BLOGUE. Dès qu'on commence à assumer des responsabilités, on réalise qu'il ne nous sera possible d'atteindre nos objectifs qu'à une condition : déléguer certaines de nos tâches. Car il est alors impossible de tout mener de front avec efficacité. Le hic? C'est qu'on ne sait jamais comment déléguer au mieux.
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En effet, il nous faut répondre à des interrogations aussi vitales que «Dois-je confier ce dossier à Untel ou à Unetelle?», ou encore «Dois-je lâcher telle tâche ou telle autre?». Et nous nous disons que les réponses ne peuvent être données qu'au cas par cas. Qu'il n'y a pas vraiment de méthode pour confier notre travail à autrui.
Et ce faisant, nous nous trompons. Oui, nous nous trompons, car il existe une telle méthode. Je l'ai dénichée dans une étude intitulée Delegation and performance, signée par Olena Senyuta, professeure d'économie à l'European University Institute de San Domenico di Fiesole (Italie).
La chercheuse a noté que depuis la crise des subprimes – comprendre : prêts hypothécaires à risque – qui a sévi en 2007 aux États-Unis et qui s'est vite transformée en récession économique planétaire, les banques ont eu tendance à déléguer de moins en moins de pouvoirs aux succursales. Du moins, en matière de prêts. D'où l'interrogation de Mme Senyuta : cela a-t-il amélioré ou détérioré la performance des banques?
Pour s'en faire une idée, elle a concocté un modèle de calcul économétrique visant à déterminer la performance globale des banques, du point de vue de ses prêts, en fonction des différents degrés de pouvoirs accordés aux succursales. Ce modèle permet d'évaluer l'impact sur la performance – tant quantitatif que qualitatif – des différentes politiques de délégation envisageables. Ce qui va du contrôle total de la part du siège social à l'exact inverse, à savoir la liberté totale en matière de prêts pour toutes les succursales.
Puis, la chercheuse a mis la main sur l'ensemble des données financières d'une institution financière européenne dont l'identité n'a pas été dévoilée, entre 2004 et 2008. Elle s'est penchée sur tout ce qui avait trait aux prêts : montants, durées, succursales émettrices, gains empochés par les succursales, etc.
Enfin, elle a combiné le tout, histoire de voir si les décisions prises en matière de prêts avaient été optimales, ou pas. Et ce, tout simplement en comparant les performances enregistrées et celles qui auraient pu être si la succursale avait eu plus, ou moins, d'autonomie par rapport au siège social.
Résultats? C'est très simple :
> Du pour. Plus on délègue, plus la performance s'apprécie du point de vue quantitatif. C'est-à-dire que plus les succursales sont autonomes par rapport au siège social, plus elles accordent de prêts et plus ceux-ci sont élevés.
> Du contre. Plus on délègue, plus la performance se déprécie du point de vue qualitatif. C'est-à-dire que plus les succursales sont autonomes par rapport au siège social, moins les prêts qu'elles accordent sont rentables pour la banque.
Autrement dit, plus on délègue, plus les autres travaillent fort, mais plus aussi leur productivité se met à décliner. Ce qui signifie qu'on ne doit surtout pas s'attendre à voir les autres demeurer aussi efficaces qu'auparavant, à mesure qu'on leur attribue de nouvelles missions et responsabilités. Mieux vaut dès lors anticiper une diminution relative de l'efficacité des autres.
Que retenir de tout cela? Un truc ultrasimple :
> Qui entend déléguer avec brio doit baisser d'emblée ses attentes de résultats. Les autres, alourdis par les nouvelles missions et responsabilités, ne pourront pas briller par une performance exceptionnelle comme auparavant. Et c'est normal. À moins, peut-être, de leur accorder en même temps des ressources supplémentaires conséquentes.
En passant, le poète grec Hésiode disait : «Confiance et défiance sont également ruine de l'homme».
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