Cela vous est sûrement déjà arrivé. Un beau jour, un collègue que vous connaissez bien agit, à vos yeux, de manière totalement incompréhensible. Il commet une bévue monumentale, ce qui ne lui arrive jamais. Il se fait porter pâle, ce qui n'est pas son style. Ou encore, il lance en pleine réunion une idée absconse, ce qui ne lui correspond pas du tout. Que se passe-t-il? Ou plutôt, que lui arrive-t-il? Mystère.
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Mystère, vraiment? En vérité, votre surprise vient du fait que vous n'avez pas su repérer les petits signes avant-coureurs envoyés, à son insu, par le collègue en question. De tout petits signes. Presque imperceptibles. Mais des signes tout de même. Des signes qui peuvent prendre de multiples formes liées à une nervosité accrue à l'approche, par exemple, de la fatidique réunion : battements des paupières plus nombreux qu'à l'habitude, accélération de la respiration, frottements inhabituels des tempes, etc.
Du coup, lorsque le drame finit par se produire, vous tombez des nues. Vous n'en croyez pas vos yeux. Vous n'en croyez pas vos oreilles. Et vous êtes prêts à jurer que vous n'avez rien vu venir. Mais voilà, vous vous trompez lourdement sur ce dernier point. Car si vous aviez été un peu plus attentif aux autres, vous auriez "flairé" que quelque chose ne tournait pas rond. Ce qui est une qualité fondamentale pour tout manager ou leader qui se respecte, il va sans dire.
Comment y parvenir? Comment être plus vigilant quant aux petits signes envoyés inconsciemment par ceux qui vous entourent? Eh bien, j'ai une bonne nouvelle pour vous aujourd'hui : il existe un moyen ultrasimple d'y arriver. Oui, ultrasimple, je le souligne.
Ce moyen, je l'ai déniché dans une étude intitulée Brief mindfulness meditation improves mental state attribution and empathizing. Celle-ci est signée par trois professeurs de psychologie : Lucy Tan, de l'Université du Queensland à Brisbane (Australie); Barbara Lo, de l'Université de Hong Kong (Chine); et Neil Macrae, de l'Université d'Aberdeen (Grande-Bretagne).
Les trois chercheurs ont demandé à 72 volontaires de se prêter à deux expériences. Avant chacune d'elles, il leur avait été demandé de se livrer à un petit exercice préparatoire. Il s'agissait de s'isoler dans un cubicule, de s'asseoir, de mettre un casque sur les oreilles et de suivre les indications qui leur seraient données :
– Vraie méditation. La moitié d'entre eux devaient fermer les yeux, se détendre et se concentrer sur leur respiration pendant cinq minutes. Il leur était précisé que si jamais une idée, quelle qu'elle fut, leur venait en tête, ils devaient l'écarter pour se reconcentrer sur leur respiration. Pour information, cela correspond à une approche basique de la méditation, celle qui est préconisée pour tout débutant en matière de méditation.
– Fausse méditation. Pour l'autre moitié, il fallait également fermer les yeux, se détendre et se concentrer sur leur respiration pendant cinq minutes. Cela étant, il leur était précisé que si jamais une idée, quelle qu'elle fut, leur venait en tête, ils devaient la graver dans leur mémoire, et agir de la sorte pour chaque nouvelle idée. Pour information, cela correspond exactement à ce qu'il ne faut pas faire lorsqu'on médite : l'important est de se détacher des idées parasites, non pas de s'y accrocher.
Point important : aucun participant n'avait déjà, dans sa vie, pratiqué la méditation. Si bien que tous avaient pensé avoir fait un peu de méditation, alors que ce n'était vrai que pour la moitié d'entre eux.
Ensuite, chacun a dû exécuter deux tâches :
– Décoder des émotions. Analyser successivement 36 dessins de paires d'yeux afin de déterminer l'émotion qu'elles exprimaient, soit la haine, la jalousie, l'arrogance ou la panique.
– Ressentir de l'empathie. Regarder un dessin animé de 90 secondes montrant trois personnages jouant au jeu cyberball, dans lequel le personnage prénommé Anne ne joue guère parce que les autres ne lui passent quasiment jamais la balle. Puis, rédiger à la main une courte lettre à l'attention d'Anne pour lui exprimer tout ce qu'ils ressentaient pour elle.
Résultats? Les voici, clairs comme de l'eau de roche :
> Avantage à la méditation. Ceux qui ont vraiment médité ont nettement mieux décodé les émotions d'autrui que les autres.
> Avantage encore à la méditation. Ceux qui ont vraiment médité se sont montrés nettement plus empathiques que les autres.
La leçon qu'on peut en tirer est évidente :
> Qui entend mieux comprendre ses collègues se doit de méditer un peu tous les jours. Et ce, même si vous n'avez jamais médité de votre vie. À noter que si ce n'est pas vraiment possible dans votre quotidien au travail, cela peut se faire stratégiquement juste avant un temps fort de la semaine (une réunion importante, une rencontre cruciale, etc.). Pourquoi? Parce qu'après avoir fait le calme en soi, on est plus réceptif que jamais à autrui, en particulier aux petits signes que les autres nous envoient à leur insu, petits signes que nous avons, malheureusement, pris l'habitude de ne jamais considérer.
En passant, l'écrivain belge Jean-Pierre Otte a dit dans Un cercle de lecteurs autour d'une poêlée de châtaignes : «C'est seulement dans l'effacement de soi que l'on peut, par empathie, percevoir la réalité de l'autre».
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