La catastrophe. Celle qui occupe vos pires cauchemars depuis des lustres, oui, celle-là, vient de survenir. Sous vos yeux éberlués. Et vous voilà maintenant aux premières loges pour tenter d'en venir à bout.
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Que faire? Comment résister à l'envie de prendre vos jambes à votre cou pour fuir le désastre? Ou bien, comment ne plus être tétanisé par la peur qui vous étreint? Ou au contraire, comment arrêter de courir en tous sens, à l'image d'une poule qui aurait perdu la tête? Bref, comment agir adéquatement?
J'ai eu une très belle réponse à toutes ces interrogations lors d'une étude de cas présentée à la Grande Conférence Les affaires sur la communication de crise qui s'est tenue la semaine dernière à Montréal. Celle-ci était dévoilée par Alison George, vice-présidente, de l'agence torontoise Argyle Communications. Elle concernait la crise du beurre d'arachide qui avait secoué les États-Unis il y a un peu plus de cinq ans et qui avait vu un homme braver la tempête médiatique, Patrick Archer, le président de l'American Peanut Council (APC).
Un petit retour dans l'Histoire s'impose… Le 25 novembre 2008, le Centre de contrôle et de prévention des maladies (CDC), un réseau d'agences sanitaires américaines, déclenche l'alarme : la salmonelle, une bactérie alimentaire, a contaminé nombre de produits fabriqués à partir de beurre d'arachide. Des infections auraient été enregistrées dans une douzaine d'États.
Cela tourne vite au cauchemar. En l'espace de quelques semaines, près de 700 personnes sont contaminées dans une quarantaine d'États, 20% d'entre elles doivent être hospitalisées et neuf d'entre elles décèdent. La salmonellose touchant en général plus gravement les personnes âgées et les enfants, la panique souffle en furie au sein des résidences pour personnes âgées et des écoles. Du coup, plus de 4 000 produits de 400 marques différentes sont rappelés (barres nutritives, gâteaux, sucreries, etc.) chez nos voisins du Sud, et, à moindre échelle, au Canada aussi.
Bien entendu, tout le monde se met à chercher le coupable. La firme Peanut Corporation of America (PCA) est vite désignée, puis poussée à la faillite en février 2009. Des reportages avaient dévoilé des conditions d'hygiène déplorables dans une de ses usines de Géorgie : rats, moisissures sur les outils et dans les chambres froides, etc.
Voilà. On imagine bien la crise qui a alors secoué toute l'industrie américaine du beurre d'arachide. C'est bien simple, jamais les États-Unis n'avaient procédé à un rappel de produits aussi massif!
Et Patrick Archer, dans tout ça? Eh bien, du jour au lendemain, il s'est retrouvé au front, en tant que président d'un des principaux regroupements de producteurs et d'exploitants de cacahuètes des États-Unis. Et ce, alors qu'il y était nullement préparé : il n'avait jamais prévu la moindre crise à gérer et n'avait personne dans son entourage pour l'épauler dans un tel cas. C'est pourquoi il a fini par contacter Argyle Communications, en pleine nuit, alors qu'il n'en pouvait plus de répondre comme il le pouvait aux demandes incessantes des médias américains. Il lui fallait de l'aide, et vite!
Alison George lui a conseillé d'œuvrer en quatre étapes…
1. Se calmer et observer
La priorité des priorités consiste à prendre une grande respiration, histoire de se calmer. Puis, il convient d'établir les faits. Les faits, rien que les faits. Car toute crise se nourrit de rumeurs et autres raisonnements oiseux déconnectés de la réalité. C'est pourquoi il est nécessaire de prendre le temps d'identifier ce que l'on sait vraiment sur ce qui s'est passé et sur ce qui est en train de se passer. Même si les faits sont peu nombreux. Et même si tout le monde est en mode panique.
Cela fait, il faut repérer les groupes de personnes impliquées dans la crise. C'est-à-dire le ou les responsables avérés de la crise (quand c'est possible), le premier cercle de victimes autour de lui (clientèle, partenaires d'affaires, etc.), puis les cercles suivants de victimes collatérales (industries connexes, etc.).
À cela s'ajoute d'autres acteurs influents, comme les médias. Parmi ces derniers, il peut être pertinent de distinguer les médias spécialisées (qui ne s'adressent qu'aux professionnels de l'industrie touchée par la crise) et les médias généralistes (quotidiens, stations de radio, chaînes de télévision, etc.). Pourquoi? Parce que la façon de s'adresser à eux peut varier.
2. Analyser
Une fois la carte des acteurs et des enjeux dessinée, il faut y apporter des flèches, comme le font les stratèges lors d'une guerre terrestre ou lors d'un match de soccer. C'est-à-dire qu'il faut indiquer quels mouvements faire collectivement pour atteindre le but commun, qui est de mettre fin à la crise. Bref, il faut concevoir un plan de contre-attaque.
L'idéal est dès lors d'identifier les "points faibles" du camp adverse, à savoir du côté du responsable de la crise et de ceux qui cherchent à en tirer partie. Qu'entend-on par point faible? «Dans le cas présent, il s'agissait de dénoncer clairement le mouton noir de l'industrie – le fabricant responsable de la salmonellose – ainsi que ses agissements irresponsables. Il ne fallait surtout pas donner l'impression d'une quelconque solidarité entre producteurs de beurre d'arachide, car toute l'industrie en aurait pâti», a dit Mme George.
Cela étant, il ne fallait pas non plus dénoncer le fautif comme tous les autres le faisaient, car cela aurait pu être interprété comme un lynchage en public. Non, il fallait bien regarder ce que les autres joueurs de l'industrie disaient déjà pour apporter son propre point. Ce qui n'est pas une mince affaire…
3. Communiquer
Une fois le plan établi, il faut passer à l'action. Sans broncher. Ce qui peut se faire en trois temps :
> Bâtir une équipe de communication solide. Celle-ci doit avoir un porte-parole désigné et des personnes dédiées à temps plein à l'appuyer (pour faire des recherches, pour assurer une veille de l'actualité, pour répondre aux questions et aux rumeurs diffusées via les médias sociaux, etc.).
> Suivre le plan. L'équipe de communication doit déployer les forces prévues par le plan de contre-attaque, en veillant à ce qu'elles atteignent à chaque fois les buts visés. Pour ce faire, chacun doit avoir une idée en tête : devenir la principale source d'informations pour tous ceux qui sont impliqués dans la crise, soit la source la plus fiable, et donc celle qui est incontournable.
> S'adapter. Bien entendu, des imprévus ne manqueront pas de survenir. Il faut donc que l'équipe de communication soit prête à y faire face au mieux.
4. Évaluer
Chaque avancée et chaque recul par rapport au plan de contre-attaque doit être soigneusement évaluée. Pourquoi? Parce que l'issue de l'offensive en dépend. Et ce, jusqu'à la toute fin, jusqu'à ce que la crise soit résolue.
«L'important est de garder le lead tout du long, quoi qu'il advienne! C'est essentiel. Même si, en toute honnêteté, je peux vous confier que c'est là une Mission: Impossible. Car un acteur d'une crise ne pourra jamais, à lui seul, tout prendre en mains et trouver LA solution. Néanmoins, il est crucial de montrer à tous qu'on a à cœur de trouver une solution et d'en être l'un des acteurs principaux», a expliqué Mme George.
Aujourd'hui, Patrick Archer est toujours à la tête de l'APC et est ressorti grandi de la crise qui a secoué toute l'industrie de la cacahuète aux États-Unis. Il a su en effet faire preuve d'un leadership hors-pair. Une source d'inspiration – qui sait? – pour vous-mêmes…
En passant, l'écrivain et théologien français Fénelon a dit dans Les Aventures de Télémaque : «La vrai courage ne se laisse jamais abattre».
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