Google. Une aura de mystère et de secret enveloppe ce nom. On sait que c'est là que se dessine le monde technologique de demain, pour ne pas dire notre avenir. Et on s'imagine qu'il n'y a aucune limite aux idées qui y sont développées. Absolument aucune. Il paraît même que Google X, le laboratoire confidentiel de la firme de Mountain View, planche actuellement sur rien de moins que l'immortalité de l'esprit…
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Il y a une décennie à peine, certains se demandaient encore comment Google pouvait espérer faire de l'argent avec un bête moteur de recherche sur Internet. Ceux-là n'avaient rien vu venir, et n'en croient toujours pas leurs yeux : des voitures qui se conduisent toutes seules, et mieux que des humains, en Californie; des paires de lunettes, et bientôt des lentilles, qui permettent de voir la réalité de façon améliorée; des nuées de ballons gonflables qui vont permettre de rester connecté partout sur la planète; le projet Ara, qui va permettre à chacun d'entièrement personnaliser son cellulaire, ce qui devrait casser le prix des appareils; etc.
La question saute aux yeux : comment s'y prend Google, au juste, pour voler ainsi de succès en succès? Mieux, pour changer radicalement la donne dans chaque secteur d'activité dans lequel il déboule sans prévenir? Eh bien, si vous vous posez vraiment ces questions-là, j'ai une nouvelle sensationnelle pour vous! Oui, sensationnelle.
Eric Schmidt, le président du conseil de Google, vient de lancer un livre intitulé How Google Works. Un ouvrage qu'il a ressenti la nécessité de faire, tant il se faisait harceler par des questions à ce sujet, partout où il mettait les pieds. Et vous savez quoi? Il a eu la gentillesse de partager auprès de ses amis Facebook, dont j'ai l'honneur de faire partie, la présentation qu'il a concoctée en lien avec ce livre.
Pour vous, donc, voici cette présentation, dans son intégralité. Et pour ceux qui manqueraient de temps pour la consulter, j'ai même préparé un résumé, en français. Cadeau!
> Acceptez de muter
Pour commencer, une mise en contexte. De nos jours, le pouvoir a muté, indique M. Schmidt : il n'est plus entre les mains de l'entreprise, mais entre celles du consommateur. Et il est impératif d'en prendre conscience, si l'on entend perdurer dans le monde des affaires.
Ce n'est pas tout! Le pouvoir a également muté au sein de l'entreprise. Car les individus et les petites équipes peuvent aujourd'hui avoir un impact massif, ce qui n'était pas vraiment le cas auparavant. Ils peuvent en effet avoir des idées neuves, les expérimenter, échouer, réessayer et finalement connaître un succès planétaire.
En conséquence, les personnes qui ont maintenant le vrai pouvoir, ce sont celles que M. Schmidt désigne comme les "créatifs brillants". Soit les personnes qui combinent à la fois :
– Compétence technologique;
– Sens des affaires;
– Et créativité.
«Ces personnes-là peuvent faire des choses hallucinantes, à une vitesse elle-même hallucinante», souligne-t-il.
Le hic? Les entreprises, la plupart du temps, ne sont pas adaptées à ce genre de personnes. C'est que la haute-direction :
– Rechigne à partager avec les employés des données pourtant nécessaires pour innover;
– Trouve que les échecs lui coûtent cher;
– Ne voit pas l'intérêt de délibérer de l'avenir de l'entreprise avec les employés;
– Tient à garder le contrôle sur les décisions d'importance.
«Les entreprises visent avant tout à minimiser les risques, alors qu'il leur faut plutôt maximiser la liberté et la rapidité d'exécution de chacun», résume M. Schmidt.
> Évoluez simplement
On le voit bien, il faut changer pour rester dans la course. Il faut, en fait, évoluer. Heureusement, ce n'est pas là Mission: Impossible, comme vous allez vous en rendre compte.
Il convient dès lors de procéder en deux temps :
– Recruter des créatifs brillants.
– Offrir à ces créatifs brillants un environnement propice à leur épanouissement.
Commençons par le recrutement. Pour attirer ce genre de personnes, il faut les appâter avec une culture d'entreprise particulière. Une culture dont ils sentent qu'ils peuvent contribuer à faire grandir, et donc sur laquelle ils peuvent avoir une vraie influence. Une culture en laquelle vous croyez vous-même de manière viscérale.
Séduire ne suffit pas, bien entendu. Par la suite, il faut tenir ses promesses. Pour ce faire, l'idéal, d'après le président du conseil de Google, est de faire travailler chacun au sein d'une petite équipe. Disons, de 6 à 8 personnes. Et surtout, de permettre à chaque équipe d'établir des connexions avec les autres, mais pas n'importe quel type de connexions, des connexions inattendues.
Inattendues? M. Schmidt utilise le mot anglais de serendipity, qui n'a pas, je trouve, de bonne traduction en français. Ce terme concerne tout ce qui se produit de bénéfique, mais de manière purement accidentelle. Souvent, par exemple, on dit qu'une découverte scientifique est accidentelle : le chercheur cherchait quelque chose de précis, et a finalement provoqué une série d'événements qui ont débouché sur tout autre chose, d'encore mieux que ce qu'il désirait trouver. Comme cela s'est produit pour la pénicilline, le Post-It, ou encore le Velcro.
Il faut donc encourager les connexions inattendues entre équipes. Ce qui peut se faire en organisant l'entreprise autour des personnes dont l'impact potentiel est a priori le plus grand. Concrètement, quand une équipe planche sur un projet audacieux, le réflexe de la haute-direction est en général de l'isoler pour s'assurer qu'il ne se produise pas de fuite ou d'interférences avec d'autres équipes; et c'est une erreur, il faut au contraire s'arranger pour que les membres de cette équipe soient en contact, le plus possible, avec d'autres.
> Laissez tomber les plans
Autre erreur monumentale, que tout le monde commet pourtant : le plan. Dès qu'on a un projet ambitieux, on a le réflexe d'établir un plan pour le mener à bien. Autrement dit, de créer un environnement de travail encadré. Et c'est là agir de manière «totalement ridicule», selon M. Schmidt. «Les plans, comme on apprend à les faire en cours de MBA, ne présentent aucun intérêt. Aucun. Car ils ne font qu'une chose : freiner la liberté de chacun, et donc sa flexibilité, son efficacité, sa créativité», lance-t-il.
Ce qui compte vraiment, et ce que tout le monde ignore royalement, c'est que tout projet doit reposer sur des fondations, et non sur un plan. Des fondations qui, elles, doivent être stables. Ce qui est possible dès lors qu'elles reposent simultanément sur les trois pierres angulaires suivantes :
– Innovation. Cherchez à mettre au point un produit ou un service encore jamais réalisé et qui pourrait vraiment changer la vie d'un grand nombre d'utilisateurs. Chez Google, la question qui tue pour chaque nouveau projet soumis, c'est «Est-ce que ça peut changer la vie d'un milliard de gens sur la planète?»; si jamais la réponse est négative, on laisse aussitôt tomber l'idée.
– Croissance. Cherchez la croissance, non pas les revenus. C'est-à-dire qu'il vous faut avoir dans les yeux non pas des dollars, mais votre propre développement et celui de vos clients.
– Concurrence. Sachez ce que fait la concurrence, mais ne cherchez surtout pas à la suivre.
> Prenez vos décisions tout autrement
On l'a vu, il est crucial que les créatifs brillants disposent d'une grande marge de manœuvre. En particulier en matière de prise de décision. Qu'est-ce à dire, au juste? Qu'il faut que chacun sente qu'il est en mesure de faire, à lui seul, une vraie différence.
Ainsi, l'erreur que tout le monde commet, c'est de chercher le consentement de chacun. C'est-à-dire de faire en sorte que chacun accepte l'idée prédominante et, au besoin, s'y plie. Alors que ce qu'il faut, en vérité, c'est chercher le consensus. «Prendre collectivement une bonne décision, c'est non pas de faire acquiescer tout le monde, mais d'entendre chacun et d'amener chacun à se rallier à la meilleure idée émise», explique-t-il.
Tout cela présuppose une chose : le leader de l'équipe doit exceller dans la communication. «Il doit se comporter en CIO, soit en Chief Innovation Officer. En quelqu'un qui ne cherche pas à contrôler l'innovation au sein de son équipe, mais à rendre l'innovation possible. Et donc à lever toutes les barrières. Car les idées viennent de partout, de nos jours. Vraiment de partout», poursuit-il.
Voilà. Le secret de l'efficacité exceptionnelle de Google est maintenant en partie levé. Avec, à la clé, des conseils pratiques fort utiles pour qui entend améliorer la performance de son équipe.
En passant, le poète québécois Félix Leclerc aimait à dire : «Il y a plus de courage que de talent dans la plupart des réussites».
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