La crise de la quarantaine. Et même celle de la cinquantaine. Elles frappent tout aussi fort au travail : on se demande si l'on est à la bonne place, on meurt d'envie de regarder si l'herbe est plus verte ailleurs, etc. Pas vrai?
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Du coup, la motivation à briller au bureau en prend un méchant coup. Forcément. Puisqu'on a dès lors la tête ailleurs.
Et se pose la gravissime question suivante aux managers : comment donner un nouvel élan à la motivation des membres de son équipe qui sont issus de la génération X et de celle des baby-boomers? Oui, comment faire en sorte qu'ils aient l'envie d'exprimer tout leur potentiel – qui est énorme de par leur expérience – alors qu'ils commencent, pour la plupart, à se dire qu'ils ont fait le tour du pré dans lequel ils évoluent depuis nombre d'années?
La bonne nouvelle du jour, c'est que j'ai trouvé une réponse vraiment pertinente à cette interrogation. Je l'ai dénichée dans une étude intitulée The paradox of novice contribution in collective production: Evidence from Wikipedia, et signée par Andreea Gorbatai, professeure de management à l'École de commerce Haas de Berkeley (États-Unis). Voici de quoi il s'agit.
La chercheuse s'est intéressée à la riche base de données de la Wikimedia Foundation, qui fourmille d'informations sur les collaborateurs à l'encyclopédie en ligne Wikipédia. Elle s'est concentrée sur toutes les contributions effectuées en anglais entre le 1er octobre 2008 et le 31 janvier 2009, en regardant spécifiquement les apports des novices et ceux des experts.
Les novices de Wikipédia? Il s'agissait, pour elle, des personnes ne connaissant pas bien le fonctionnement de Wikipédia, mais qui ont tenu tout de même à apporter leur touche à l'édifice commun. Comment? En s'enregistrant comme collaborateur bénévole, puis en apportant quelques précisions à des articles déjà existants – ce qu'ils ne font, en général, qu'à deux ou trois reprises.
Quant aux experts, il ne s'agissait pour pour Mme Gorbatai de sommités dans un champ de connaissances, mais plutôt de personnes connaissant très bien le fonctionnement de Wikipédia et habituées à y contribuer régulièrement. Ces experts – ou, si vous préférez, ces collaborateurs expérimentés – représentent une minorité : moins de 1 collaborateur sur 5 a déjà effectué plus de 10 interventions.
Ainsi, la professeure de Haas connaissait chacun des faits et gestes de l'ensemble des collaborateurs de Wikipedia, et a enrichi ses données à l'aide d'entrevues avec un échantillon déterminé au hasard de 35 experts. Un travail colossal qui en valait franchement la peine quand on constate ce que cela lui a permis de mettre au jour :
> Des experts déconnectés de la réalité. Les contributions des experts sont toujours d'une excellente qualité, elles enrichissent véritablement le contenu de l'encyclopédie en ligne. Le hic? Ces apports spontanés concernent surtout des domaines qui les intéressent, pas forcément des domaines qui intéressent les utilisateurs de Wikipédia.
> Des novices qui visent juste, mais mal. Les contributions des novices, elles, concernent la plupart du temps des sujets qui passionnent les utilisateurs. L'ennui, c'est que la qualité de leurs contributions laisse grandement à désirer (imprécisions, sources manquantes, etc.).
> Une complicité gagnante. Les plus assidus des experts regardent ce que font les novices, en particulier les sujets qui les intéressent le plus. Sentant l'apparition d'une "tendance", ils en viennent à contribuer à ces sujets-là, sujets que, sinon, ils n'auraient jamais considéré. Et c'est comme ça que Wikipédia est devenu si pertinent : une certaine forme de complicité est née, peu à peu, entre novices et experts, si bien que les articles les plus lus sont, finalement, les mieux rédigés et les plus complets, vu qu'ils combinent la passion des novices à la connaissance des experts.
Fascinant, n'est-ce pas? Wikipédia est aujourd'hui d'une redoutable efficacité parce que son contenu découle d'une collaboration parfaite entre novices et experts. Et ce, sans aucune supervision particulière : il n'y a aucun manager qui incite, par exemple, les uns à œuvrer de concert avec les autres; tout cela se fait le plus naturellement du monde. Autrement dit, le succès de Wikipédia résulte en grande partie du fait qu'il marie la jeunesse à l'expérience.
Là, vous me voyez venir :
> Qui entend motiver les X et les baby-boomers de son équipe à briller au bureau se doit d'y intégrer des jeunes (Y, C, etc.) et de les inciter à apporter leur touche personnelle à l'œuvre commune. Pourquoi? Parce que de leur inexpérience naîtra l'envie des expérimentés de corriger le tir, et mieux, de se lancer dans des directions que, sinon, ils n'auraient jamais tenté d'explorer. En conséquence, les jeunes gagneront en expérience et les expérimentés, eux, renoueront avec le plaisir de travailler, allant de nouveauté en nouveauté.
En passant, le pamphlétaire français Antoine de Rivarol disait : «L'ignorance fait tout le plaisir et toute la fraîcheur des premières sensations».
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