BLOGUE. Qu'est-ce qui vous séduit tant que ça dans les médias sociaux comme Facebook, Twitter et autres LinkedIn? Le fait d'exprimer votre opinion et de la partager avec toutes les personnes qui sont dignes d'intérêt? Et donc, en un sens, d'être quelque part quelqu'un d'influent? Allez, soyez sincère, reconnaissez que j'ai vu juste.
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Mais voilà, vous êtes-vous déjà posé la question suivante : «Est-ce vous qui influencez les autres via les médias sociaux, ou l'inverse, à savoir que la masse des autres finit par vous influencer?» Eh oui, peut-être êtes-vous, à votre insu, l'arroseur arrosé…
Comment le savoir? C'est justement ce que s'est demandé Yasuaki Sakamoto, un chercheur de l'Institut de technologie Stevens (États-Unis) spécialisé dans la prise de décision. Il a concocté pour cela une expérience très simple, mais riche en enseignements.
M. Sakamoto a demandé à 207 membres de la communauté en ligne Mechanical Turk d'Amazon de noter l'intérêt, à leurs yeux, de six articles tirés d'une autre communauté virtuelle, en l'occurrence Digg. Les participants à l'expérience ont été répartis en deux groupes.
D'un côté, ceux qui avait comme information la moyenne des notes déjà attribuées par des internautes à chacun des articles (par exemple, ils savaient que la moyenne était de 2, sachant qu'il était possible de noter de 1 – «extrêmement ennuyeux» – à 5 – «extrêmement intéressant»). De l'autre, ceux qui savaient combien d'internautes avaient aimé l'article (par exemple, un article affichait le chiffre de 82 J'aime, et un autre, 2 377 J'aime). Bien entendu, à chaque groupe correspondait ce qu'on appelle un groupe de contrôle, afin d'évaluer l'influence éventuelle de telle ou telle information.
Que s'est-il passé? Ces infimes informations, présentées en douce, sans aucune ostentation, ont-elles moindrement influencé les participants à l'expérience? Voici les résultats :
> Influencés. Les membres du groupe qui avaient sous les yeux la note moyenne avant d'attribuer eux-mêmes une note ont été influencés. Ils ont grosso modo fait coller leurs notes à celles qu'ils voyaient, et donc cédé à la pression sociale. Plus précisément, ils se sont servis de la moyenne des notes des autres comme d'une référence à partir de laquelle ils ont fait leur propre évaluation.
> Pas influencés. Les membres de l'autre groupe, en revanche, n'ont aucunement été impressionnés par le fait qu'il y avait beaucoup, ou très peu, de gens qui avaient aimé l'article à noter. Ils n'en ont pas tenu compte.
Comment expliquer une telle divergence? Réfléchissons un peu… La différence entre les deux groupes réside dans une seule chose, la présentation de l'information. Quand l'information fournie correspond exactement à la tâche demandée (on est exposé à une note avant d'avoir à mettre soi-même une note), nous nous laissons influence. Par contre, quand l'information fournie n'a rien à voir avec ce que l'on a à faire (on est exposé à des J'aime alors qu'on doit mettre une note), notre cerveau ne considère pas cette donnée comme pertinente. Par conséquent, la divergence de comportements s'explique tout bonnement par la similarité.
L'air de rien, cette trouvaille a une grande implication : si l'on souhaite résister à la pression sociale – autrement dit, faire preuve d'indépendance d'esprit lorsqu'il nous faut prendre une décision –, le mieux est d'écarter volontairement toute donnée correspondant exactement à ce qu'ont fait d'autres dans une même situation.
Prenons un cas concret… Nouveau dirigeant d'une équipe, vous devez évaluer pour la première fois les membres qui la composent. Il vaudrait alors peut-être mieux ne pas demander aux ressources humaines de vous communiquer leurs évaluations précédentes, car vous auriez le réflexe inconscient de vous baser sur ce qui a été déjà dit sur eux. C'est aussi simple que ça.
Bref, on peut retenir de l'étude de M. Sakamoto que :
1. La popularité n'est pas un gage de qualité. Ce n'est pas parce qu'un grand nombre de gens apprécient une chose que c'est cette chose dont vous avez besoin. Vous aurez – c'est inévitable – le réflexe conditionné d'être porté à l'apprécier comme les autres, mais prenez garde à ce réflexe autant que faire se peut.
2. L'individualité est une échappatoire. Si vous voulez vraiment avoir un jugement indépendant, prenez l'habitude de vous dégager des mouvements de masse et autres "tendances", en tentant d'avoir toujours un temps d'avance sur les autres. Car lorsqu'on est en tête, forcément, on n'est plus englué dans le groupe.
3. L'isolement n'est pas pour autant une bonne solution. Se couper des autres n'a jamais rien de bon pour les animaux sociaux que nous sommes. Il convient donc, pour faire de bons choix, de s'informer auprès d'autrui. Mais au lieu de chercher à savoir ce que feraient, dans un tel cas, la majorité des gens, tentez plutôt d'obtenir les conseils de deux ou trois personnes avisées.
En passant, Ambrose Bierce a dit dans son Dictionnaire du diable : «Imbécile : Membre d'une grande et puissante tribu, dont l'influence dans les affaires humaines a toujours été prééminente».
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