L'un des membres de votre équipe, voire toute votre équipe, a commis une gaffe. Une vraie gaffe. Une énorme gaffe. Oui, une gaffe dont on se demande bien comment il sera possible, un jour, de s'en remettre.
Du coup, la ou les personnes concernées se sentent coupables, voire honteuses. Elles sont assaillies par un flot d'émotions terriblement négatives, pour ne pas dire douloureuses. Et elles s'en trouvent paralysées, pour longtemps, c'est certain.
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Comment remédier à une telle paralysie? À une telle chute annoncée de la productivité de cette ou ces personnes-là? Eh bien, la bonne nouvelle du jour, c'est qu'il y a moyen de s'extirper de ce piège. Comme l'explicite une étude intitulée Emotions shape decisions through construal level: The case of guilt and shame, laquelle est signée par trois professeurs de marketing : DaHee Han, de l'Université McGill à Montréal (Canada); Adam Duhachek, de l'École de commerce Kelley à Bloomington (États-Unis); et Nidhi Agrawal, de l'École de commerce Foster à Seattle (États-Unis).
Les trois chercheurs se sont intéressé à la manière dont chacun de nous prend une décision lorsqu'il se sent soit coupable, soit honteux de quelque chose de moche. Et ce, sachant que ces deux émotions, qui semblent à première vue similaires, ne le sont pas tant que ça, en vérité :
> Coupable. Lorsqu'on se sent coupable, on ressent une émotion négative par rapport à une action que nous avons entreprise, une action qui s'est traduite par un désastre alors qu'il n'était pas dans notre intention première d'en arriver à ce résultat-là.
> Honteux. Lorsqu'on se sent honteux, on ressent une émotion négative par rapport à nous-même, c'est-à-dire par rapport à l'image que nous avons de nous-même et par rapport à celle que nous pensons que les autres ont de nous. C'est que nous avons effectué un geste qui n'est pas, selon nous, digne de nous-même, et nous nous en mordons les doigts à en pleurer de douleur.
Autrement dit, la culpabilité est en lien avec quelque chose d'externe à nous-même tandis que la honte, elle, est reliée à quelque chose d'interne. Ce qui fait toute une différence, on en convient. Par exemple, on se sent coupable, mais pas honteux, quand, en voyage d'affaires, on fait tomber l'ordinateur portable du bureau dans l'eau de la piscine de l'hôtel, et en revanche, on se sent honteux, mais pas coupable, quand on rate, en raison d'une lamentable bévue, la signature d'un contrat juteux.
Les trois chercheurs ont ainsi procédé à quatre expériences, l'idée étant de voir dans quelle mesure la culpabilité et la honte avaient une incidence sur notre prise de décision. Et par suite, d'identifier les moyens à mettre en œuvre pour contrer ces éventuels effets indésirables.
Qu'ont donné ces expériences? Ceci :
> La culpabilité mène à la concrétisation. Lorsqu'on se sent coupable, notre cerveau a tendance à se concentrer sur les objets ou les informations qui sont à proximité. Il cherche à se rattacher à tout ce qui est concret. Pourquoi? Parce que pour renouer avec l'équilibre, il lui faut s'agripper à quelque chose de faisable, de concrètement réalisable. Quelque chose qui pourra nous permettre de laver notre conscience comme Ponce Pilate s'était lavé les mains du sort de Jésus.
> La honte mène à l'abstraction. Lorsqu'on se sent honteux, notre cerveau a tendance à se concentrer sur les objets ou les informations qui sont au loin. Il cherche à se rattacher à tout ce qui est abstrait. Pourquoi? Parce que pour renouer avec l'équilibre, il lui faut s'agripper à quelque chose de désirable, de furieusement enviable. Quelque chose qui pourra nous permettre de retrouver une belle image de nous-même.
En conséquence, les émotions vives et négatives orientent le flux de nos pensées, au point de biaiser nos décisions à ce moment précis. Elles orientent nos choix, à notre insu. Ainsi, quand on se sent coupable, on a un faible pour tout ce qui est concret : on optera plus facilement pour ce qui donnera des résultats à court terme que pour ce qui donnera des résultats à moyen et long termes (au restaurant, on choisira la poutine – plaisir immédiat, mais discutable quant à ses bienfaits sur notre santé – à la salade niçoise – choix santé –, par exemple). Et quand on se sent honteux, le phénomène inverse se produit, si bien qu'on aura tendance à privilégier la salade niçoise à la poutine.
L'intérêt de tout ça, c'est qu'il en découle des trucs ultrasimples pour remettre sur les rails un employé, voire une équipe, victime de la culpabilité ou de la honte. Comme ceux-ci :
> Face à la culpabilité. Quand la personne concernée souffre de la culpabilité, confiez-lui de nouvelles missions à atteindre, mais pas n'importe lesquelles : il est fondamental que ce soit des missions à court terme. Car cela lui donnera l'occasion de corriger le tir de la meilleure façon qui soit pour elle.
> Face à la honte. Quand la personne concernée souffre de la honte, confiez-lui de nouvelles missions à atteindre, mais pas n'importe lesquelles : il est fondamental que ce soit des missions à moyen et long termes. Car cela lui donnera l'occasion de corriger le tir de la meilleure façon qui soit pour elle.
Subtil, n'est-ce pas? Bien entendu, il n'est pas nécessaire que ces missions-là soient d'importance. Ce qui compte, en fait, c'est de stopper le flux de pensées négatives qui se déverse sur la personne concernée, puis de lui donner la possibilité de renouer avec des pensées plus plaisantes. Petit-à-petit. À son propre rythme.
En passant, le peintre néerlandais Vincent van Gogh a écrit dans une de ses lettres à son frère Théo : «N'oublions pas que les petites émotions sont les grands capitaines de nos vies, et qu'à celles-là nous obéissons sans le savoir».
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