BLOGUE. Au travail, nous sommes tous amenés à rédiger des textes. Que ce soit un courriel qui se doit d'être bien présenté, une note de service qui se doit d'être compréhensible, ou encore un rapport qui se doit d'être clair et exhaustif. Et pour nombre d'entre nous, c'est la croix et la bannière. Pas vrai?
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La bonne nouvelle du jour, c'est qu'il existe des trucs pour bien écrire. J'en ai d'ailleurs récemment déniché de fort utiles, qui étaient cachés depuis des années au fin fond d'une bouquinerie du Plateau. Il s'agit d'un petit bouquin intitulé Mes dix règles d'écriture signé par Elmore Leonard, un romancier et scénariste américain de génie qui nous a quitté l'été dernier. Celui-ci y présente des pièges dans lesquels nous tombons trop souvent et qui font que nos textes sont la plupart du temps médiocres.
Quels pièges? Les voici résumés…
1. Ne commencez jamais un livre en commençant par la météo
Que veut dire Elmore Leonard par là? Qu'il est vital d'aller droit au but si l'on veut attirer l'attention du lecteur. Trop souvent, nous commettons l'erreur de donner le contexte dans lequel on est – dans le cas d'un roman, de décrire le décor, voire de donner la météo – alors que ce n'est pas ce qui est vraiment intéressant. Mieux vaut, en effet, donner directement l'information importante, puis donner les détails nécessaires à la bonne compréhension de celle-ci, comme le contexte, si l'on y tient absolument.
2. Évitez les prologues
Elmore Leonard enfonce ici le clou. Rien ne sert de donner de longues introductions et autres explications sur l'intérêt de l'information que l'on s'apprête à donner. Le lecteur est intelligent, il verra tout de suite, et de lui-même, l'importance de l'information. Pas besoin de lui prendre la main pour qu'il vous suive.
3. N'utilisez jamais d'autre verbe que "dire" pour accompagner les dialogues
«Le dialogue appartient au personnage; le verbe, c'est l'auteur qui vient mettre son grain de sel, explique-t-il. Cependant "dit-il" est infiniment moins intrusif que "grogna-t-il", "haleta-t-il", "avertit-il" ou "mentit-il". J'ai trouvé, un jour, un dialogue de Mary McCarthy qui se terminait par "admonesta-t-il", et j'ai dû interrompre ma lecture pour aller consulter le dictionnaire.»
Qu'entend-il ici? Deux choses, à mon avis. D'une part, que l'on gagne toujours à faire simple et direct. Car ça facilite la lecture. D'autre part, que l'on gagne aussi à mettre le moins possible son grain de sel. Car moins la présence de l'auteur du texte se fait sentir, plus le lecteur se sent à l'aise de juger par lui-même l'information donnée.
4. N'utilisez jamais d'adverbe pour modifier le sens du verbe "dire"
Pour Elmore Leonard, agir de la sorte est carrément un «péché mortel». Pourquoi? Parce que l'auteur «s'exhibe sans retenue», «détourne l'attention» et «rompt le rythme du dialogue». Bref, parce qu'il nuit dès lors à la lecture.
Autrement dit, dans votre propre travail d'écriture, veillez à ne pas alourdir votre texte avec des mots lourds et pompeux, comme "calmement" ou "laconiquement". Des mots qui, dans le fond, n'apportent rien au lecteur et risquent même de le perdre dans un épais brouillard.
5. Tenez la bride à vos points d'exclamation
Une fois de plus, Elmore Leonard enfonce le clou. Il insiste sur le fait qu'il faut que l'auteur marque le moins possible sa présence et tente le moins possible d'influencer le lecteur. L'information seule, disons nue, doit suffire pour attirer l'attention du lecteur.
6. N'utilisez jamais de tournures telles que "soudain" ou "l'enfer se déchaîna"
Narquois, Elmore Leonard indique : «Cette règle se passe d'explication. J'ai observé que les auteurs qui utilisent le mot "soudain" ont tendance à se laisser un peu déborder par les points d'exclamation».
7. N'utilisez les dialectes régionaux et autres patois qu'avec parcimonie
Appliquée au travail, cette règle devient la suivante : "N'utilisez le jargon professionnel qu'avec parcimonie". Pourquoi? Parce que c'est le meilleur moyen pour perdre le lecteur. Et parce que c'est un truc gros comme une maison pour cacher sa propre ignorance. Car – on le sait bien – rares sont ceux qui vont questionner par la suite l'auteur sur la définition exacte des termes jargonneux utilisés, de crainte de passer pour des ignorants.
8. Évitez les descriptions détaillées des personnages
«Dans la nouvelle d'Ernest Hemingway Collines comme des éléphants blancs, à quoi ressemblent «l'Américain et la fille qui est avec lui»? «Elle avait ôté son chapeau et l'avait posé sur la table». C'est la seule mention de description physique qu'il y ait dans l'histoire, et pourtant on se les représente et on les connaît grâce à leurs intonations, sans un seul adverbe en vue», explique-t-il.
Ainsi, on gagne en faisant ultrasimple, c'est-à-dire en se passant parfois même de détails que l'on considère en général comme incontournables. On gagne, oui, à viser l'efficacité, et non l'exhaustivité.
9. Évitez de décrire par le menu les lieux et les objets
La raison est simple : «les descriptions paralysent l'action et mettent l'histoire au point mort». Et ce, «même si vous savez y faire», «comme Margaret Atwood et (…) Jim Harrison».
On en revient par conséquent au fait que rien ne vaut l'ultrasimplicité.
10. Essayez de supprimer les passages que le lecteur a tendance à sauter
L'idée est de toujours gagner en efficacité. Comment? En supprimant tout ce qui n'est pas absolument nécessaire. Car faire ce qu'on appelle du "remplissage" n'apporte rien à personne. C'est une perte du temps pour le lecteur qui, de toute façon, voit vite le piège et saute allègrement les passages sans intérêt. Bref, un bon texte est un texte dans lequel l'auteur a coupé autant qu'il le pouvait.
Voilà. Prochaine fois qu'il vous faudra rédiger un texte soigné, pour ne pas dire un bon texte, je vous invite à relire ces 10 règles d'écriture. Elles pourraient bien vous aider à briller.
Maintenant, s'il ne fallait retenir qu'une règle, ce serait celle-ci d'après Elmore Leonard :
> Si ça a l'air écrit, je réécris. «La plus importante de mes règles résume toutes les autres : "Si ça a l'air écrit, je réécris".»
En passant, l'écrivain français Paul Valéry aimait à dire : «Écrire enchaîne. Garde ta liberté».
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