au final, leurs profits sont aussi minces qu'une peau de chagrin. Autrement dit, leur rigueur et leur constance dans l'atteinte de l'objectif visé finit par leur jouer des tours.
Voilà. Pas mal, n'est-ce pas? Qui d'entre vous aurait dit que celui qui dose le mieux ses prises de risque est non pas celui qui prise les récompenses, ni celui qui fait preuve de persévérance, mais celui que la nouveauté excite? Oui, qui d'entre vous aurait dit qu'il surpassait même, dans ce cas-là, celui qui se sent bien dans sa peau et dans sa vie, qui sait toujours d'où il vient et où il s'en va? Hein?
Que retenir, par conséquent, de tout cela? Ceci, à mon avis :
> Qui entend prendre à l'avenir davantage de risques (mais pas trop) se doit d'écouter un trait de personnalité, son attrait naturel pour la nouveauté. Il lui faut laisser s'exprimer sa curiosité. Car, admettons-le, nous sommes tous curieux, et même tout autant que lorsque nous étions des gamins, mais les "contraintes sociales" nous ont amené à taire de plus en plus ce trait-là. Alors, n'hésitez plus, réveillez la curiosité qui sommeille en vous depuis tant d'années, et surtout écoutez-la lorsqu'il vous faut prendre une décision que vous savez risquée : elle sera toujours votre meilleure conseillère!
En passant, le philosophe français Gaston Bachelard aimait à dire : «La curiosité dynamise l'esprit humain».
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